Mécénat artistique

Des mécènes qui assurent

Publié le 30 juin 2021 à 8h00    Mis à jour le 30 juin 2021 à 9h19

Sarah Hugounenq

Alors que les mécènes désertent le monde de la culture pour des causes jugées plus pressantes à l’aune de la crise, l’assurance fait exception à la règle. Toutefois, le contour de leur engagement pourrait évoluer.

Sarah Hugounenq
journaliste

Le Louvre Lens a vu son mécénat subir une cure d’amaigrissement de 300 000 € en 2020, tandis qu’il perdait six entreprises de son cercle de mécènes. Au Centre Pompidou, ce sont trois entreprises intéressées avant la crise pour soutenir à hauteur de 600 000 € l’exposition « Matisse comme un roman » qui ont finalement rebroussé chemin. Cause historique, la culture ne fait plus recette chez les mécènes, attirés par un engagement considéré davantage « essentiel » lié à l’urgence médicale, sociale, éducative ou humanitaire. Selon l’Admical, association de promotion du mécénat d’entreprise, si le mécénat ne fléchit pas dans la quantité de dons consentis depuis le début de la crise, 64 % des entreprises ont réorienté une partie de leur budget.

Assureurs à la rescousse

Dans ce tableau morose, le monde de l’assurance fait office d’exception. En janvier, la MGEN signait une convention pour soutenir la saison consacrée aux « Divas » de l’Institut du monde arabe. Fin mai, Axa offrait une enveloppe de 2 M€ à l’Arc de triomphe de l’étoile en vue de sa rénovation globale à compter de décembre prochain. La Matmut soutenait le musée d’art contemporain de Lyon ce printemps au cœur de sa fermeture pour produire un parcours en audiodescription de ses œuvres en plein air, et des podcasts sur les coulisses. Alors que Generali volait au secours du personnel médical en 2020 avec un geste de 3 M€ pour la Fédération hospitalière de France et bientôt pour le vaccinodrome de Paris-La Défense, le mécène n’abandonnait pas pour autant ses partenaires du monde de l’art. L’exposition sur les sculptures italiennes de la Renaissance du Louvre (fermée le 21 juin) restait une priorité. « Cela fait plus de vingt-cinq ans que Generali soutient la culture italienne en France. Quand on prend un tel engagement envers les institutions publiques, on a une responsabilité », explique Élise Ginioux, en charge de la RSE de Generali. La Maif a fait le même raisonnement. Son engagement exceptionnel par la redistribution de 30 M€ de remise de cotisation au monde associatif en 2020 et de 30 € par véhicule assuré lors du premier confinement montre qu’elle n’a pas renié son soutien à la culture. « Dans ce contexte de crise durable et profonde, où la culture est à l’arrêt, un assureur se devait d’être au côté du monde associatif au sens général. Quand un événement n’a pu se tenir, comme le festival Jazz à Marciac, nous avons maintenu une enveloppe réduite de financement, tout comme pour l’exposition Pompéi au Grand Palais à Paris. L’an passé, nous avons fait le choix d’être une entreprise à mission, c’est-à-dire une société qui s’engage sur des causes avec un impact positif. Il serait contradictoire d’abandonner nos soutiens traditionnels sous prétexte d’une crise ! », explique Dominique Mahé, président de Maif. L’abandon est à ce point exclu que la mutuelle a profité de l’année 2020 pour refondre son Prix Maif pour la sculpture, doté d’une enveloppe de 40 000 € pour la production d’une œuvre en deux exemplaires, en l’ouvrant aux nouvelles technologies. Devant le succès rencontré, l’opération était réitérée cette année et récompensait en mars Marion Roche et sa cartographie mouvante des rêves.

La situation se répète chez Swiss Life. « Nous n’avons retiré aucune des subventions accordées en 2020, y compris aux Rencontres d’Arles [festival photographique annuel, NDLR] qui a pourtant été annulé du fait de la situation. Nous n’avons rien bousculé car nous avions pris de l’avance sur l’évolution des pratiques culturelles révélées avec la crise. À mon arrivée en 2018, j’ai remis à plat le Prix Swiss Life, dont j’ai voulu étendre la visibilité. Aller au-delà d’un seul lieu de culture identifié à Paris et donner une résonance aux artistes primés en région, diffuser la culture ailleurs que dans les musées mais aussi dans les galeries, salons, ou même dans la rue. La crise nous a confortés dans l’idée que la culture doit être partout », estime Nathalie Martin, déléguée générale de la Fondation Swiss Life mise sur pied en 2008 autour de la culture, la lutte contre Alzheimer et la solidarité.

Coller à son corps de métier

« La fermeture des institutions culturelles ne nous fait pas peur, lance tout de go Eric Hemeleers, directeur d’Eeckman. Au contraire, nous avons amplifié notre soutien aux acteurs culturels pour les appuyer dans leurs revendications, leur volonté de relancer la culture : aider des séminaires sur la culture en payant les gels hydroalcooliques, accompagner l’ouverture de la fondation CAB à Saint-Paul-de-Vence alors que tout est fermé en France… Si on travaille dans le monde de l’assurance, par définition on est utile quand ça ne va pas. Déjà pendant la crise des subprimes, nous avions confirmé tous nos partenariats. »

Toutefois, maintenir le cap ne rime pas avec immobilisme. Si les assureurs et courtiers rompus à une réflexion sur le long terme répondent à l’appel dans l’urgence, le tsunami sociétal que provoque l’épidémie de Covid-19 les pousse à interroger la pertinence de leur mode d’engagement pour le futur. « Nous avons la volonté d’être encore plus présents sur les territoires. Sans augmenter considérablement le budget, le fonds Maif pour l’éducation pourrait développer son nombre de partenariats », projette la Maif. L’appel des régions se retrouve chez Swiss Life qui souhaite « poursuivre [sa] réflexion sur la manière de s’engager pour la culture, la diffuser différemment et mieux la croiser avec notre engagement dans la santé comme la lutte contre l’Alzheimer où l’art a démontré son pouvoir. Je préfère être moins visible en tant que mécène mais soutenir un vrai travail de création innovante », explique Nathalie Martin en inaugurant l’exposition du binôme édouard Taufenbach (photographe) et Régis Campo (musicien), lauréats 2021 du prix Swiss Life à quatre mains au musée La Piscine à Roubaix. Le voyage prochain de leurs œuvres à mi-chemin entre photographie et partition à la galerie Belle étoile à Arles puis à Bordeaux, rappelle l’importance que la fondation accorde à la valorisation de l’art hors des grands lieux identifiés parisiens. Mieux, la déléguée caresse le projet d’impliquer son entreprise plus fortement dans la solidarité en faisant jouer le levier du mécénat de compétence. Cette mise à disposition de l’expertise de collaborateurs volontaires sur le terrain des associations trahit la volonté des entreprises de faire un nouveau mécénat, celui du dialogue et de la coconstruction.

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