Le président du comité exécutif d’Allianz Trade en France, Laurent Treilhes, dresse un bilan 2023 flatteur de l’assureur-crédit. Mais le dirigeant met aussi en exergue l’augmentation de la sinistralité, notamment en construction, et la flambée des défaillances. Il évoque également ses ambitions stratégiques, les nouveaux produits et la complétude de son offre pour continuer à se développer sur le marché français.
Quel est le bilan 2023 d’Allianz Trade en France ?
En 2023, malgré les défis commerciaux, nous avons maintenu une croissance stable d’environ 5 %, similaire à l’année précédente. Nous avons cependant constaté des signes de contraction du chiffre d’affaires de nos assurés, principalement au cours de la seconde moitié de l’année en raison du ralentissement économique global. Nous avons pu enregistrer une croissance solide, grâce à la fidélité de nos assurés avec un taux de rétention avoisinant les 97 %, encore en progression.
Quels sont les facteurs explicatifs de cette rétention ?
Tout d’abord, nous avons un service de proximité qui fait notre force. Notre réseau historique d’analystes en France, composé de plus de cent personnes, collecte des informations précieuses sur les risques clients et leur potentiel de développement commercial. Cette proximité est complétée par un réseau international, nous permettant de fournir une qualité d’information et de prévention unique dans le monde entier. De plus, nous avons renforcé notre présence régionale en créant cinq hubs pour rapprocher nos services de nos clients et partenaires, notamment une petite centaine d’intermédiaires, courtiers et mandataires, avec lesquels nous travaillons. En outre, nous disposons d’un réseau d’agences de recouvrement décentralisées pour aider nos clients en cas de difficultés pour être payés. Ces services à forte valeur ajoutée fournissent à nos assurés de la visibilité et de la sécurité sur un marché marqué par des incertitudes croissantes.
Quel est l’effet des tensions géopolitiques sur le marché ?
C’est une année de transition avec de nombreuses élections, le tout dans un contexte géopolitique et économique très instable, et qui apportera une couche supplémentaire de complexité et de risques aux opérations commerciales. Cela peut notamment rendre difficile pour les entreprises de faire des prévisions et des business plans précis, ou encore créer de la volatilité dans les coûts des intrants. Cette incertitude croissante peut à terme impacter la confiance des entreprises, leurs politiques d’investissement et place en tension certaines chaînes d’approvisionnement. Ce contexte se traduit par un ralentissement économique et commercial qui impacte la dynamique du marché dans son ensemble.
Où se situe la croissance du groupe ?
Nous sommes en croissance sur toutes les zones géographiques. La croissance globale du groupe Allianz Trade s’établit à un peu plus de 10 % en 2023, avec des variations selon les zones géographiques. Les États-Unis, en particulier, affichent une forte croissance, étant une région clé pour le marché de l’assurance-crédit et de la caution. L’Asie-Pacifique, zone moins mature, connaît également un développement intéressant. Globalement, toutes nos zones sont en croissance, y compris le marché français dont j’ai la charge et qui au sein du groupe Allianz Trade est une région à part entière.
Quid de la hausse de la sinistralité et des défaillances d’entreprises ?
Le contexte économique actuel est marqué par un ralentissement global, avec des projections de croissance faibles en France, autour de 0,7 % cette année. En Europe, la croissance ralentit progressivement, avec un possible rebond attendu seulement en fin de cette année ou l’année prochaine. Les hausses de taux, couplées aux effets persistants de l’inflation, ont entraîné une augmentation des coûts de financement au moment où les entreprises rencontrent des difficultés de trésorerie. La sinistralité est en forte croissance sur le marché, avec une augmentation de 17 % des dossiers contentieux en 2023, totalisant 54 000 dossiers, principalement issus du secteur de la construction et du commerce de détail. Cette remontée de la sinistralité était attendue. Les défaillances d’entreprises sont en augmentation en 2023, avec 57 000 défaillances en France, un chiffre comparable au niveau pré-Covid. Cette année, nous anticipons une nouvelle augmentation de 7 %, dépassant les 60 000 défaillances. Cependant, une éclaircie se profile avec les banques centrales qui devraient infléchir leur politique à partir de l’été 2024.
Quelle est votre vision de la réduction des délais de paiement de soixante à trente jours voulue au niveau européen ?
