Interview de la semaine

« Je suis le garant de l’adéquation entre la stratégie menée et la gouvernance »

Publié le 16 décembre 2021 à 9h00

Elisabeth Torres    Temps de lecture 6 minutes

Christophe Bourret, président de la Sgam Matmut et de la mutuelle Matmut, détaille ses responsabilités ainsi que la feuille de route du groupe mutualiste.

Vous êtes président de la Matmut depuis plus d’un an. Comment s’articulent vos pouvoirs avec ceux de Nicolas Gomart, directeur général ?

J’ai été nommé président de la Sgam Matmut en décembre 2019 et président de la mutuelle Matmut en juin 2020, mais je considère que cette deuxième nomination revêt une grande importance, tant la mutuelle est le cœur et le poumon du groupe Matmut. J’ai dû attendre le congrès du 9 septembre dernier, organisé pour les 60 ans de la Matmut, pour pouvoir m’adresser en présentiel, pour la première fois, à mes pairs, aux délégués des sociétaires, et leur présenter ma feuille de route.

En ce qui concerne l’injonction réglementaire de procéder à une séparation des pouvoirs entre le président et le directeur général, nous sommes concernés en tant que mutuelle. Mais avant d’en venir à la manière dont s’organise la gouvernance avec Nicolas Gomart, je souhaite préciser que je n’ai pas postulé à la fonction de président de la Matmut. J’ai en effet une vie professionnelle assez intense, en tant que dirigeant d’une holding d’investissement qui gère une vingtaine de participations. Mais il se trouve que j’ai été sollicité, tant par Daniel Havis que Nicolas Gomart. J’avais notamment travaillé avec ce dernier pendant plusieurs années et nos rapports sont forts, honnêtes et empreints d’amitié. C’est d’ailleurs un peu par mon entremise que Nicolas a rencontré Daniel Havis et fait son entrée à la Matmut. Tous deux m’ont demandé si j’accepterais d’être président du groupe Matmut.

De fait, mon profil est différent de ceux qu’on retrouve habituellement dans le monde institutionnel. J’ai une carrière dans la finance, mais très proche de l’univers mutualiste. En effet, j’ai fait mes gammes dans l’informatique financière chez Fininfo, avant d’entrer chez OFI, l’établissement financier des mutuelles d’assurance, où j’ai occupé la fonction de directeur général adjoint. C’est dans ce cadre que j’ai fait la connaissance de Paul Bennetot, le président fondateur de la Matmut, dont j’ai été proche, puis de Daniel Havis, son successeur, avec qui j’ai noué une amitié sincère. Je pense que je lui apportais un regard extérieur sur le monde institutionnel et la Matmut.

Aujourd’hui, je suis à la tête de Fincap Invest, en parallèle de mon mandat de président non exécutif de la Matmut, ce qui me confère une vision périphérique. En revanche, je n’ai pas de rôle opérationnel à la Matmut. Nicolas Gomart gère la maison de très bonne manière, tandis que je suis le garant de l’adéquation entre la stratégie menée et la gouvernance.

Quelle est justement votre feuille de route ?

Nous engageons un travail collectif à partir de la grande consultation nationale de plus de 4 millions de personnes – sociétaires, collaborateurs – réalisée en vue de formaliser la raison d’être de l’entreprise. Force est de constater que l’esprit mutualiste qui a présidé aux origines de notre groupe prouve toute sa modernité, soixante ans plus tard, dans la crise que nous traversons. Quelque part, notre grande consultation est tombée à point nommé : les gens avaient réellement besoin d’exprimer leurs attentes et ressentis. Et les enseignements, synthétisés dans un baromètre, ont permis de dégager des axes d’évolution de nos offres et services, de nos engagements…

Quels sont ces axes ?

On note diverses tendances dans les ressentis exprimés par les 135 500 personnes (sociétaires, mais aussi collaborateurs, membres du conseil d’administration…) qui se sont prêtées au jeu, à commencer par le domaine de la santé. Il faut dire qu’avec la crise sanitaire mondiale, c’est la première fois que la planète a eu une perception générale et totale du risque santé. Cela a soulevé la question de l’accès aux soins, avec des hôpitaux saturés et, hélas, la nécessité de déprogrammer un certain nombre d’opérations.

Une autre peur a émergé, celle du déclassement. Traditionnellement, cette crainte est plutôt le lot des jeunes diplômés qui arrivent sur le marché du travail, ou des seniors qui redoutent la maladie, liée au vieillissement. Or, en l’occurrence, cette peur a été exprimée également par des personnes âgées de 30, 40 ou 50 ans. En ce qui nous concerne, dès décembre 2020, nous avons mis en place dans nos offres de complémentaire santé un forfait destiné aux personnes fragilisées psychologiquement, notamment les jeunes. Quelque 13 000 consultations chez le psychologue ont ainsi déjà été remboursées, ce qui représente un effort de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Autre thème, qui nous a réellement surpris, celui de la protection des données. En effet, l’enquête a mis en évidence que ce sont surtout les jeunes qui s’en inquiètent.

Enfin, les participants à notre baromètre sont en demande de plus de solidarité. Via nos différents engagements dans le milieu médical et le monde de la recherche, nous sommes d’ores et déjà actifs. Que ce soit dans la lutte contre des pathologies, comme Alzheimer, ou notre aide au financement de nouvelles technologies favorisant le soin et l’autonomie – je citerai par exemple l’exosquelette au sein du centre de rééducation Kerpape en Bretagne. Il nous faut aller plus loin, plus vite. La modernité consiste désormais à exprimer davantage notre esprit mutualiste, non pas simplement en communiquant, mais en continuant à l’incarner concrètement.

Comment déclinez-vous cette ambition ?

Elle passe avant tout par notre capacité à continuer de proposer de bons produits assurantiels, qui évoluent, et nous permettent d’être un assureur à 360°. Elle passe également par nos partenariats, tel que celui que nous avons noué avec le groupe BNP Paribas, dans le cadre de notre filiale commune Cardif IARD en assurance dommages. Par ailleurs, en épargne, alors que nous n’avons longtemps eu qu’un produit euro classique, nous avons développé avec BNP Paribas Cardif une assurance vie et un PERin avec UC, des produits que nous avons voulu particulièrement accessibles.

Il nous faut être flexibles et réactifs dans le cadre de nos partenariats et en construire, le cas échéant, de nouveaux. Sur le plan des offres, nous allons continuer à faire évoluer notre gamme, tant sur l’individuel que le pro, afin d’être au plus près des préoccupations des sociétaires, telles qu’exprimées dans notre baromètre. Sur le sujet des risques climatiques, par exemple, nous avons un rôle important d’accompagnement de nos sociétaires à jouer, ainsi qu'au niveau de la prévention.

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