Fort d’une expérience de près de vingt-cinq ans dans la gestion des risques, François Beaume, senior vice-président risques et assurances chez Sonepar (distribution de matériel électrique et électronique), a été élu à la présidence de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae). Il revient sur la feuille de route de son mandat triennal (2025-2028) et présente les principaux résultats de la 17e édition du Panorama des SIGR réalisé avec EY.
Vous succédez à Oliver Wild à la présidence de l’Amrae pour un mandat de trois ans. Quelle est votre feuille de route ?
Je suis membre du conseil d’administration depuis 2016. J’étais vice-président scientifique dans mon dernier mandat et vice-président chargé de la formation dans le précédent. J’ai été réélu administrateur et ensuite élu président de l’Amrae le 22 mai par le conseil d’administration. Mon mandat s’inscrit dans la continuité de l’action de mes prédécesseurs, il y a une forme de transmission. Oliver Wild réélu administrateur devient vice-président en charge du scientifique. Mon objectif est de poursuivre et finaliser ce qui a été enclenché sous les mandatures d’Oliver Wild et de Brigitte Bouquot. La feuille de route comporte trois volets d’action. Le premier axe concerne la régionalisation : l’association est désormais structurée de manière efficace autour de six antennes régionales (Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Sud-Ouest, Ouest, Bretagne). Des événements propres à ces antennes sont en cours d’organisation. Nous impliquons ainsi plus facilement les entreprises de tailles différentes au sein des territoires.
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Second axe : les collectivités locales et leurs risques [Roquelaure de l’assurabilité des territoires, NDLR]. Ce volet relève de la gestion des risques et d’un travail en partenariat avec les pouvoirs publics pour mettre à la disposition des collectivités une partie des savoir-faire et la réflexion que les membres de l’Amrae ont réussi à cristalliser. Nous avons ainsi conçu une plate-forme gratuite et sécurisée pour qu’une collectivité puisse établir sa cartographie des risques avec des référentiels et des méthodes (lesrisquesdemacollectivite.fr). Nous avons conçu un outil identique pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Le troisième axe est la poursuite et le développement de l’activité scientifique qui reste un marqueur fort et différenciant de notre association. Nous produisons notre propre contenu, notamment sur les thématiques géopolitiques, les sujets d'assurance spécifiques, les problématiques d’interface entre acteurs de la gestion des risques qui méritent un traitement complémentaire.
Enfin, les deux derniers axes (la liste n’est pas hiérarchique) s’intéressent aux adhérents. Nous accueillons encore mieux les étudiants lors de nos Rencontres à Deauville. Nous devons faire des progrès pour les accueillir tout au long de l’année. Des discussions sont en cours avec un grand nombre d’écoles et universités partenaires pour que les étudiants soient davantage acteurs au sein de l’Amrae. L’idée est aussi que les jeunes actifs trouvent leur place dans l’association et deviennent à leur tour des mentors. L’association donne accès à des formations académiques avec des professionnels aguerris tant pour les risk managers expérimentés que pour les exécutifs qui découvrent la gestion des risques.
Quels sont les enseignements du Panorama 2025 des systèmes d’information de gestion des risques que vous avez piloté avec le cabinet EY ?
J’ai une perspective assez historique du Panorama SIGR que je pilote depuis 2008. En tendance, le marché reste dynamique avec un taux de croissance des appels d’offres en forte progression (+62 % en 2024 par rapport à 2023). Les données gérées croissent, le périmètre des risques majeurs augmente ; le tableur n’est vraiment plus adapté. Le premier constat est que de plus en plus de risk managers ont implanté un ou plusieurs SIGR dans leur entreprise. Ces outils apportent une valeur ajoutée, une productivité (collecte et sécurisation des données), une facilité dans les capacités d’analyse de manière descendante avec les parties prenantes internes et de manière ascendante avec le management, la gouvernance, les courtiers, les assureurs et les auditeurs. Second constat : la satisfaction des risk managers – assez moyenne les années précédentes – a fortement augmenté l’an dernier. Les outils ont progressé en ergonomie, en efficacité et en capacité d’interfaçage mais aussi parce qu’ils intègrent de l’IA pour rendre les choses plus fluides dans la saisie, l’analyse et l’exploitation des données. 90 % des éditeurs déclarent d’ailleurs vouloir intégrer des fonctionnalités d’IA en 2025. Ce n’est pas encore massif partout mais la volonté est réelle compte tenu des risques qui sont de plus en plus complexes et interconnectés. Les cas d’usage vont de facto se développer.
Le Panorama SIGR met aussi l’accent sur la montée en puissance des sujets ESG ?
Les sujets d’ESG (environnement, social, gouvernance) sont le corollaire de la progression en ergonomie des outils SIGR, notamment par l’intermédiaire de la directive CSRD. La pierre angulaire de la CSRD est l’approche de la « double matérialité » qui correspond à une cartographie des risques dont, la plupart du temps, les risk managers ont la charge. Chez Sonepar, nous avons choisi de combiner les deux approches, ce qui nous permet de produire deux résultats : la cartographie des risques et l’analyse de la « double matérialité ». L’ESG incite à se focaliser sur la durabilité de l’entreprise dans le temps. Cela permet de s’inscrire dans un processus d’évaluation externe par l’intermédiaire des auditeurs mais aussi via la communauté financière, le benchmark, etc. Cette démarche est normative et focalisée sur l’ESG alors que celle de cartographie des risques est plus libre et s’intéresse à un plus large périmètre. On peut en tirer des éléments bénéfiques pour la performance durable de l’entreprise et la performance de la gestion des risques. L’analyse de la « double matérialité » s’intéresse aux sujets ESG ; le risque cyber et les sujets stratégiques n’en font pas forcément partie. La CSRD impose de suivre les normes européennes d’information sur la durabilité (ESRS) avec des référentiels précis. Mais si on veut avoir une approche holistique de gestion des risques à 360 degrés, l’analyse de la « double matérialité » ne suffit pas. D’autant que les parties prenantes externes, sollicitées dans le cadre de l’analyse de double matérialité, ne sont souvent pas sollicitées lors d’une cartographie des risques à visée plus stratégique.