Philippe Michel Labrosse, directeur général d’Abeille assurances

« La vraie catastrophe aurait été le maintien durable de taux négatifs »

Publié le 1 septembre 2022 à 9h00

Juliette Lerond-Dupuy    Temps de lecture 6 minutes

Le retour d’Abeille assurances est l’occasion pour son directeur général de détailler sa feuille de route et de s’exprimer sur les sujets de Place, notamment la réforme de l'assurance récolte et le pouvoir d’achat (retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro de septembre de La Tribune de l’assurance).

Quelle est la feuille de route d’Abeille assurances ?

Les premiers mois ont été marqués par l’installation d’une nouvelle gouvernance, par les travaux de désarrimage à l’ancienne maison mère Aviva Plc (avec un énorme chantier en informatique), par le retour à un référentiel comptable français, par la sortie des traités de réassurance du groupe Aviva (qui réassurait 50 % des activités d’assurances dommages), et par le lancement de notre nouvelle marque Abeille assurances. En fait, nous sommes redevenus un assureur français de plein exercice et la reconstruction de nos programmes de réassurance est une illustration de la puissance d’Aéma groupe et du soutien de notre principal actionnaire Macif. Nous avons également réintégré le régime Cat Nat de la CCR. Par ailleurs, nous avons lancé un plan d’actions à dix-huit mois, en prévision d’une réflexion stratégique au niveau du groupe à moyenne échéance.

Comment se ventilent vos 7 Md€ de revenus par grands canaux de distribution ?

Nos agents généraux contribuent fortement au développement de nos activités d’assurances dommages et santé : 83 % du chiffre d’affaires de cette branche d’activité sont réalisés avec eux, 8 % avec le courtage et 9 % avec le canal direct. Ils ont l’exclusivité du marché agricole et une relation privilégiée avec l’Afer. 38 % de la collecte d’Afer est réalisée par les agents généraux, 25 % par Épargne actuelle et 36 % par le courtage. Hors Afer, le chiffre d’affaires épargne-retraite est essentiellement porté par le courtage et UFF.

Que devient votre activité de gestion d’actifs ?

Nous avons repris l’ensemble des activités françaises d’Aviva, y compris la gestion d’actifs avec Ofi Invest Asset Management – qui gère 120 Md€ d’actifs financiers – et Ofi Invest Real Estate pour l’immobilier – qui gère environ 10 Md€. La première est devenue Abeille Asset Management et la seconde, Abeille REIM, et toutes deux font partie d’un projet d’intégration important pour le groupe qui vise à construire un grand pôle de gestion d’actifs. Ce projet se fonde sur le rapprochement des sociétés de gestion d’actifs financiers et immobiliers d’Aéma et principalement les entités du groupe OFI détenues actuellement à 61 % par Macif et les filiales d’Abeille assurances. En matière de gestion d’actifs, la taille est essentielle. Par conséquent, le rapprochement de ces entités a beaucoup de sens et permettra à Aéma groupe de devenir le cinquième acteur de la gestion d’actifs français.

Que pensez-vous de l’application prochaine de la réforme de l’assurance récolte ?

Nous sommes un acteur historique et légitime de l’assurance agricole ; Abeille bourguignonne a été créée en 1856 pour assurer les viticulteurs contre la grêle. De fait, notre réseau d’agents généraux se distingue par une implantation rurale notable. Nous avons une grande proximité avec le monde agricole et détenons 10 % de parts de marché du secteur. La loi assurance récolte est une bonne loi sur le principe, surtout face aux chocs liés aux changements climatiques. Faire croître le pourcentage d’agriculteurs assurés à 60 % sur les grandes récoltes et les récoltes viticoles et à 30 % pour l’arboriculture, et faire rentrer les pouvoirs publics dans le dispositif me semble une bonne chose.

Le sujet problématique est que la loi renvoie à des dispositions réglementaires qui font débat. Il y a d’abord le pool de co-réassureurs. Nous souhaitons prendre le temps de la discussion sur ce que sera ce pool, s’assurer qu’il garantisse la responsabilité des intervenants et qu’il préserve le modèle d’un marché ouvert qui permette de conserver nos choix d’entrepreneurs. Et puis, il y a le guichet unique. Il conviendra de définir ses missions et son organisation.

Quelle stratégie visez-vous en épargne dans un contexte de remontée des taux et d’inflation ?

N’oublions tout de même pas trop vite que la vraie catastrophe aurait été le maintien durable de taux négatifs. Nous en sommes sortis et c’est tant mieux ! Une remontée trop forte et brutale constituerait une difficulté. Ce n’est pas la situation que nous observons à ce stade. Évidemment, la remontée des taux produit un impact négatif sur la valorisation des portefeuilles de taux, mais les conditions de réinvestissement sont redevenues plus favorables. Notre collecte en vie reste très dynamique et toujours très orientée vers les UC. Au 30 juin 2022, nous enregistrons une progression d’environ 8 %, avec un taux d’UC de 52 % sur l’ensemble du portefeuille, y compris le périmètre Afer.

Quid de votre FRPS suite au rachat ?

Nous sommes très heureux de disposer avec notre compagnie Abeille retraite professionnelle d’un FRPS. Nous l’utilisons pleinement pour le développement de la totalité de notre activité retraite et pour nous positionner sur des appels d’offres en matière d’épargne collective. Nous regardons par ailleurs des marchés en mouvement, comme celui de l’assurance emprunteur, qui constitue pour nous une opportunité tant au regard de notre capacité de distribution que de nos cibles de clientèle. Au sein d’Aéma groupe, nous bénéficions d’une solide expertise au travers de notre souscripteur et gestionnaire Securimut avec lequel nous pourrions sans doute envisager des travaux communs. Pour l’heure, nous analysons ce que sera le marché post-loi Lemoine.

Quelle est votre vision des attentes des pouvoirs publics en matière de pouvoir d’achat ?

Nous regardons cela avec attention, mais aussi avec circonspection. Il faut remettre les choses en perspective. Les derniers événements climatiques ont été très lourds. À cela s’ajoute aujourd’hui une inflation qui alourdit la charge sinistre. Nous sommes des entreprises privées et nous nous devons de tenir dans le temps les engagements pris à l’égard de nos assurés. Cela suppose le maintien d’équilibres techniques et un minimum de performance économique. Ce débat avec les pouvoirs publics est donc un éternel sujet pour les assureurs.

Quelle a été votre exposition face aux derniers événements climatiques ?

Comme l’ensemble de la profession, nous avons été fortement impactés par les événements climatiques exceptionnels du premier semestre, tant en ce qui concerne les dommages aux biens des particuliers et des professionnels que plus spécifiquement nos activités d’assurance agricole. Le bouleversement climatique constitue un immense défi pour l’assurance dommages française.

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