Nommé le 1ᵉʳ novembre 2025 à la tête de la région EMEA de FM, Loïc Le Dréau dévoile les priorités du groupe face à l’intensification des risques climatiques et technologiques. L'ex-directeur des opérations de Paris de FM revient sur l’élargissement du crédit de résilience, la solidité du modèle mutualiste et la stratégie déployée pour accompagner les entreprises, notamment françaises, dans un environnement dominé par l’IA et les data centers.
Comment décririez-vous aujourd’hui la mission du groupe et votre positionnement en France ?
FM est présent en Europe depuis 1963 et notre mission reste profondément ancrée : comprendre les risques industriels grâce à la science, à la recherche et à l’observation de terrain, puis proposer des solutions de prévention concrètes qui permettent aux entreprises de fonctionner sans interruption. En France, nous comptons un peu moins de deux cents collaborateurs, dont environ quatre-vingts ingénieurs implantés partout où il existe un bassin industriel. Cette proximité est essentielle pour accompagner nos assurés et pour comprendre en détail leurs risques. Notre modèle mutualiste renforce également cette logique de service, puisque ce sont les clients eux-mêmes qui composent l’essentiel de notre conseil d’administration. Toutes les décisions stratégiques sont donc prises dans leur intérêt. Ce fonctionnement explique en grande partie nos performances : sur les dix dernières années, notre ratio combiné est resté inférieur à 90 %, alors que le marché se situe autour de 99 %. C’est la preuve que nos clients enregistrent nettement moins de sinistres grâce aux investissements en prévention qu'ils réalisent.
Vous élargissez cette année le crédit de résilience, porté à 10 % de la prime. Quel est l’objectif de cette évolution ?
Nous avons créé le crédit de résilience en 2022 afin de rétrocéder une partie de la prime à nos assurés pour financer leurs investissements de prévention. Ce montant ne cesse de croître : 300 M$ en 2022, près de 400 M$ en 2023, environ 500 M$ en 2024 et 800 M$ en 2025. Cumulé sur quatre ans, cela représente près de 1,8 Md$ de primes reversées. Cet argent permet aux entreprises de renforcer leur protection contre les inondations, la grêle, le vent, la sécheresse ou les vagues de chaleur. Il crée un cercle vertueux : plus les clients investissent, moins ils subissent de sinistres, et plus la mutuelle est en mesure de réinjecter de la prime dans la prévention. À ce jour, ces programmes ont permis d’éliminer environ 80 Md$ de sinistres potentiels associés aux catastrophes naturelles. Avec la déduction portée à 10 %, nous visons désormais environ 60 Md$ de sinistres potentiels évités chaque année, associés aux risques climatiques et risques plus classiques comme l'incendie et le bris de machine.
La croissance des data centers et de l’IA accélère. Comment FM s’adapte-t-il à ces nouveaux risques ?
L’essor de l’intelligence artificielle entraîne une croissance massive des infrastructures numériques. Nous anticipons une augmentation d’environ 60 % de la capacité mondiale des data centers d’ici 2028. Ces installations concentrent des risques nouveaux liés à la continuité électrique, au refroidissement, aux batteries, à la consommation énergétique ou encore à la protection incendie. Pour accompagner cette évolution, nous avons créé en avril 2025 FM Intellium, une entité dédiée aux data centers et aux infrastructures numériques. Cette branche, aujourd’hui dirigée par mon prédécesseur, développe des standards adaptés, mène des recherches spécifiques et travaille étroitement avec les constructeurs et exploitants de data centers. La France occupe d’ailleurs une place particulière dans ce secteur grâce à la qualité de son réseau électrique, à son mix énergétique bas-carbone et à ses hubs stratégiques comme Marseille connectés aux grands câbles sous-marins.
Votre dernier rapport montre que les entreprises françaises restent insuffisamment protégées face aux phénomènes climatiques extrêmes. Comment expliquez-vous ce décalage ?
Près de 60 % des entreprises ont déjà subi un événement climatique majeur, mais seulement 28 % intègrent réellement la prévention dans leurs investissements. Ce décalage révèle une culture du risque encore insuffisamment développée : la menace est identifiée, mais l’acte de prévention arrive souvent trop tard ou de manière insuffisante. Notre rôle est de combler cet écart en accompagnant les entreprises au plus près de leurs sites. Cela passe par des analyses techniques, des visites de terrain et des formations. Ce matin encore, nous réunissons une centaine de clients à Paris autour des risques climatiques et des risques associés aux batteries lithium-ion. Nous renforçons également notre présence scientifique en Europe, notamment via un nouveau centre de formation et de recherche en construction à Luxembourg, qui ouvrira en 2027.
En 2024, plus de 46 000 recommandations techniques ont été réalisées. Que retenir de l’année 2025 ?
Les tendances observées en 2024 se confirment et s’amplifient. Nous constatons une accélération du nombre de recommandations réalisées, en particulier sur les risques climatiques. Il est encore un peu tôt pour donner des chiffres précis sur l’année complète, mais la dynamique est clairement à la hausse. En parallèle, nous voyons un regain d’attention sur les risques plus traditionnels tels que l’incendie ou le bris de machines. Nous développons d’ailleurs de nouveaux outils d’aide à la décision, fondés sur nos données et sur l’intelligence artificielle, afin d’aider les entreprises à optimiser chaque euro investi en prévention. En 2026, nous devrions atteindre environ 25-30 Md$ de sinistres liés aux changement climatiques évités et près de 30 Md$ de sinistres liés au feu ou au bris de machines.
Quels sont vos objectifs prioritaires pour 2026 sur le marché français ?
Nos priorités s’organisent autour de trois axes majeurs. Le premier consiste à accélérer la prévention climatique, qui est devenue un enjeu central de continuité opérationnelle. Le deuxième concerne l’accompagnement des entreprises face aux risques liés à l’IA, à la digitalisation et aux infrastructures numériques, avec des outils plus précis et des solutions adaptées à ces nouveaux modèles industriels. La troisième repose sur le renforcement de la résilience opérationnelle, en aidant les entreprises à orienter leurs investissements vers les actions qui ont le plus d’impact sur leur profil de risque. Notre modèle mutualiste, fondé sur la science, la donnée et la présence de terrain, restera le socle de cette stratégie. Il nous permettra de poursuivre un développement mesuré mais durable, au service d’entreprises qui souhaitent être mieux protégées et plus résilientes.