Guillaume Oreckin, directeur général délégué de Crédit agricole assurances (CAA) et directeur général de Pacifica, présente le bilan et l'organisation de CAA et rentre dans le détail de l'activité dommages entreprises du bancassureur. Il décrypte également la nouvelle donne des couvertures de réassurance pour les cédantes. Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro 312 daté de mai de La Tribune de l’assurance.
Quel bilan faites-vous de l’exercice 2024 sur vos différents métiers ?
2024 a été une année historique avec une progression sur l’ensemble de nos lignes d’activité. Le chiffre d’affaires global de Crédit agricole assurances atteint 43,6 Md€ (+17,2 % vs 2023). L’épargne-retraite représente à elle seule près de 74 % du total, soit 32,1 Md€ (+21,5 %). Nous observons également une bonne dynamique sur les métiers de la prévoyance, de l’assurance emprunteur et des assurances collectives pour lesquels le CA 2024 s’élève à 5,3 Md€ (+ 4,6 %). La santé n’est pas en reste et connaît également un développement significatif, notamment l’activité collective encore récente mais en forte croissance. Concernant l’assurance dommages, l’activité bénéficie à la fois d’une hausse des prix liée à l’inflation et aux événements climatiques, ainsi que d’un effet volume, avec un portefeuille qui progresse de manière organique de 3 % chaque année depuis dix ans. Le chiffre d’affaires 2024 est en hausse de 8,2 % et atteint 6,2 Md€. Enfin, 2024 a marqué une reprise significative pour notre activité internationale, atteignant désormais plus de 7 Md€, soit une augmentation de 44 % par rapport à 2023.
Comment s'organise Crédit agricole assurances ?
Crédit agricole assurances est structuré autour de cinq business units (BU). La première concerne l’épargne-retraite individuelle. La deuxième couvre la prévoyance et l’assurance emprunteur, incluant les risques décès et invalidité. La troisième regroupe les assurances collectives, qui incluent les produits destinés aux salariés des grandes entreprises, comme la retraite, la prévoyance et la santé. Les assurances collectives, qui présentent davantage de synergies avec les activités d’Amundi comme l’épargne salariale, sont portées par une business unit dédiée, avec des logiques de tarification et de distribution spécifiques. La quatrième est dédiée à l’assurance dommages. Enfin, la cinquième porte sur nos activités à l’international. Cette organisation reflète à la fois une logique industrielle et une logique de distribution.
Comment approchez-vous le marché dommages des entreprises ?
Depuis 2021, nous travaillons en partenariat avec les Caisses régionales du Crédit agricole, et bientôt avec le réseau LCL sur ce marché. Les Caisses régionales assurent l’identification des clients cibles, mènent l’approche commerciale et partagent leur vision stratégique du risque. Nous ne visons pas le marché des grandes entreprises, ce n’est pas notre cible contrairement aux assurances collectives.
Du côté Crédit agricole assurances, nous mettons à leur disposition une expertise de souscription pour évaluer les risques et proposer des garanties et des tarifs adaptés à chaque situation. Pour animer le réseau commercial, nous disposons d’une trentaine de souscripteurs expérimentés en MRE et flotte. Chacun d’eux couvrant entre une à deux Caisses régionales. À ce jour, ce maillage fonctionne très bien pour diffuser notre gamme complète d’offres IARD. Entre la fin de l’année 2023 et la fin de l’année 2024, nous avons enregistré une excellente progression, avec une augmentation de 96 % de notre chiffre d’affaires et une hausse de 40 % du nombre de contrats en portefeuille.
Nous proposons une large gamme aux PME qui va de la multirisque entreprise jusqu’aux flottes automobiles. Nous avons aussi des partenariats en interne, notamment pour les risques liés à la construction avec la CamCa, l’assureur référent du groupe sur la branche, ou en externe comme pour le risque cyber où nous travaillons en partenariat avec Hiscox. Cette organisation nous permet de proposer une offre large à destination des PME et de couvrir une grande palette de besoins.
Quelle est votre vision du thème de l’assurabilité des risques, avec la particularité de CAA d’être présent sur tout le territoire ?
L’adoption de stratégies d’hypersegmentation, en exploitant toutes les données désormais disponibles sur chaque risque, pourrait aller vers des logiques de souscription où certaines zones deviennent inassurables. Ce n’est pas notre vision. Crédit agricole assurances défend un modèle de juste équilibre entre responsabilité et solidarité. Le tarif doit refléter l’exposition au risque, bien sûr, mais il doit aussi être soutenu par une solidarité nationale permettant d’assurer tous les territoires. Nous sommes très attentifs aux travaux menés par la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui a lancé un observatoire de l’assurabilité à la demande du ministre. L’objectif est de cartographier les zones les plus exposées et d’observer comment évolue l’assurance dans ces territoires. C’est une étude absolument stratégique. L’assurance repose sur la mutualisation, sans ce principe, elle perd tout son sens.
