Bruno Lepoivre, directeur adjoint des marchés de l’agriculture de Pacifica, filiale assurance dommages de Crédit agricole assurances
Journaliste
Alors que l'agriculture tient actuellement salon à Paris, Bruno Lepoivre revient sur l'impact du changement climatique sur l'assurance agricole et pointe la nécessité pour les agriculteurs de s'assurer pour poursuivre leur développement.
Quel bilan 2019 dressez-vous de votre activité en assurance agricole ?
C’est une activité relativement récente pour le Crédit agricole. Pacifica a démarré en 2002 sur le marché de l’agriculture et enregistre, à ce jour, un taux de pénétration supérieur à 39 % avec une croissance très régulière autour de 5 % par an sur un marché agricole qui stagne.
Notre modèle de bancassureur orienté vers les territoires constitue un atout majeur pour notre développement. Nous nous appuyons sur le réseau bancaire des Caisses régionales, ce qui nous donne une relation privilégiée avec les agriculteurs et nous permet de les accompagner dans tous leurs moments de vie. Nous assurons l’agriculteur sur ses actifs professionnels (matériel, exploitation, bâtiments…) avec le contrat multirisque agricole qui couvre les biens et la responsabilité sur l’exploitation, mais nous couvrons également ses besoins personnels avec des offres en santé, auto, garanties des accidents de la vie…
Quels impacts a eu le changement climatique sur l’assurance agricole ?
Les événements climatiques se multiplient. Des projections faites par la Fédération française de l’assurance (FFA) prévoient même un doublement de fréquence et d’intensité des sinistres d’ici 2040. Les quatre dernières années ont été extrêmes en termes de sinistralité, et toutes les régions ont été touchées. L’année 2016 a constitué la plus mauvaise récolte depuis l’après-guerre, certains agriculteurs perdant jusqu’à 70 % de leur récolte. L’épisode de gel en avril 2017 qui s’est abattu dans des régions telles que l’Occitanie nous prouve qu’aucune région ne peut se considérer comme épargnée.
Face à cela, le taux de couverture de la ferme France demeure très limité. Il plafonne à 30 % en grandes cultures et viticulture, secteur qui s’est pourtant mobilisé depuis l’épisode de grêle de 2011.
Pour autant, des dispositifs ambitieux ont été mis en place par l’Espagne ou les Etats-Unis et ont permis de couvrir 70 % des surfaces agricoles en une trentaine d’années. Avec quinze-vingt ans de recul, nous sommes en France actuellement autour de 30 % de couverture, il reste du chemin à parcourir. C’est de l’intérêt des agriculteurs de s’assurer afin de poursuivre leur développement.
Que répondez-vous aux agriculteurs qui hésitent à s’assurer ?
En tant qu’assureur, et face à la multiplication des événements climatiques, notre responsabilité est de leur faire prendre conscience que le choix de ne pas s’assurer limitera leur capacité d’investissement future. Faire appel à sa trésorerie pour faire face à des sinistres climatiques n’est pas viable sur le long terme et peut mettre en péril la rentabilité de l’exploitation. En termes de rentabilité, il est important de rappeler que l’assurance récolte est subventionnée jusqu’à 65 % du montant de la prime, pour une franchise de 25 %.
Faut-il généraliser l’assurance agricole ?
La concertation ouverte par le ministère de l’Agriculture permettra de réexaminer l’efficacité des outils mis à disposition des agriculteurs et d’explorer de nouvelles pistes d’innovation pour la sécurisation de leurs exploitations. Nous sommes intégrés au groupe de travail mené par la FFA qui a envoyé 19 propositions d’amélioration (simplification du contrat, simplification des procédures en lien avec l’obtention de la subvention, cohérence entre tous les outils, prévention et culture du risque) au ministère de l’Agriculture.
Par ailleurs, nous avons largement participé à la contribution adressée par le groupe Crédit agricole qui, en sus des propositions FFA, insiste sur la panoplie des solutions y compris bancaires (par exemple épargne de précaution) et sur l’innovation.
Mais de façon générale, nous regarderons avec la profession agricole et les pouvoirs publics les meilleures pistes pour augmenter le taux de souscription de ces garanties des risques climatiques, de façon à mieux sécuriser l’agriculture française.
Le régime des calamités agricoles est aujourd’hui pointé du doigt, faut-il le réviser ?
L’ensemble des acteurs du monde agricole partage le fait qu’il est nécessaire d’aller plus loin sur le dispositif des calamités agricoles. Nous assistons à une prise de conscience collective du dysfonctionnement du régime tel qu’il existe aujourd’hui. Tout d’abord, certaines cultures, comme les grandes cultures ou la viticulture, sont exclues de ce dispositif. Ensuite, pour les autres, le régime des calamités agricoles n’intervient qu’au-delà de 30 % de pertes et exclut de surcroît les agriculteurs qui ont fait l’effort de diversifier leur activité. Pour finir, dans le système actuel, un non assuré peut dans certaines conditions particulières être mieux indemnisé par le biais du fond des calamités agricoles qu’un éleveur ayant souscrit un contrat d’assurance des prairies.
Il est important de rénover le régime des calamités agricoles afin d’améliorer l’articulation entre les dispositifs publics et privés et protéger au mieux les agriculteurs de manière à ne plus avoir aucune exclusion.