Pascale Soyeux, directrice santé-prévoyance d’AG2R La Mondiale

« La majoration des tarifs ne sera pas suffisante pour redresser AG2R prévoyance »

Publié le 19 mai 2022 à 9h05

Juliette Lerond-Dupuy    Temps de lecture 6 minutes

Après 75 M€ de pertes sur son périmètre l’an dernier, Pascale Soyeux, la nouvelle directrice santé-prévoyance et future directrice des accords de branches d'AG2R La Mondiale, a été chargée de la lourde tâche du redressement de la branche, à hauteur de 130 M€ à l'horizon 2025.

Quel bilan faites-vous de l’année 2021 ?

J’ai rejoint AG2R La Mondiale au 1er septembre 2021 comme directrice adjointe santé-prévoyance, puis je suis devenue directrice le 1er avril 2022. Par ailleurs, au 1er juillet, mon périmètre va s’étendre puisque je vais m’occuper de la direction des accords de branches. Au cours de ces dix derniers mois, j’ai appris à bien connaître le groupe et son identité paritaire et mutualiste. J’étais auparavant directrice santé-prévoyance chez Covéa, et encore avant cela directrice des assurances collectives à La Mutuelle générale.

L’année 2021 a été particulièrement difficile en prévoyance. Cela a été le cas pour l’ensemble du marché à la différence qu’AG2R prévoyance assure des branches et que dans ce cadre-là, nous couvrons notamment le risque mensualisation. Pendant la crise sanitaire, les arrêts de travail n’étaient pas longs mais très nombreux. Nous avons dû y faire face et nos résultats en ont pâti.

Nous avons également observé une déformation du risque arrêt de travail, commencée avant la crise puis accentuée avec la Covid-19. Ce risque touchait principalement une population de seniors, aujourd’hui cela concerne toutes les tranches d’âges, et conduit à davantage d’arrêts de travail qui pèsent sur les comptes. Chaque fin d’année, nous comptabilisons le nombre d’arrêts enregistrés et nous provisionnons les sommes si ces arrêts de travail se transforment en invalidité jusqu’à l’âge de la retraite. Dès lors, si cette personne est jeune, la provision sera d’autant plus élevée.

Comment expliquez-vous le tassement rencontré en santé-prévoyance ?

Notre portefeuille n’est pas composé de la même façon que les autres opérateurs d’assurance qui ont généralement une répartition de leur chiffre d’affaires qui s’établit à 70 % en santé et 30 % en prévoyance. De par les branches que nous accompagnons, nous avons plus de risques prévoyance que de risques santé. Lorsqu’on ajoute à cela les entreprises interprofessionnelles, la proportion de notre portefeuille est quasiment à 50-50. Donc, en cas d’arrêt, nous avons une masse plus importante à indemniser et à provisionner. Si en santé il est possible de connaître la situation des comptes rapidement, car il s’agit d’un risque court, en prévoyance, il est plus difficile d’en faire autant puisque la consolidation s’étend sur trois ans. Enfin, en santé, nous avons dû faire face aux effets du rattrapage de soin et du 100 % santé.

Nous avons d’ores et déjà effectué des majorations tarifaires dans le cadre des renouvellements annuels, des révisions de tableaux de garanties et des résiliations sur les contrats trop sinistrés, à hauteur de 50 M€ en fin d’année dernière. Nous n’en verrons les effets que l’année prochaine mais cela ne sera pas suffisant pour redresser la situation d’AG2R prévoyance.

Ce redressement constitue-t-il votre feuille de route ?

Oui, c’est un peu ma mission. AG2R La Mondiale travaille à son plan 23-25 dans lequel un chantier est dédié au redressement d’AG2R prévoyance sur lequel je travaille. Dans ce cadre-là, nous allons d’abord faire un état des lieux puis identifier les leviers qui pourraient nous permettre de redresser l’institution de prévoyance. C’est une feuille de route ambitieuse qui nécessite une mobilisation de toutes les parties prenantes : clients, partenaires (courtiers, branches), collaborateurs en interne. On ne redresse pas une situation uniquement à travers le levier tarifaire. J’aime à dire que c’est comme une recette de cuisine avec différents ingrédients qu’il faut doser et organiser. Il ne faut pas agir dans l’excès pour éviter les effets de bords. Le retour à la rentabilité est un objectif porté par la direction générale qui a été clairement exprimé.

Quelles actions concrètes peuvent être menées ?

La majoration des tarifs des contrats déficitaires pour retourner à une situation d’équilibre est un premier levier. Nous pouvons aussi agir sur notre politique de souscription, définir un niveau de souscription puis l’appliquer et contrôler cette politique. C’est notre appétence au risque finalement. Il y a la maîtrise de nos frais généraux qui concerne tout le groupe, l’optimisation de nos processus et de nos offres. Nous devons rationaliser pour pouvoir gagner en efficacité et en capacité.

Selon les propos de Bruno Angles, directeur général, vous envisagez un gain de 130M€ sur ce périmètre ?

C’est l’effet combiné des différents leviers qui permettront d’atteindre cette somme. Dans nos travaux, nous avons creusé des pistes, qui ont ensuite été valorisées et chiffrées. C’est ce qui nous a mené à ce montant. Cela ne se fera pas d’un coup, c’est à l’horizon du plan d’entreprise donc 2025. Nous allons obtenir ces 130 M€ de gain dans l’amélioration de notre sinistralité. L’effet de hausse des taux va également nous y aider. Les provisions mathématiques sont calculées par rapport au taux, quand le taux baisse les provisions montent et inversement. Les provisions étant dans les comptes, cela génère mécaniquement un peu d’air.

Qu’allez-vous entreprendre une fois directrice des accords de branches au 1er juillet prochain ?

Cette fonction sera en lien direct avec le sujet de la santé-prévoyance puisque les branches représentent une part significative du portefeuille d’AG2R prévoyance, presque 50 %. Cette extension de mon périmètre est un moyen d’activer plus facilement certains leviers en ayant une vision plus large et un champ d’action plus important. Par exemple, en étant à la tête des deux pôles, il m’est possible de créer plus d’interactions entre la partie technique, qui va aller expliquer la rentabilité des branches aux représentants des branches elles-mêmes, et administrative. On peut aussi imaginer des synergies au sein même des équipes. Capitaliser sur les bonnes pratiques d’un côté et les expliquer de l’autre. Je considère cette nouvelle fonction comme un levier pour mes leviers.

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