Patricia Lacoste, PDG du Groupe Prévoir
rédacteur en chef
Véritable ovni dans le paysage français de l’assurance, le groupe Prévoir, assureur indépendant et familial, spécialiste des assurances de personnes, est doté d’une PDG. Retour sur les dix-huit derniers mois avec Patricia Lacoste.
Quel est le profil du groupe Prévoir ?
Prévoir existe depuis cent dix ans et conserve aujourd’hui encore son caractère indépendant et familial, ce qui en fait un modèle à part dans le secteur. Notre actionnariat, composé des familles fondatrices à hauteur de 70 % et des salariés pour 30 %, est stable et fidèle. Toutefois, parmi les quatre familles fondatrices, nous comptons désormais 500 actionnaires familiaux qui pour certains constituent la 6e génération depuis la création de l’entreprise en 1910 ; maintenir l’attachement de cet actionnariat pour ne pas diluer le capital du groupe n’est pas aisé mais c’est fondamental pour garder notre ADN et nous y parvenons jusqu’à présent.
Quelles sont vos spécialités ?
Prévoir est assureur de personnes à la fois actif en épargne, en santé et surtout en prévoyance. Notre cœur de cible est constitué par une clientèle populaire, ce qui là encore nous positionne de manière un peu atypique par rapport à nos pairs assureurs de personnes. Cette population cible (les foyers de classe moyenne disposant d’un revenu mensuel compris entre 1,5 et 2,5 le smic) influence notre offre de produits et de services. Les classes moyennes et populaires sont à l’évidence plus vulnérables et fragiles que les CSP+ ; dès lors, nous pensons nos offres pour cette clientèle pour qui la prévoyance a encore davantage de sens que pour les plus privilégiés. Le risque de dépendance et de perte d’autonomie bien sûr, mais aussi les assurances obsèques sont des produits que nous proposons et qui ont beaucoup de sens pour nos assurés.
Comment se ventile votre activité ?
La prévoyance compte pour la moitié de notre activité, qui représente en 2020 un chiffre d’affaires pour la principale entité du groupe, à savoir Prévoir vie, de 511 M€ ; l’épargne et la retraite représentent 45 % de l’activité et la santé 5 %. Depuis quelques années, nous faisons en sorte de réorienter un peu le mix de nos affaires au profit de la prévoyance et aux dépens de l’épargne, compte tenu de l’environnement de taux bas. En effet et à nouveau du fait du profil de notre clientèle, nous sommes très majoritairement actifs en vie à travers l’offre sécurisée du fonds euros et très peu en unités de compte. Sur 4 Md€ d’encours, seuls 20 M€ sont investis sur des UC. C’est notre travail que de bien gérer les actifs du fonds général pour dégager du rendement et des plus-values ; notre allocation d’actifs est ainsi exposée aux actions et à l’immobilier à des niveaux plus élevés que ceux de nos confrères, sans que cette exposition actions/immobilier ne vienne fragiliser la solidité du groupe. A fin 2020, notre ratio de solvabilité du groupe s’affichait à 264 %.
Quels sont vos canaux de distribution ?
En ce qui concerne Prévoir vie, 80 % de l’activité est réalisée par notre réseau historique de salariés, un réseau debout qui se déplace au domicile des clients, et 20 % en marque blanche via des partenaires distributeurs de longue date tels qu'April, SP vie ou Solly Azar.
Quelle est votre stratégie avec les acquisitions des courtiers grossistes AssurOne, Utwin ou plus récemment l’intégration du comparateur Réassurez-moi ?
Il s’agit d’un virage stratégique de long terme ; notre ambition est de diversifier nos canaux de distribution et d’accélérer notre transformation digitale. A l’heure d’Internet et au lendemain de la crise sanitaire, notre réseau salarié, certes particulièrement performant et professionnel, ne peut pas être notre unique canal de distribution. D’où ce choix stratégique de nous porter acquéreurs des deux courtiers grossistes que sont AssurOne et Utwin. Alors que notre réseau, qui se rend auprès des clients pour distribuer nos offres, s’est vu empêcher d’exercer pleinement son activité pendant le confinement, le courtage et le direct ont pu continuer de produire.
Ne craignez-vous pas de voir remis en cause vos partenariats en marque blanche noués avec les grossistes dès lors que vous venez sur leur terrain du courtage ?
AssurOne et Utwin sont tous les deux multi-marques et multi-fournisseurs, l’un spécialisé en IARD, l’autre en assurance emprunteur. Ils distribuent des produits de nombreux assureurs partenaires, Prévoir vie est l’un d’entre eux. Nous avons à la fois convaincu nos partenaires courtiers que nous n’entendions pas cannibaliser leurs affaires, et les fournisseurs d’AssurOne et Utwin que le modèle d’intermédiaire multimarque serait préservé. Dans la réalité des chiffres, c’est le cas puisque Prévoir compte seulement pour un cinquième de l’activité de Utwin.
Quelle est votre feuille de route jusqu’à la fin de l’exercice ?
D’ici la fin 2021, nous lancerons notre nouveau plan stratégique pour les cinq prochaines années. Après une légère baisse de l’activité en 2020 liée à la Covid-19, nous entendons renouer avec la croissance dès cette année en continuant à privilégier la prévoyance en cette période de taux bas. Prévoir, déjà très actif en matière d’ISR et d’ESG, doit aller encore plus loin et formaliser davantage son approche pour répondre à la préoccupation croissante des épargnants en la matière. En termes de produits, nous avons commencé à commercialiser notre PER individuel en partenariat avec CNP ; nous allons le généraliser à l’ensemble du réseau d’ici la fin de l’année.
Quelle est votre position vis-à-vis du risque dépendance que vous pratiquez de longue date ?
Notre premier produit de dépendance date en effet de 1996, vingt-cinq ans déjà ! Pour autant, c’est un risque long difficile à modéliser et pour lequel nous faisons appel à la réassurance pour limiter notre exposition. C’est typiquement un risque biométrique sur lequel les assureurs sont parfaitement légitimes à s’investir. Aujourd’hui, Prévoir commercialise des contrats spécifiques à la dépendance, cela nous permet d’intervenir assez tôt dans la perte d’autonomie sans attendre la dépendance lourde, en dépendance partielle ou légère, avec pour objectif d’accompagner nos clients pour leur permettre le maintien à domicile le plus longtemps possible.
Etes-vous en phase avec la proposition de la profession de généraliser cette garantie par le biais des contrats santé ?
La dépendance est un sujet qui concerne toute la société. Les assureurs au premier chef sont parfaitement légitimes à proposer une solution de gestion du risque. Cela dit, je me suis interrogée sur cette solution d’adossement de la dépendance aux contrats santé ; il y a des éléments positifs avec une assiette large de mutualisation, susceptible de financer rapidement les prestations à servir aux assurés qui tombent en dépendance. Cependant, je suis plutôt favorable à des contrats dépendance spécifiques, mieux ciblés et apportant plus de services.