Gérard Bekerman, président de l’Afer
journaliste
Le président de l'Association française d'épargne et de retraite (Afer) revient sur le mariage avec le groupe mutualiste Aéma et fait le point sur l'actualité (découvrez l'intégralité de cet entretien dans le numéro d'octobre de La Tribune de l'assurance).
Où en est-on de l’acquisition d’Aviva France par Aéma ? Pouvez-vous nous rappeler vos motifs de satisfaction quant au choix du repreneur ?
Le processus avance bien. Le closing pourra intervenir dans les prochains jours (l'acquisition a été officialisée ce jeudi 30 septembre par Aéma après le feu vert des autorités réglementaires NDLR). Qui dit partenariat dit dialogue. L’Afer se satisfait qu’après une période de monologue difficile s’ouvre la voie d’un véritable dialogue avec un partenaire qui partage un ADN proche. Aéma est un groupe mutualiste. L’Afer est une association loi 1901 à but non lucratif. Ces deux modèles sont compatibles, sans doute davantage qu’avec une société capitalistique. Aéma n’a pas d’actionnaire à rémunérer. C’est bien de penser au capital qui a été nécessaire pour financer une stratégie. C’est mieux de penser aux salariés qui la permettront et aux adhérents qui apportent leur épargne.
De nombreuses fées se sont penchées sur l’Afer depuis l’été 2020, il y a maintenant un an, une dizaine pour être précis, avec des profils de repreneurs diversifiés. L’Afer n’a pas hésité à mettre en avant une disposition juridique intelligente qui lui permettait de s’opposer à toute transaction qui ne serait pas allée dans le sens des intérêts de ses adhérents. Nous comprenons, à l‘heure d’une sur-réglementation, que les assureurs visent à optimiser leurs fonds propres dans des zones qui, pour être souples, sans contrevenir aux règles de solvabilité, pouvaient donner l’image de zones encore perçues comme complaisantes aux yeux des épargnants.
Pour ne citer que quelques initiatives, celle d’Allianz-Athora présentait d’incontestables atouts, surtout la recomposition du fonds général Afer – près de 50 Md€ – avec un allègement de la poche des emprunts d’Etat et un renforcement des fonds de dettes privées. Puis, le jeune fonds franco-français Eurazeo était alléchant avec l’accent mis sur nos PME et le tissu industriel régional. Il y en a eu bien d’autres, parmi les très grands et les plus petits, en France et à l’extérieur. C’est alors que la Macif et Aésio se sont positionnés. L’alliance stratégique proposée par Adrien Couret, son directeur général, et Pascal Michard, son président, nous satisfaisait dès lors que plusieurs prérequis étaient pris en compte : le respect du paritarisme, la résolution de vieux contentieux qui ne concernaient pas directement l’Afer mais son image, la refonte du fonds général, avec moins de « public » et plus de « privé », et la mise en œuvre progressive d’un véritable sociétariat, qui était la vision originelle des fondateurs.
Oui, ce mariage avec Aéma est une chance, une opportunité, avec 7 millions d’assurés sociétaires Afer et Aéma. Dans les tout prochains jours, il faudra définir un baptême, un triple A…
Ce changement de main aura-t-il un impact pour l’Afer en termes de distribution ?
Le portefeuille de l’Afer va coexister, chacun à sa place, avec celui de Mutavie, filiale d’assurance vie de la Macif. Deux cantons habiteront la même région. Des synergies devront être recherchées dans l’assurance, l’épargne et la gestion des actifs. Aujourd’hui, le contrat de l’Afer est distribué à concurrence de 25 % par les agents d’Aviva, de 35 % par Epargne actuelle, cabinet de courtage captif d’Aviva, et de 40 % par des courtiers indépendants (dont les 10 plus importants assurent 90 % de la production). Epargne actuelle est enfant de l’Afer. A chaque fois qu’Aviva a tenté de lui infliger un père adoptif, les adhérents ne l’ont pas accepté. A ce jour, il ne vend pas d’autres contrats que celui de l’Afer. Les horizons sont riches d’opportunités.
A l’approche de la présidentielle et à la suite du rapport Tirole-Blanchard, pensez-vous qu’il y ait un risque de remise en cause de la fiscalité de l’assurance vie en matière de successions ? Quels seront vos chevaux de bataille ?
Je connais bien ces deux économistes. Ce sont de bons économistes, mais leur rapport un peu moins. Car s’attaquer au statut juridique et fiscal de l’assurance vie, c’est s’attaquer à la France. On a besoin de l’assurance vie pour la dette, la relance des entreprises, faire face aux aléas de la vie. Ce serait mal s’y prendre que de la pénaliser en l’intégrant dans le régime civil des successions. L’heure n’est pas à une remise en question. Il faut au contraire donner confiance. Je suis très opposé à ces velléités portées par le député du Modem Jean-Paul Mattei et d’autres élus. Ces positions partent à mon sens d’une mauvaise compréhension de l’assurance vie : au-delà de l’avantage fiscal, celle-ci a en effet un rôle civique et ce n’est pas le moment de contester ce rôle, sauf à ne pas vouloir être civique.
Oui, l’Afer va interpeler les candidats à la présidentielle, y compris Emmanuel Macron s’il en fait partie, pour qu’ils adoptent une position protectrice et non pas pénalisante à l’égard de l’assurance vie. Toute mesure politique ne doit pas asphyxier mais libérer l’épargne dont la France a tant besoin.