Rapporteuse d’une mission d’information sur l’assurance-crédit, déposée mi-février à l’Assemblée nationale, la députée LREM de la première circonscription de Gironde, Dominique David, revient dans cet entretien sur ses principales conclusions.
Vous appelez à davantage de concurrence en assurance-crédit, quels sont les leviers à activer pour permettre cette ouverture du marché ?
Tout d’abord, je tiens à souligner que l’ouverture à la concurrence, même sans incitation particulière, est tout de même possible aujourd’hui. L’arrivée de Cartan Trade en est une preuve. Là où la puissance publique ou le législateur peuvent intervenir, et je déposerai une proposition de loi dans les semaines à venir, c’est pour lever un certain nombre de verrous sur l’accès à ce marché. Je propose de supprimer la clause d’exclusivité, qui fait que lorsque l’assureur se retire ou diminue son encours, le client se retrouve sans aucune protection, et ne peut pas faire appel à un autre assureur. En insérant ces clauses, on prend le risque de laisser le client sans couverture. Tout cela crée un effet pro-cyclique et amplifie le phénomène contre lequel l’assurance doit prémunir. À partir du moment où l’assurance-crédit est verrouillée par des clauses anticoncurrentielles, on ne peut pas dire que c’est un marché qui fonctionne normalement.
À ce propos, je propose également d’inscrire dans la loi la possibilité de recourir aux solutions Top Up, qui permettent de faire intervenir un assureur de deuxième rang sans dénoncer le contrat avec l’assureur de premier rang. De nombreux petits assureurs-crédit sont présents sur le marché, y compris à travers les solutions Top Up, mais ils font face à des barrières à l’entrée imposées par les leaders du marché français de l’assurance-crédit.
Vous demandez à la profession d’élaborer un code de bonne pratique, est-ce le signe de l’échec de la charte établie par le Médiateur du crédit ?
La charte du Médiateur, signée par les assureurs crédit en 2013, n’a pas du tout été respectée dans le cadre de cette crise. C’est bien la raison pour laquelle je reprends un certain nombre de ses clauses dans ma proposition de loi. À travers cette charte, les assureurs-crédit s’étaient engagés à ne pas retirer leurs encours de façon sectorielle ou géographique, malheureusement tout a été oublié dès les premiers jours de la crise. Un guide des bonnes pratiques pourrait également prévoir un volet d’information et de prévention envers les clients.
Vous appelez également à clarifier les conditions d’intervention de l’État comme assureur de dernier ressort.
Nous avons constaté aussi bien en 2008 qu'en 2020 que l’État a été obligé d’intervenir. Partant de ce constat, je plaide pour que la puissance publique se dote d’une doctrine pour le marché de l’assurance-crédit, pour qu’on sache quoi faire en cas de crise. L’idée est de ne pas céder à la panique. On pourrait tout à fait envisager les seuils et les méthodes d’intervention de l’État en cas de choc exogène.
Avec le recul, nous nous sommes rendu compte qu’il n’y a pas eu de crise de l’assurance-crédit pendant la Covid, non pas parce que nous avons mis en place le Cap relais, mais grâce au « quoi qu’il en coûte ». Finalement, les entreprises avaient la trésorerie pour payer leurs fournisseurs. Il y a eu un phénomène de panique, qu’il faudra essayer de prévenir notamment au travers des recommandations mentionnées dans le rapport, et en renforçant les échanges entre assureurs et acheteurs. L’assurance-crédit a un rôle stratégique, il est indispensable d’anticiper l’effet des crises sur ce marché, en disposant de dispositifs préparés et négociés avec les assureurs-crédit en amont.