Directeur flotte automobile et nouvelles mobilités chez Gras Savoye WTW, Christophe Giraud évoque les renouvellements 2022 et commente la mutation d’un marché du risque auto de l'entreprise amené à se réinventer.
Quelles sont les grandes tendances pour les renouvellements des flottes auto ?
Nous sommes dans un cycle haussier qui a démarré il y a à peu près dix-huit mois, et qui fait suite à plusieurs années de baisse de prix qui sont arrivés à des niveaux très compétitifs pour les assurés mais peu tenables pour l’assurance automobile. Depuis, les assureurs se sont repositionnés sur des majorations tarifaires qui ont été portées par deux tendances de fond. D’abord, l’intensité des sinistres corporels qui augmente sans discontinuité depuis les années 2000 et qui se traduit par des coûts de réassurance en hausse sensible. Ensuite, la hausse des coûts de réparation qui s’accélère depuis trois ou quatre ans, et se reflète par l’augmentation du forfait IDA, dont la hausse annuelle se situe entre 5 à 7 %. Les équipements de sécurité et les aides à la conduite sont de plus en plus montés en série ; quant aux pièces détachées, elles subissent une inflation constante quelles que soient les marques.
Cette dérive sur les coûts a poussé des assureurs comme Generali et Zurich à quitter le segment des grandes flottes. De leur côté, Allianz et la Smacl ont redressé fortement leurs portefeuilles. Aujourd’hui, il n’y a plus de francs-tireurs sur le marché pour remettre de la concurrence et de la compétitivité sur les prix.
Pouvez-vous quantifier ces augmentations ? Et quel rôle peut jouer le courtier pour les amortir ?
Nous naviguons sur des majorations de conjoncture entre +2 et +7 %, et ce malgré une baisse en fréquence des accidents que nous avons évaluée à -25 % sur 2020. Notre mission a été extrêmement compliquée sur ces renouvellements, car nos clients ont constaté des baisses sensibles de sinistres en fréquence, et pouvaient logiquement aspirer à des statu quo tarifaires, voire des petites baisses. Or, le monde de l’assurance s'inscrit dans un mouvement de fond de rééquilibrage des tarifs, et de retour à des ratios combinés plus conformes à ses objectifs.
Les courtiers se retrouvent donc très sollicités, et doivent faire preuve de pédagogie pour analyser le marché ou remettre les dossiers de leurs clients en concurrence. Comme l’an dernier, cet afflux de dossiers d’étude sur les bureaux des assureurs a du mal à être absorbé ; une forte sélection des risques est effectuée pour parvenir à coter les dossiers de bonne qualité technique.
Quel impact pour les nouveaux usages en termes de télétravail, notamment sur le marché des flottes auto ?
Aujourd’hui, de manière conjoncturelle, les flottes de beaucoup de nos clients se sont ajustées à la baisse. On ne sait pas encore si c’est un phénomène temporaire ou s’il se poursuivra sur le moyen terme. Nous notons également des changements d’usage en termes de mobilité, avec le développement du télétravail. Pour les entreprises situées dans les grandes agglomérations, des réflexions sont menées autour du vélo électrique. Nous voyons apparaître sur le marché des offres de location longue durée de véhicules électriques, sous forme de car sharing, pour permettre une alternative aux véhicules de fonction.
Vos clients sont-ils demandeurs de voitures électriques pour leurs flottes ?
Nous comptons effectivement de plus en plus de voitures électriques dans les parcs automobiles de nos clients. Pour autant, il n’y a pas de modification majeure dans le dispositif de garantie et de gestion d’un véhicule électrique comparativement à un véhicule thermique, nous l’assurons et gérons les sinistres de la même manière. Il peut y avoir quelques impacts sur la sinistralité en assistance, parfois ces véhicules qui nécessitent une conduite particulière, très souple, avec une anticipation de la consommation de la batterie, se retrouvent en panne sur le bord de la route. C’est un phénomène conjoncturel qui ne devrait pas durer.
Comment le marché de l’assurance se prépare-t-il à l’avènement des voitures autonomes ?
Le véhicule autonome est déjà une réalité dans des environnements fermés et quelques assureurs les couvrent sans avoir rencontré de désillusions pour le moment. Le sujet beaucoup plus prégnant pour le secteur est celui de la donnée captée par les véhicules modernes lors de leur usage. Le potentiel est considérable et les constructeurs investissent sur l’analyse de la conduite (freinage, accélération, consommation…), voire sur des services qui peuvent être associés. Ce sujet intéresse fortement les assureurs qui y voient aussi des possibilités de sélection du risque et d’analyse poussée de la compréhension des causes des accidents de la route. Plus généralement, les acteurs français de la mobilité (assureurs et assisteurs compris) ont récemment monté l’Alliance mobilité connectée afin de créer un écosystème équilibré et accessible à tous, en amont comme en aval de la filière automobile.