Par ailleurs, il est vrai que nous sommes implantés sur tout le territoire. Pour autant, ce qui compte dans l’observatoire de l’assurabilité, ce n’est pas tant la présence initiale d’un acteur que sa dynamique. Il n’est pas gênant qu’un assureur n’ait jamais été présent dans une zone ; ce qui est problématique, c’est qu’il s’en désengage. Il faudra aussi que l’observatoire tienne compte des spécificités des acteurs, qu’ils soient locaux ou nationaux. Ce qui est essentiel pour nous, c’est de préserver l’assurabilité du territoire français dans l’intérêt général. Cela suppose un juste équilibre entre responsabilité et solidarité. C’est essentiel pour la vitalité des territoires, leur habitabilité, leur aménagement. L’assurance doit rester un produit accessible.
Quelles sont les conséquences de la hausse de la sinistralité climatique des dernières années sur vos couvertures de réassurance ?
Il est important de différencier la réassurance publique et la réassurance privée. Sur la réassurance publique, nous sommes très attachés au maintien et à la pérennisation du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. En France, l’écart – ce qu’on appelle le protection gap – entre les dommages causés lors des événements de type Cat Nat et les indemnisations perçues par les citoyens est très faible.
Selon le classement mondial du Swiss Re Institute, la France est le pays où les citoyens sont les mieux protégés en cas de catastrophe naturelle. Cela est dû à un système efficace de mutualisation du risque, mais aussi au fait que la garantie du risque est assumable financièrement. En France, l’assurance est très développée parce qu’elle ne coûte pas très cher et repose sur cette logique de solidarité nationale via le régime Cat Nat.
Concernant la réassurance privée, elle est tout aussi essentielle à nos activités. Nous avons observé une forte hausse des prix lors du renouvellement des traités pour 2023, avec des augmentations pouvant atteindre 40 %. En décembre 2023, les prix ont continué à augmenter, mais de manière plus modérée, de l’ordre de 5 à 10 % selon les lignes. Pour 2025, les prix ont baissé. Les réassureurs ayant retrouvé un certain équilibre. L’offre et la demande se sont stabilisées.
De fait, votre périmètre de couverture de réassurance privée a-t-il évolué ?
Oui, tout à fait. Nous avons constaté à la fois une hausse des prix et une hausse des rétentions. Toutes les cédantes ont vu leurs niveaux de rétention augmenter. Cela signifie que la volatilité des résultats techniques des assureurs est légèrement supérieure à ce qu’elle était avant le retournement du marché de la réassurance en décembre 2022.
Pourriez-vous retrouver le même taux de cession que précédemment ?
Non, la frontière entre ce qui est conservé par les assureurs et ce qui est transféré aux réassureurs reste globalement stable pour 2025. Les hausses de rétention observées ces deux dernières années sont devenues la nouvelle normalité. Nous n’envisageons pas un retour aux niveaux de rétention précédents, car les risques climatiques augmentent structurellement. Il est donc logique que le partage de risque entre cédantes et réassureurs se fasse désormais à un niveau plus élevé. Cela s’explique par l’évolution des périls secondaires, mais aussi par une vision long terme intégrant pleinement les effets du changement climatique.
Où en êtes-vous de la digitalisation de votre activité ?
C’est au cœur de nos priorités. Historiquement, le modèle de la bancassurance reposait sur les agences. Aujourd’hui, nous répondons aux attentes des clients qui souhaitent plus d’autonomie via le site et surtout l’application. Nous avons accéléré la digitalisation et continuons à renforcer l’ensemble des parcours digitaux.
Sur l’application « Ma Banque » du Crédit agricole, il est déjà possible de souscrire à quasiment toutes nos offres dommages. C’est aussi le cas sur l’appli LCL Mes Comptes. Nous voulons faire de même sur la prévoyance, l’épargne, et tous les produits d’assurance. Pour exemple, l’intégration des parcours assurances dans les apps bancaires et l’amplification récente des actions de marketing digital ont permis une nette progression des ventes issues des leads digitaux.
« Ma Banque » est l’appli de services financiers la plus consultée de France avec 11 millions de visiteurs uniques par mois.