Simon Le Dily, président de l'Institut des actuaires

« L'actuariat est une profession dont certains métiers apparaissent en ce moment »

Publié le 21 août 2025 à 9h00

Sarah Noufi    Temps de lecture 6 minutes

Élu fin juin à la présidence de l’Institut des actuaires pour un mandat de deux ans, Simon Le Dily définit ses priorités : renforcer l’attractivité de la profession et accroître son influence dans le secteur. Il souligne également la capacité d’adaptation des actuaires face à des métiers en constante évolution.

Quelle est votre feuille de route ?

Nous voulons intensifier nos liens avec tous les acteurs du secteur : assureurs, régulateurs, institutions… Mais aussi faire mieux connaître notre profession, qui reste encore parfois mal identifiée. Nous devons accompagner nos membres dans toutes les transformations qui traversent notre profession – intelligence artificielle, climat, durabilité, etc. – et qui font évoluer notre rôle en profondeur. Par ailleurs, l’actuariat c’est une profession mais plusieurs métiers, dont certains apparaissent en ce moment même. Il faudra former, reformer, accompagner l’employabilité. C’est une priorité.

Quels sont, selon vous, les défis de la profession ?

Le premier défi est l’appropriation de l’intelligence artificielle, qu’elle soit générative ou non : comprendre les enjeux, mobiliser la profession, développer des formations adaptées. Le second concerne la gestion des risques climatiques et de biodiversité : les actuaires doivent être en mesure de modéliser ces risques et de créer de la valeur pour leurs entreprises, les assurés et la société. Ces chantiers sont bien entendu déjà engagés.

Quel rôle joue aujourd’hui l’Institut dans l’écosystème de l'assurance ? Et comment souhaitez-vous le faire évoluer ?

L’Institut des actuaires est un acteur unique. C’est une association reconnue d’utilité publique, qui représente la profession actuarielle et garantit son excellence, au service de l’intérêt général. Notre respect des normes et de la déontologie, avec des commissions dédiées, nous distingue. Concrètement, nous produisons des études, des guides, des positions utiles à toute la communauté assurantielle et financière. En 2024, 360 réunions de travail ont été tenues par nos bénévoles, soit 15 % de plus qu'en 2023. Cette dynamique est essentielle. Je veux maintenant que l’Institut des actuaires parle à plus de monde, notamment des parties prenantes qu’on a peu sollicitées jusqu’ici.

Vous entendez renforcer les liens avec les parties prenantes. Avec qui, précisément ?

Avec les assureurs d’abord. Ils sont nos partenaires naturels. Nous voulons renforcer nos échanges avec eux, leur proposer davantage de formations, permettre à plus de leurs collaborateurs d’être associés aux groupes de travail. Leur implication est clé dans notre production collective. Et puis il y a les institutions : ACPR, Trésor, fédérations, autres associations spécialisées. Certains sujets se recoupent : risques, réglementation, climat, etc. Travailler ensemble est une évidence. L’Institut des actuaires doit contribuer davantage aux réflexions de Place, avec l'objectif de co-construire des réponses pertinentes.

Quel bilan tirez-vous de 2024 ?

Le bilan est franchement très positif, et je remercie la mandature sortante qui a travaillé sur la cartographie des risques, le guide sur la durabilité... Ce dernier me tient à cœur, je l’ai moi-même utilisé dans ma carrière en entreprise. Ces publications ont une réelle utilité et trouvent leur public. Par ailleurs, l’événement 100 % Actuaires–Data Science–Durabilité a connu un véritable succès cette année, et notre dernier congrès a rassemblé plus de 1 300 participants, un record. Fait marquant : plus d’un tiers d’entre eux n’étaient pas membres de l’Institut, preuve que nos travaux suscitent de l’intérêt bien au-delà de notre seule communauté.

Comment comptez-vous répondre aux enjeux de formation et d’attractivité ?

Il y a de plus en plus de jeunes diplômés qui intègrent l’Institut des actuaires, et une nouvelle formation vient même d’être accréditée au Mans. Mais nous devons aller plus loin, car maintenir l’excellence implique aussi de diversifier les profils. L’Institut des actuaires a lancé un groupe de travail dédié au sujet, mais il ne le porte pas seul : les écoles et les universités sont bien sûr les premières concernées. Et puis, nous continuons les actions de terrain : présence dans les forums, interventions en classes prépa, actions en région… Cela va s’intensifier. Je voudrais dire aux jeunes scientifiques que l’actuariat, c’est passionnant et ouvert : ce n’est pas seulement des maths, c’est comprendre et anticiper les risques, contribuer à des enjeux réels comme le climat ou la cyber sécurité. Notre profession construit des ponts entre technique et impact concret.

Combien êtes-vous aujourd’hui au sein de l’Institut des actuaires ?

Nous sommes 5 431 membres. Et nous accueillons chaque année entre 150 et 200 nouveaux entrants. Il y a dix ans, nous étions autour de 3 700. La progression est continue, mais l’enjeu maintenant, c’est d’être encore plus représentatif, plus visible et plus actif. Pour 2026, l’objectif n’est pas un chiffre précis, mais de continuer sur cette dynamique tout en gagnant en diversité : intégrer davantage de profils issus de la data science, du climat, de la cyber… Ceux qui construisent les métiers de demain. Et d’aider les actuaires qui le souhaitent à s’orienter vers ces nouveaux métiers.

Comment imaginez-vous l’évolution de la fonction actuarielle à moyen terme ?

L’actuariat est une profession aux multiples facettes, en constante évolution. Par le passé, les actuaires sont passés de l’assurance vie et non-vie aux risques financiers, puis à la data science. Aujourd’hui, les enjeux liés au climat, à la biodiversité ou à la cybersécurité s’imposent. Et demain, d’autres chantiers apparaîtront. L’IA générative, par exemple, apportera de nouveaux défis mais aussi de nouveaux rôles. Nous ignorons à quoi ressembleront les métiers dans cinq ans, mais nous savons qu’il faudra s’y adapter. C’est pourquoi nous travaillons dès à présent à faire évoluer notre offre de formation.

Ce rythme de transformation n’est-il pas trop rapide ? Est-ce que vous redoutez que certains décrochent ?

C’est un vrai sujet. Tout évolue plus vite, c’est un constat global. Mais je ne crois pas qu’on soit en train de perdre pied. Certains postes vont évoluer, de nouvelles compétences vont être requises, mais l’essentiel de nos métiers restera. Et les actuaires, par leur formation, sont justement bien placés pour suivre cette accélération. Les métiers évoluent, donc les compétences aussi. Les actuaires sont naturellement formés pour cette adaptation. L’Institut et les entreprises ont un rôle de veille, de soutien et de formation continue.

Est-ce que l’Institut prévoit de proposer de nouvelles formations en lien avec ces mutations ?

Oui, clairement. Nous proposons déjà des modules en data science ou en gestion des risques. Nous travaillons sur de nouveaux contenus, en lien avec les transformations du secteur. Ce rôle de veille et d’adaptation est une mission centrale de l’Institut.

Enfin, en tant que président, quel cap personnel voulez-vous donner à l’Institut pour les deux ans à venir ?

Mon ambition est que l’Institut des actuaires soit encore plus visible, plus influent, plus attractif. Et surtout utile. Pour moi, il doit être un acteur de Place, au service de ses membres mais aussi de tout l’écosystème. J’ai cette conviction forte : il faut permettre aux actuaires d’occuper les métiers de demain.

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