La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 a été définitivement adoptée le 4 décembre. Lors des débats parlementaires, les oppositions ont dénoncé le creusement du déficit de la Sécurité sociale d’ici la fin du quinquennat et le manque d’ambition du gouvernement pour transformer durablement le système de santé.
Le Parlement a définitivement adopté le budget 2024 de la Sécurité sociale à 659,6 Md€. La première ministre Élisabeth Borne avait eu recours à l’article 49-3 de la Constitution, vendredi, pour faire passer le texte sans vote à l’Assemblée. Le déficit de la Sécurité sociale se creuse à nouveau : il est estimé à 8,7 Md€ en 2023, puis à 10,5 Md€ en 2024. Les comptes sont plombés notamment par la hausse des dépenses de l’Assurance-maladie en dépit des mesures d’économie programmées par l’exécutif à hauteur de 3,5 Md€.
Prévention, accès aux soins et réforme des financements
Alors que l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie (Ondam) est affiché à +3,2 % (251,9 Md€), de nombreux acteurs, à commencer par les organismes de complémentaires santé, le jugent sous-évalué. Le gouvernement fait le choix d’accélérer le virage de la prévention. Il prévoit trois consultations médicales gratuites à des « âges clés de la vie », soit 25, 45 et 65 ans. Il mise aussi sur la prise en charge totale des préservatifs pour les jeunes, le remboursement des protections réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans, et le déploiement de la campagne de vaccination contre le papillomavirus. Dans le prolongement du 100 % santé, le texte introduit la possibilité d’un remboursement intégral pour les fauteuils roulants. Et l’articulation de la complémentaire santé solidaire (C2S) avec certains minima sociaux devrait faire diminuer le renoncement aux soins.
Dans le secteur des produits de santé, la loi renforce la lutte contre les tensions d’approvisionnement sur le marché des médicaments, en généralisant la délivrance de médicaments à l’unité et en facilitant la délivrance de certains médicaments de substitution. L’exécutif poursuit sa réforme du financement hospitalier : en plus de la tarification à l’activité (T2A), il est prévu d’augmenter la part de financements par dotations pour certaines des activités du champ « médecine-chirurgie-obstétrique » (MCO). Sur le sujet controversé des franchises, tout projet de texte prévoyant de modifier le montant de la franchise médicale et de la participation forfaitaire des assurés sur leurs dépenses de santé sera soumis à l’avis des commissions des affaires sociales du Parlement.
Des transferts de charge sur les Ocam
L’objectif du gouvernement de maîtrise des dépenses maladie se traduit par des transferts de charge vers les Organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam). Certaines mesures ont déjà été mises en place fin 2023, comme la majoration de 1,50 € des tarifs des consultations médicales et la hausse du ticket modérateur sur les actes dentaires, passé de 30 % à 40 %. Cette dernière représente 500 M€ en année pleine de charges additionnelles pour les complémentaires.
Dans un communiqué commun, France assureurs, la Mutualité Française et le CTIP indiquent que les Ocam « vont devoir assumer au moins 1,5 Md€ de dépenses supplémentaires pour maintenir et renforcer l’accès aux soins des Français », rappelant que « les évolutions tarifaires sont décidées avec discernement, acteur par acteur » Invité de l’émission Dimanche politique sur France 3, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a réagi le 3 décembre aux chiffres qui circulent depuis la rentrée à propos des revalorisations tarifaires des contrats santé et qui varient de +8 à +12%, affirmant que « de telles augmentations n’étaient pas tenables » et que, au regard de l’inflation et du niveau de transfert de charges, « des hausses de 4 % à 5 % seraient plus logiques ». Le ministre a annoncé une prochaine rencontre avec les représentants des Ocam, sans plus de précisions à ce stade.
Parmi les mesures de rééquilibrage, la loi prévoit de renforcer les contrôles sur les prescriptions des arrêts de travail – afin de réduire les dépenses d’indemnités journalières (IJ) – et d’encadrer les pratiques de téléconsultations. Un délit spécifique de facilitation de la fraude sociale est aussi créé.
Les autres branches de la sécu
La branche accidents du travail et maladies professionnelles (16 Md€ de dépenses) : avec un excédent record de 1,9 Md€ en 2023, puis des excédents annuels compris entre 0,8 et 1,2 Md€ entre 2024 et 2027, la branche AT-MP confirme sa bonne situation financière malgré une baisse des taux de cotisations prévue en 2024 puis en 2026 afin de compenser une hausse symétrique des taux sur la branche vieillesse.
La branche vieillesse (293,7 Md€ pour la branche) : la réforme des retraites permet de réduire d’un tiers le déficit de la branche d’ici 2027 mais le vieillissement démographique et les difficultés financières du régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, notamment, vont inverser la trajectoire financière dès 2024 pour atteindre un déficit de 11,2 Md€ d’ici 2027.
La branche famille (58 Md€) : son solde est excédentaire, mais il est en contraction depuis 2021, et le budget n’intègre aucune mesure structurelle.
La branche autonomie (40 Md€) : l’excédent de 1,3 Md€ prévu en 2024 devrait rapidement s’éroder au regard des mesures prises pour renforcer l’accompagnement à domicile et dans les établissements. Alors que le projet de loi « bien vieillir » revient à l’Assemblée, c’est l’occasion pour les assureurs de revenir sur le projet d’une couverture dépendance incluse dans les contrats santé, portée par leurs fédérations.