On croyait qu’elle ne perdurerait pas mais elle est toujours là et, même, elle poursuit sa progression. La réassurance alternative – cette autre offre de réassurance émanant avant tout des fonds d’investissement et désormais accessible à tous suite à un changement réglementaire – a représenté 13,6 % des capitaux apportés à la réassurance en 2016 contre 12,7 % en 2015 et 11,1 % en 2014, selon le courtier en réassurance Aon Benfield. Ce type de réassurance est apparu en 1992 après le cyclone Andrew en Floride, aux Bahamas et en Louisiane, en réponse à l’insuffisance des capacités des réassureurs traditionnels face à cet événement d’ampleur, en faisant émerger les réassureurs bermudiens capitalisés en majeure partie par des investisseurs désireux de diversifier leurs actifs à travers l’intégration du risque Cat. Le marché des Bermudes est aujourd’hui une place majeure où sont créés et placés les titres d’assurance alternative via des transactions de gré à gré.
Coup d'arrêt ?
« L’ouragan Irma est un test pour la réassurance alternative, la Floride y ayant recours. Cela va permettre de voir comment elle va répondre aux sinistres », estime Catherine Bourland, directrice générale d’Aon Benfield France. De son côté, Claude Tendil, président des Rendez-vous de septembre, évoque l’ouragan Harvey : « à la suite de cet événement, la rentabilité ne sera pas là pour les investisseurs des fonds ayant porté les risques. Ce marché risque de connaître un coup d’arrêt. »
Portant le nom générique d’Insurance-linked Securities ou ILS, l’assurance alternative recouvre plusieurs catégories de titres ou de produits dérivés permettant de transférer les risques catastrophiques aux marchés financiers (Cat Bonds, Side Cars, dérivés climatiques, réassurance collatéralisée…). L'émission de Cat Bonds liés aux assurances non vie a atteint un record de 6,3 Md$ au deuxième trimestre 2017, poursuivant une tendance haussière qui ne se dément pas depuis plusieurs années, selon Willis Towers Watson. Autre estimation du cabinet de conseil : le marché des Cat Bonds représentait 12,4 Md$ en 2010 alors qu'en 2017, il est de 24,7 Md$, soit quasiment le double sur la période. Face à cet afflux, les spread de ces obligations ont fortement diminué.
La hausse de l’émission de Cat Bonds a fortement contribué à la baisse des primes sur le marché de la réassurance traditionnelle. Les Cat Bonds permettent aussi de ne pas limiter le risque crédit aux seuls réassureurs. « Le marché des Cat Bonds explose depuis trois ou quatre ans. Ces produits sont très appréciés des fonds de pension car ils ne sont pas soumis aux mêmes cycles que les investissements financiers classiques », explique Quentin Perrot, vice-président de Willis Towers Securities. 95 % des Cat Bonds émis au plan mondial sont placés sur les risques non vie, seulement 5 % l’étant sur les risques vie.
Au fil du temps, les émetteurs de Cat Bonds complexifient leurs produits et ils devraient être en mesure de transférer d’autres risques couverts par les assurances de personnes rapidement. Les Cat Bonds sont la partie émergée de l’iceberg, les autres titres comme les Side Cars ou la réassurance collatéralisée étant échangés de manière bilatérale, sans que ces opérations soient nécessairement rendues publiques.
Prêts à supporter les pertes
Jusqu’à ce que l’ouragan Irma frappe les Caraïbes à la fin de l’été, aucune catastrophe naturelle majeure n’avait impliqué plusieurs Cat Bonds à la fois. Quentin Perrot estime que « l’assurance alternative va légèrement souffrir à cause des pertes engendrées par Irma. Cependant, les Cat Bonds ont énormément rapporté ces dernières années et les investisseurs sont prêts à supporter les pertes tout en renflouant ces placements. C’est l’occasion pour l’assurance alternative de montrer qu’elle a pris sa place dans le paysage alors que certains réassureurs aimeraient croire qu’elle est vouée à disparaître ».
Les réassureurs doivent se faire une raison : il va falloir apprendre à composer dans le temps avec cette nouvelle forme de concurrence.