Ayant intégré le groupe CNP assurances comme DRH adjointe en mars 2023, Marie Rouen a succédé à Bérengère Grandjean au poste de directrice des ressources humaines le 2 janvier dernier. Membre du comité exécutif, elle poursuit le travail de fond entrepris pour la féminisation dans le groupe CNP assurances.
Après avoir remporté le prix de l’égalité salariale femmes-hommes au Palmarès 2021 de la féminisation des instances dirigeantes des entreprises du SBF 120, le groupe CNP assurances a obtenu 100/100 à l’index 2023 égalité femmes-hommes. Comment êtes-vous parvenus à ce résultat ?
Récente dans le groupe, je n'en suis pas totalement responsable, mais je compte bien poursuivre le travail effectué par Bérengère Grandjean et ses prédécesseurs, car il a fallu vingt ans pour en arriver là. Faire de la parité un des enjeux prioritaires a été décidé par un comex qui n’était pas aussi féminisé qu’aujourd’hui, où nous avons une présidente, une DG et une DRH. Ce sont des hommes qui ont décidé de prendre le sujet de la féminisation à bras-le-corps. Le groupe a signé un accord sur ce sujet dès 2005 et depuis 2007 pour chaque poste ouvert, il y a obligation de présenter au moins un profil féminin et un masculin à compétences égales. Pour progresser encore, le groupe s’est fixé des KPIs visant à maintenir la parité au comex, de parvenir à 45 % de femmes dans le Cercle impact qui sont les cadres de direction au niveau N-1 du comex, et de tendre vers l’équilibre femmes-hommes dans la classe 7, qui regroupe les fonctions N-1 des cadres de direction.
Comment comptez-vous y arriver ?
En interne, les people reviews doivent permettre d’identifier les hommes et les femmes évolutifs, afin de les faire progresser sur les opportunités existantes ou à venir. En externe, nous devons étudier davantage les profils féminins, afin de poursuivre nos efforts de féminisation des métiers comme la finance ou l’IT où les femmes restent peu présentes. Nous utilisons la taxe d’apprentissage pour aider des associations comme Elles bougent, afin qu’elles nous fassent remonter des CV féminins, et nous avons signé des partenariats avec des écoles comme l’Isup ou Dauphine, afin de détecter les talents via l’alternance. Nous avons aussi mis en place un plan de communication visant à sensibiliser nos collaborateurs et les managers jouent le jeu. Nous utilisons les réseaux sociaux et les salons pour faire connaître nos objectifs de féminisation et notre marque employeur nous permet d’attirer davantage de candidatures féminines. Nous avons également mis en place un programme de mentorat destiné à aider les femmes à oser postuler et avons lancé un parcours de talents en interne, avec 28 collaborateurs dont 14 femmes. Chaque fois que nous mettons quelque chose en place, nous pensons égalité et accompagnement.
Les femmes ont-elles encore tendance à limiter leurs ambitions professionnelles ?
Les hommes savent mettre en avant leurs compétences lorsqu’ils prétendent à un poste, tandis que les femmes ont encore du mal à oser postuler lorsqu’elles ne disposent pas de toutes les compétences. Depuis que je suis DRH, je n’ai pas constaté de changement. Les hommes ont toujours plus de facilités pour se vendre, négocier leur rémunération, tandis que les femmes ont toujours tendance à douter de leurs capacités plutôt que mettre en avant leurs points forts. C’est pourquoi nous devons identifier celles qui ont les compétences pour évoluer et les accompagner pour leur faire prendre l’ascenseur social. C’est pour cela que nous avons mis en place, par exemple, un parcours intitulé leadership au féminin.
Comment expliquez-vous que les jeunes femmes restent moins ambitieuses que leurs confrères masculins ?
L’éducation familiale et le prisme scolaire expliquent sans doute une part des choses. Et la maternité peut encore être un frein. Une carrière décolle à partir de 34 ans, un âge où les femmes ont des enfants ou envie d’en avoir. Je n’en ai pas, mais j’admire celles qui arrivent à concilier postes à responsabilités et vie de famille. Celles qui sont le mieux accompagnées y parviennent. Pour les autres, la maternité peut amener à limiter ses ambitions professionnelles. Pour l’éviter, nous avons mis en place du soutien à la parentalité tant pour les femmes que pour les hommes.
Est-ce que les hommes sont solidaires de votre combat pour la parité ?
Je ne suis pas à l’aise avec le terme « combat » mais oui les hommes jouent le jeu et on ne peut pas faire sans eux. Si une femme est choisie, c’est toujours à compétence égale. Ils n’ont donc pas de ressentiment à avoir, d’autant que même si nous avons beaucoup progressé pour féminiser toutes les strates de l’entreprise, notre objectif 2025 est de parvenir à 45 % de cadres de direction. Les hommes ont donc encore 55 % des postes à se partager, et dans certains métiers comme l’actuariat ils restent encore grandement majoritaires. Mais il serait contre-productif d’opposer les hommes et les femmes. Ce qui compte, ce sont les compétences et il y en a autant dans les deux sexes. C’est pourquoi je n’ai pas l’impression de mener un combat féministe, mais d’équité de traitement, en donnant la même chance aux hommes qu’aux femmes.