Marilyn Faugas, AGCS

« La pandémie a mis un coup de projecteur sur les ruptures des chaînes logistiques »

Publié le 20 janvier 2022 à 9h00

Haude-Marie Thomas

AGCS a publié son baromètre 2022 des risques, basé sur le retour de 2 650 professionnels du risque dans 89 pays. Marilyn Faugas, directrice distribution pour AGCS Méditerranée et Afrique, livre son analyse de cette enquête annuelle.

Au niveau mondial, le top 3 est occupé par les incidents cyber, en tête pour la deuxième année, suivis de près par les interruptions d’activité puis par les catastrophes naturelles. Que nous enseigne ce classement ?

Ces trois événements majeurs reflètent la réalité des portefeuilles des assureurs grands comptes. Le cyber, bien sûr, fait écho à une sinistralité galopante. Il génère des interruptions d’activités qui peuvent être assez longues, le temps de, selon les industries, restaurer la chaîne d’approvisionnement, récupérer les données clients, etc. Cela a aussi un coût très important car beaucoup d’argent doit être mis sur la table rapidement de façon à minimiser les conséquences d’un tel événement. Et ce qui est dramatique, et n’a pas de prix, c’est l’impact durable sur l’image de marque. Car même si tous les secteurs d’activité sans distinction sont concernés, une attaque qui atteint son but et qui touche notamment des données personnelles clients est rarement pardonnée. L’enquête, au-delà de l’inquiétude des risk managers, montre le développement massif de la cyber délinquance, qui nécessite peu d’investissements pour prospérer et se mondialiser.

Et les deux premiers risques sont interconnectés puisque l’incident cyber constitue la cause d’interruption la plus redoutée.

Oui, mais j’insiste sur le fait que si c’est ce qui est le plus redouté, car c’est l’événement le moins maîtrisé, cela ne constitue pas la première cause d’interruption. Les premières causes, si on s’en réfère à nos portefeuilles, sont les incendies, les bris de machine, les inondations, les catastrophes naturelles. Plus largement, la pandémie a mis un coup de projecteur sur les ruptures des chaînes logistiques, même si ce n'est pas un sujet nouveau. La crise a ainsi rappelé que certaines industries sont dépendantes d’un très petit nombre de fournisseurs et montré la vulnérabilité des transports, etc.

Comment appréhende-t-on, en tant qu’assureur, la fragilisation globale et durable des chaînes d’approvisionnement pendant la pandémie ?

Cette prise de conscience, qui encore une fois n’est pas nouvelle, s’est traduite par une demande accrue d’informations fines, précises, renouvelées et donc à jour. Lorsqu’on sent qu’il y a un sujet moins maîtrisé, nous calibrons l’octroi de garanties sachant que nous sommes conscients des différences de maturité selon les secteurs. Nous sommes pour cela dépendants d’informations internes mais nous observons que nos clients investissent de plus en plus sur la robustesse de leur chaîne logistique, une problématique prise en compte au niveau du top management, car il en va de la pérennité même de l’entreprise.

Toutefois, quand on regarde notre portefeuille, on constate que l’interruption d’activité est un déclencheur de sinistres important, mais que ce qui nous coûte le plus cher reste le dernier risque du top 3 : les catastrophes naturelles. Rien que pour l’année 2021, les 100 Md$ de pertes (assurées ou non) ont été dépassées (incendies aux États-Unis, vague de chaleur en Amérique du Nord, inondations en Europe, tempête hivernale au Texas, etc.). Nous affinons nos outils de mesure, de projection et de monitoring mais la fréquence et l’intensité de ces événements demeurent malgré tout un sujet de préoccupation majeur.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné dans ce baromètre ?

Je dirais que c’est le fait que la pandémie n’intervienne pas dans le top 10 France, contrairement au classement monde. On peut supposer que les risk managers français ont réussi à établir des stratégies de contournement, à ajuster leurs méthodes de travail, pour garder le contrôle de cet événement. Là où dans le monde, les autres risk managers estiment sans doute que le risque pandémie reste assez anxiogène et non maîtrisé.

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