La Maif veut changer le regard sur le handicap

Publié le 3 décembre 2012 à 6h00    Mis à jour le 22 octobre 2015 à 12h40

Marina Al Rubaee

Dans le cadre de ses "Rencontres extraordinaires", la mutuelle propose aux établissements scolaires de sensibiliser les élèves au handicap. Immersion dans un collège près de Niort.

Dans un coin du gymnase, Ismaël, 34 ans, l'allure décontractée, capte l'attention des jeunes qui l'entourent. Il leur montre les différentes prothèses qu'utilisent les sportifs handicapés. « Et moi, ai-je une prothèse ? », demande-t-il, amusé. Silence, regards interrogateurs. Il soulève la jambe droite de son pantalon baggy qui en dévoile une. Les yeux s'écarquillent. « Je ne suis pas mon handicap. Il n'est qu'une particularité de ma personne et rien d'autre ! », s'exclame-t-il. « Si vous avez des questions, posez-les moi. Il n'y en a aucune qui soit idiote ! Ne pas oser, c'est mettre des barrières entre vous et l'autre. Et vous ne pourrez donc pas vous comprendre ! »

Le ton est posé, le discours décomplexé, loin de la vision "compassionnelle" du handicap. C'est l'objectif de la Maif depuis le lancement, en 2008, de son initiative "les Rencontres extraordinaires" dont le slogan est « (é)changer notre regard sur le handicap ». La mutuelle mène cette opération de sensibilisation en moyenne quatre fois par an, pour un budget de l'ordre de 100 000 €. Cette fois-là, la manifestation se déroule au collège Robert-Cellerier à Saint-Savinien, non loin de Niort, le fief historique de la mutuelle. 400 élèves au compteur. Pas d'opération marketing pour la Maif, ni un désir de valoriser son image, mais un prolongement concret de son engagement militant, notamment en faveur de la scolarisation des enfants et des adolescents en situation de handicap.

Ouvrir un espace de dialogue

Mais pourquoi cibler les collégiens ? « Parce qu'ils sont dans une tranche d'âge où ils sont en construction intellectuelle et commencent à se responsabiliser. Ils restent encore réceptifs. Comme ils vont former les citoyens de demain, le changement de mentalité doit passer par eux », explique Nathalie Touzin, chargée du dossier handicap (hors ressources humaines) et initiatrice du projet à la Maif. Elle précise aussi que ces jeunes seront sans doute amenés à côtoyer d'autres adolescents en situation de handicap, que ce soit dans leur entourage ou leur classe : « Les sensibiliser est important pour que ces enfants ne soient pas considérés comme des bêtes curieuses ! »

Pour cela, exit le discours théorique, place à l'esprit ludique et à la mise en situation. Les élèves participent à une dizaine d'ateliers. Chaque classe étant divisée en sous-groupes, tous ne vivront pas les mêmes expériences. « C'est fait exprès, assure Francis Oellers, principal du collège. Il s'agit d'ouvrir un espace de dialogue. Chacun pourra échanger, donner ses impressions, apprendre aux autres ce qu'il ou elle a appris. Cette démarche participe de leur instruction civique. »

Dans une classe, Benoit Carpier, intervenant, écoute la conversation des collégiens installés en binôme. Benjamin et Kevin, 14 et 15 ans, font deviner à l'autre le handicap dont il est "porteur", écrit sur la casquette bleue vissée sur leur tête. « Est-ce que cela se voit ? C'est dans le corps ? La tête ? Les oreilles ? » Ils pouffent. Kevin découvrira qu'il souffre d'un mal de dos. Voilà, ils comprennent que le handicap n'est pas forcément visible. « Dans 80 % des cas », affirme l'intervenant. Entre les élèves, les langues se délient. L'une avoue qu'elle est dyslexique, un autre qu'il est daltonien. Le message est passé.

Au centre de documentation, il faudra plutôt jouer des bras et user d'habileté pour faire avancer le fauteuil roulant sur lequel chacun s'assoit à tour de rôle. Voici le parcours du combattant : des planches de bois à l'aspect irrégulier, en montée ou en descente, et des marches à surmonter. Axelle, de l'association Starting-block, conseille Mélisande, 12 ans. Elle n'arrive pas à franchir un obstacle qui représente un trottoir : « Pas besoin de prendre de l'élan, colle ton dos au fauteuil et propulse les roues avec tes mains ! Voilà ! C'est ça ! T'y es. » C'est difficile la vie d'une personne en fauteuil. « Voilà pourquoi il ne faut pas en rajouter en bloquant les accès qui leur sont réservés avec une voiture ou un vélo par exemple. Cela complique leur déplacement », rappelle Axelle.

Un rappeur « relativise »

Dans la cour du collège, à l'heure de la pause déjeuner, le rappeur Fred, dit « le sale gosse », met l'ambiance. Les collégiens qui entourent la scène scandent avec lui ses refrains. Ses textes parlent d'espoir et d'optimisme, comme sa chanson Relativise. Fred est en fauteuil roulant. Nathalie Touzin a choisi les intervenants, handicapés ou non, pour ce qu'ils dégagent : « Du dynamisme, de l'énergie et de la joie. C'est essentiel ! »

Non loin de là, une grande salle accueille deux classes. C'est le temps des échanges et des questions. Le moment sobrement intitulé "Café citoyen", en présence de Marie-Christine, maman d'une petite fille trisomique, et de David Smétanine, athlète tétraplégique, médaillé d'argent et de bronze en natation lors des derniers Jeux paralympiques de Londres. Le champion souligne l'importance du regard porté sur le handicap : « On a toujours peur de ce qu'on ne connaît pas. C'est normal. Mais n'oubliez pas que derrière, il y a toujours une personne. Pour ma part, je n'ai pas besoin d'un regard de pitié ou de compassion excessive. Je veux juste qu'on me comprenne et qu'on se comporte normalement avec moi ! ».

Plusieurs ateliers au programme. Ismaël, fan de surf, montre ses prothèses. Le nageur David Smétanine, médaillé aux Jeux paralympiques de Londres, raconte son parcours. Et aussi, discussion ouverte sur le handicap invisible, les yeux bandés pour avancer "à l'aveugle", et initiation à la langue des signes.

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