Interview de la semaine

« L’agilité est une lame de fond dans l’assurance »

Publié le 18 octobre 2018 à 8h00

Stéphane Tufféry

Maël Kerroux, associé Amnis Consulting

Stéphane Tufféry
rédacteur en chef

Coauteur de l’étude « L’agilité : de l’ambition à la concrétisation », Maël Kerroux expose les grandes tendances à l’œuvre dans le secteur en matière de transformation et de management au sein des entreprises d’assurance.

Amnis vient de boucler son étude sur la transformation agile de l’assurance, quelles en sont les grandes tendances ?

Après plusieurs projets réalisés aux côtés d’assureurs avec l’agilité comme mode de fonctionnement et de transformation de l’entreprise, nous avons souhaité savoir s’il s’agissait d’un mouvement de fond dans la banque et l’assurance comme cela a été le cas voilà quelques années dans l’industrie. Et notre étude fait le constat qu’en effet un mouvement de fond est engagé dans les services financiers et assurantiels.

Pourquoi ?

Le contexte est favorable à l’appropriation de l’agilité pour transformer la banque et l’assurance. Les clients sont demandeurs de davantage de vitesse, d’anticipation de la part de leur banque ou de leur assureur. L’air du temps est au développement de nouveaux produits ou services en phase avec les modes de consommation nouveaux et émergents. La relation client est en profonde mutation et le rythme s’accélère dans l’assurance ; l’agilité est susceptible d’aider les entreprises à mieux répondre, être plus réactives et en accord avec les besoins de leurs clients.

En outre, la digitalisation à l’œuvre accélère elle aussi les remises en question et les besoins d’évolution des organisations. La finance est en outre en proie à une remise en cause avec l’arrivée de nouveaux entrants, plus souples et réactifs que les acteurs traditionnels aux organisations plus rigides. S’acculturer à l’agilité est ainsi un moyen de transformer l’entreprise et de lui conférer la réactivité nécessaire.

Comment l’agilité se diffuse-t-elle dans le secteur ?

Lors de la réalisation de l’étude, nous avons interrogé les salariés et dirigeants de la banque et de l’assurance : pour 80 % d’entre eux, l’agilité ce sont d’abord des méthodes. Ce que l’on constate c’est que la transformation agile des banques et assurances débute quasi toujours par les projets informatiques et se diffuse progressivement au sein de tout le périmètre de la DSI et parfois au-delà.

On pourrait dire qu’on passe de méthodes agiles à une organisation et un management agiles. Tous ceux qui l’ont testé l’ont approuvé ; c’est un enseignement majeur de l’étude que nous venons de mener. Dès lors que l’agilité fait son entrée dans l’entreprise, ses utilisateurs s’en félicitent. Le regroupement de toutes les compétences et métiers de l’entreprise, l’implication du client, interne ou externe à l’organisation, dans la construction et le lancement de nouvelles offres ou services, sont une réussite. Et les collaborateurs qui y ont contribué en ressentent de la fierté.

Maintenant, la transformation agile n’étant pas un canevas à appliquer scrupuleusement, à l’instar d’une norme ou d’une certification, nous avons constaté au cours des entretiens réalisés que la transformation agile est un processus itératif de test & learn, d’apprentissage en continu. Chaque organisation peut y puiser ce qu’elle veut et se l’approprier en tout ou partie. C’est en quelque sorte une boîte à outils dont tout le monde peut se servir. En matière d’agilité en entreprise, il n’y a pas de règle absolue, c’est l’expérience de chacun qui prévaut.

N’y a-t-il pas un paradoxe à parler de management agile dans les organisations hiérarchisées et en silos des entreprises d’assurance ?

La problématique de l’accélération et de l’adaptation à la demande mouvante du client s’impose à tous les secteurs. L’agilité permet de se transformer pour se rapprocher du client. Il y a donc du sens dans l’assurance à outrepasser les silos et l’organisation traditionnelle des entreprises. Cela peut paraître contre nature pour les assureurs très hiérarchisés et axés sur la gestion des risques.

L’agilité qui est basée sur davantage de responsabilisation, de délégation, de confiance, de pro-activité et sur le droit à l’erreur, peut heurter l’organisation même des entreprises du secteur. L’agilité impacte également les RH : pour permettre aux collaborateurs d’être pro-actifs et au plus près du client, on doit passer d’une logique de verticalité à une logique d’horizontalité, qui nécessite une acculturation au flat management de l’agilité.

Historiquement, les assureurs géraient davantage leurs engagements et les contrats en portefeuille que la relation client. C’est aujourd’hui terminé et l’ensemble des opérateurs entendent se rapprocher du client, innover davantage. Et l’agilité, qui promeut le travail en équipe et les processus itératifs, peut y contribuer.

Les bénéfices sont tangibles pour tous, rapidement palpables, y compris en termes de sens au travail pour les collaborateurs.

A vous entendre, la composante RH est essentielle pour que les assureurs s’emparent de la méthode agile ?

Pour 90 % des décideurs interrogés pendant l’étude, l’agilité est un état d’esprit : on ne se décrète pas agile. Donc, il faut s’y acculturer et cela prend du temps. Il est fondamental d’associer chacun aux pratiques nouvelles de l’agilité. Il y a aussi une problématique RH pour accompagner ces transformations : de nouveaux rôles apparaissent dans l’entreprise, de nouveaux modes de management se mettent en place, basés sur la confiance, la délégation et le lâcher prise. Le management horizontal de l’agilité nécessite de faire évoluer le management intermédiaire, pléthorique dans le secteur financier.

Cela signifie des formations, une réorganisation… Donc oui, l’enjeu RH est fort. D’autant plus que le mouvement de fond constaté dans notre étude vis-à-vis de l’agilité correspond aux aspirations des jeunes générations quant au sens au travail dans l’entreprise. La capacité à innover est source d’intérêt pour les candidats à l’emploi dans l’assurance. L’enjeu RH est ainsi double : à la fois interne pour mobiliser les équipes autour du client et de l’innovation mais aussi en tant que marque employeur pour attirer les talents.

L’étude est disponible sur le site du cabinet de conseil : amnis-consulting.fr

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