C’est un sujet que nous suivons de près avec l’ICISA (l’association internationale d’assurance-crédit et caution). Cette initiative, bien que louable dans son objectif d’accroître les efforts pour lutter contre les retards de paiement, pourrait avoir un impact significatif sur le risque et donc sur notre activité finalement. La proposition, telle qu’elle a été formulée, pourrait exacerber les difficultés de nombreuses entreprises, notamment pour celles qui ont des cycles de fonds de roulement plus longs ou encore des chaînes d’approvisionnements complexes. Tout d’abord, elle semble ne pas tenir suffisamment compte des spécificités de certains pays et secteurs d’activité. Il ne faut pas oublier également que de nombreuses entreprises agissent à la fois en tant que créanciers et débiteurs. De plus, cela pourrait affecter la compétitivité des entreprises européennes, en incitant certaines à se tourner vers des fournisseurs non-européens offrant des conditions de paiement plus favorables. Une étude menée par Allianz Trade suggère que cette démarche, si elle est appliquée telle qu’elle est présentée actuellement, pourrait entraîner un besoin de financement supplémentaire de 2 Md€ pour les PME européennes.
Quels sont les principaux axes de votre plan stratégique ?
Un des axes majeurs de notre plan stratégique a été de renforcer et d’élargir notre gamme de produits, en mettant particulièrement l’accent sur ceux à forte croissance dans lesquels nous avons fortement investi, tels que la caution par exemple. Concernant l’assurance-crédit, nous nous sommes aperçus que le marché de la TPE/PME n’est pas un marché très pénétré, perçu comme un produit complexe ou coûteux. Nous avons donc développé des solutions simples et entièrement digitalisées, offertes à des prix accessibles, à partir de 10 € par jour pour gérer un portefeuille clients. Nous espérons ainsi équiper en assurance-crédit ce segment d’entreprises, qui est particulièrement exposé au risque d’impayés. En parallèle de cette stratégie de complétude de l’offre à destination des TPE jusqu’aux multinationales, nous avons cherché à renforcer notre proximité avec nos clients en décentralisant nos équipes et en rapprochant nos services grâce à la création de hubs en province. Enfin, un autre axe stratégique important a été notre transition vers le digital pour répondre aux besoins émergents du marché du e-commerce. Nous avons développé notre propre solution de paiement pour les plates-formes B2B – Allianz Trade Pay – qui offre une protection du poste clients et permet de lutter contre la fraude, ainsi que des services de KYC (Know Your Customer) et de financement pour les plates-formes. Notre ambition est de consolider notre leadership sur ce marché du commerce électronique B2B en pleine expansion.
Pourquoi avoir développé votre propre solution de paiement ?
Chez Allianz Trade en France, nous avons des convictions fortes concernant le e-commerce BtoB. Nous pensons qu’il s’agit d’un vrai levier de croissance pour les entreprises et nous voyons également que la convergence des habitudes de consommation entre le BtoC et le BtoB s’accentue encore. Pour répondre aux attentes du marché, l’écosystème du paiement et du financement en ligne doit ainsi se mettre en ordre de marche.
Nous avons donc concentré nos efforts sur notre développement dans l’assurance-crédit e-commerce, où nous sommes actuellement leaders. Notre récente initiative, Allianz Trade Pay, propose une solution innovante et avancée pour les moyens de paiement sur les plates-formes en ligne. Nous avons déjà investi massivement dans le « Buy Now, Pay Later » (BNPL), le paiement différé sur les plates-formes, une ligne que nous avons développée au cours des deux dernières années. Nous collaborons avec 60 % des fournisseurs de BNPL existants sur le marché, assurant ainsi ces plates-formes et ces moyens de paiement. Le lancement d’Allianz Trade Pay vient renforcer cette stratégie, et nous réfléchissons à la manière de distribuer ces produits en utilisant nos réseaux actuels.
Quelle stratégie poursuivez-vous en termes de système d’information ?
Nous sommes constamment engagés dans l’amélioration de notre système d’information, considérant que les données sont au cœur de notre activité. Nos bases contiennent des informations sur des dizaines de millions d’entreprises à travers le monde, et nous investissons continuellement dans l’acquisition et l’analyse de ces données, en intégrant notamment des modèles d’intelligence artificielle (IA) depuis plusieurs années. La donnée est essentielle pour notre métier et ces investissements se concentrent également sur la technologie nécessaire à la gestion et à la prise de décision. L’IA devrait fournir des outils d’analyse et d’accompagnement des services encore plus performants dans les années à venir. C’est pour cette raison que nous allons continuer à développer des solutions intégrant cette technologie.