De mémoire d’assureur, mettre à mal l’e-réputation d’un partenaire au terme de négociations infructueuses n’a jamais été observé. Le cas de l’idylle non consommée entre Groupe Pasteur Mutualité (GPM) et MNH remet en cause ce principe après l'échec de Viverem, le fruit avorté de leur union. Récit.
journaliste
Le Web est devenu le nouveau champ de bataille du dénigrement de l’e-réputation des hommes comme des entreprises. Le rapprochement avorté de GPM et MNH en est une illustration. Qui est derrière ? A qui profite le crime ? Démarche individuelle ou manœuvre savamment orchestrée par des experts en la matière ? Inédit et effrayant.
Les attaques en règle entre entreprises et autres espionnages relevaient jusque-là du monde industriel et de l’intelligence économique. L’univers de la protection sociale et, dans une moindre mesure, celui de l’assurance, a toujours été marqué par le respect affiché des uns et des autres. Même en « off », s’attaquer à la réputation d’un acteur, potentiel partenaire de demain, a toujours été proscrit : trop dangereux dans un monde où le marché et les tutelles poussent aux regroupements. Ainsi va le monde de l’assurance, de la protection sociale et de la mutualité.
« On le sait, les rapprochements ont parfois révélé des dissensions stratégiques et technologiques, le système d’information étant généralement un des points d’achoppement. Pour autant, la personnalité de certains managers a parfois mis à mal des mariages mutualistes pourtant salués par le marché. Y compris dans ces cas-là, le linge sale est lavé en famille, en l’occurrence mutualiste, et tout ce qui se dit reste dans la fratrie », observe un ancien patron de sommitale, sous couvert d’anonymat. Autant dire que mettre à mal la réputation d’un partenaire au terme d’une négociation de rapprochement infructueuse relèverait de l’inédit.
Mariage avorté
Dans le cadre du rapprochement avorté entre GPM et MNH, il semble bien que cette tradition séculaire ait été mise à mal. Ces deux-là ont pourtant tout ou presque pour être complémentaires. Le mariage capote néanmoins et la presse s’en fait l’écho. L’affaire aurait pu s’arrêter là. Mais elle va prendre un tournant inattendu sur le Net.
De nouvelles publications orientées se multiplient et présentent GPM comme un habitué des relations conflictuelles. Son directeur général y est même qualifié « d’inflexible, adepte des prétoires pour régler ses discordes ». Pour tirer au clair cette obscure affaire, La Tribune de l’assurance s’est rapprochée du service de presse de GPM et de MNH. Si l’un accuse le coup, l’autre ne donne tout simplement pas suite, malgré nos relances.
En investiguant plus avant, nous avons découvert des pratiques inédites dans le monde de la presse professionnelle de l’assurance. Jugez-en plutôt.
Début avril 2016, un entrefilet, furtivement posté sur une plate-forme web dédiée aux affaires militaires et à la politique internationale, présente GPM et son DG sous un jour défavorable. Première interrogation : que fait un article de l’économie sociale sur un blog qui se présente lui-même comme spécialiste des questions de défense et de géostratégie ? Avant même d’avoir la réponse à la question, il est retiré des écrans mais reste accessible sur les moteurs de recherche. Classique. Le coup est parti et l'article est repris par d’autres sites d’information plus ou moins établis.
La saga ne s’arrête pas là et continue donc le lendemain avec un article sur un autre site dont la tonalité est alignée sur celle des précédents et dans lequel on retrouve les éléments présentant GPM sous un mauvais jour.
D’autres sites ayant pignon sur rue prennent le relais. Au point de s’interroger sur une stratégie de dénigrement de l’e-réputation savamment distillée. Selon un responsable de protection de la réputation, « on est là vraisemblablement face à des éléments constitutifs d’une offensive visant à nuire : adresse DNS du serveur introuvable peu après le forfait, rédacteurs/auteurs douteux, etc. ».
Multiplier des articles diffamatoires
Sollicitée une nouvelle fois, la MNH, dans son bon droit, reste murée dans le silence. GPM n’en sait pas davantage. Restent les échanges avec différents cabinets d’intelligence économique et de spécialistes de campagnes de luttes contre le dénigrement sur le Net. Ils se disent habitués de ce genre de modus operandi : multiplier des articles diffamatoires sur des sites y compris fictifs et/ou localisés dans des pays lointains, faire intervenir des journalistes peu connus ou fantoches. Le but étant de faciliter la reprise de tels papiers dans la presse traditionnelle. Et promouvoir des idées négatives sur la cible.
Tous ces éléments constituent la recette malheureusement classique de certaines officines spécialisées. Comme le confirment nos confrères d’Assurance & Banque 2.0, l’usage de faux blogs et le recours à des profils falsifiés peuvent être des pratiques malheureusement récurrentes.
La logique ? Laisser des traces sur Internet, difficiles à effacer, et qui serviront de caution à des articles de journalistes reconnus trompés par l’apparente honorabilité des sites les publiant.
À qui profite cette campagne ? Si les dirigeants de GPM se refusent à tout commentaire sur le fond du dossier, ils confirment le prendre très au sérieux. Au point d’avoir déposé une plainte contre X en espérant connaître un jour le fin mot de ce qui apparaît à leurs yeux comme une campagne de dénigrement organisée.