Image de marque

Comment conquérir le cœur des Français ?

Publié le 16 octobre 2019 à 8h00    Mis à jour le 24 octobre 2019 à 9h19

Louis Johen

Comment améliorer l’image de marque du secteur de l’assurance, éternel mal-aimé des Français ? La question n’est pas neuve mais quelques éléments de réponse pourraient surgir à l’occasion d’un colloque qui sera organisé à l’automne 2020 dans le cadre de la chaire Assurance et société où historiens et chercheurs vont se pencher sur la question de la représentation de l’assurance depuis le XIX siècle. Une première.

Louis Johen
journaliste

C’est une manifestation inédite qui se prépare actuellement sur le thème « image et représentation de l’assurance, deux siècles de perception (1820-2020) ». Fruit de la convention de partenariat signée en mai 2016 entre l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et la Fédération française de l’assurance (FFA), le programme pluriannuel de recherche « Assurance et société, historicité des savoirs et pratique de l’interdisciplinarité », ce colloque, qui se tiendra à l’automne 2020, sera le troisième organisé après un débat sur la naissance du droit des assurances, et celui sur l’impact de la Grande Guerre sur les notions d’assistance, de prévoyance et d’assurance.

« Ce sera l’occasion d’en retirer une véritable analyse pour comprendre comment les gens peuvent être aussi méfiants envers un secteur auquel ils confient pourtant 30 % de leur épargne », se félicite Gilles Wolkowitsch, secrétaire général de la FFA fraîchement retraité après quarante années de service à la fédération.

Animés par Raymond Dartevelle, chercheur spécialiste d’histoire sociale et économique et directeur scientifique de la chaire Assurance et société à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, les travaux qui donneront naissance au prochain colloque sur l’image de l’assurance s’appuieront sur des réflexions menées autour d’une quinzaine de thèmes tels que l’argent des assurances, la respectabilité des élites et la notoriété des sociétés, le traumatisme du sinistre et sa réparation, obligation d’assurance et intérêt général ou encore le rapport paradoxal de l’assurance à l’Etat. En parallèle, l’université Paris I souhaite organiser une exposition qui illustrerait par des affiches publicitaires l’évolution de la représentation du secteur de l’assurance à travers le temps.

« Dans l’esprit interdisciplinaire des sciences humaines et sociales (SHS) qui fonde la chaire Assurance et société, nous souhaitons nous interroger sur les raisons d’une carence majeure de la perception sociale de l’assurance et de sa représentation mentale dans l’espace public », explique Raymond Dartevelle qui souhaite également mobiliser la profession de l’assurance et les directions de la communication. « Exceptées quelques études contemporaines, réalisées dans le cadre des sciences de la communication et d’une approche marketing, il n’existe quasiment pas de travaux scientifiques de caractère universitaire sur cette question replacée dans une dimension d’historicité », poursuit-il.

Or, les questions d’images sont loin d’être une préoccupation récente. La première enquête d’opinion sur le marché de l’assurance date ainsi de 1953. C’est le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), à la demande du Comité d’action pour la productivité dans l’assurance (Capa) qui l’avait réalisée. À la suite de cette enquête, la FFSA avait recommandé aux assureurs d’impliquer plus largement le public et de l’informer objectivement « en vue de lutter contre son indifférence et son ignorance, de redresser ses opinions erronées et enfin de faire connaître sous son vrai jour l’assurance », stipulait-elle alors.

Voyage dans le temps

Le voyage dans le temps proposé par la chaire Assurance et société pourrait permettre de voir comment l’évolution du secteur de l’assurance a progressivement influé sur son image. Pour Raymond Dartevelle, « le déficit d’image du secteur se manifeste très tôt, dès la seconde moitié du XIXe siècle dans la presse d’opinion, la littérature, mais aussi à partir de la IIIe République dans les débats parlementaires et à l’occasion de grands enjeux politiques et sociétaux ».

Dès 1910, la chaire Prévoyance et assurances sociales, fondée par l’assureur A. Mayen, portée par Edouard Fuster (1869-1935) au Collège de France, s’est interrogée sur cette carence. « Edouard Fuster était un expert qui a touché à de nombreux sujets comme les accidents du travail, l’assurance maladie, l’invalidité ou encore l’assurance chômage. Ses travaux ont été le cadre d’une réflexion très approfondie sur l’assurance replacée dans sa dimension nationale et internationale : il allait contre toute idéologie dans le but de résoudre pratiquement les problèmes qui se posaient à la France, en termes d’hygiène, de prévoyance et d’assurance. Il s’est intéressé à la part que l’assurance pouvait prendre dans l’enseignement de la prévoyance et la lutte contre les grands fléaux sociaux pour une meilleure santé publique grâce à la prévention. C’est un exemple très intéressant de ce que pourrait être l’assurance dans tout développement politique et sociétal. Je pense que l’assurance a perdu la dimension sociale qu’elle avait avant la Deuxième Guerre mondiale, époque où elle gérait les accidents du travail tout en étant aussi investie dans leur prévention, avant que la Sécurité sociale ne vienne tout bouleverser. La perte de cette dimension sociale a sans doute contribué à écorner l’image du secteur », analyse Raymond Dartevelle.

Une matière incomprise

Les stéréotypes autour de l’assurance ont la vie dure. Gilles Wolkowitsch va même jusqu’à remonter au XVIIIe pour tenter d’en trouver l’origine. « À cette époque, le système qui consistait à importer de manière frauduleuse des livres de l’étranger s’appelait l’assurance car il y avait des capitalistes qui s’engageaient à indemniser les libraires qui envoyaient les ouvrages au cas où ceux-ci étaient interceptés par les autorités. Peut-être qu’en France plus qu’ailleurs nous avons cette mauvaise image parce que pour les Français du XVIIIe, l’assurance c’est de la contrebande ! », évoque-t-il. Et que dire du dictionnaire des synonymes édité par Le Robert qui, il n’y a pas si longtemps, associait encore les mots « assureur » et « voleur » !

Le colloque qui se prépare pour l’année prochaine a pour ambition d’engager une réflexion sur la perception de l’assurance selon trois aspects : la perception de la place économique et financière des sociétés d’assurance en termes de puissance et de richesse, la perception de la défiance des assurés vis-à-vis d’un monde professionnel (avec ses métiers) et d’un secteur d’activité très mal connu, et la perception d’une confusion sur la fonction même de l’assurance, entre demande collective et individuelle de sécurité, d’assistance et de protection d’une part et le caractère commercial de cette industrie.

Si l’assurance a aussi mauvaise image, c’est sans doute d’abord parce qu’elle reste incomprise autant dans ses missions que dans son fonctionnement. « En 1928, Charles Georges-Picot, inspecteur des finances et président du Crédit industriel et commercial (CIC), écrivait dans la Revue hebdomadaire que l’assurance était, de toutes les grandes industries, la plus mal connue du grand public et au sujet de laquelle il règne le plus de préjugés », rappelle ainsi Raymond Dartevelle. Presque cent ans plus tard, ce constat reste toujours vrai !

« Il y a une méfiance naturelle face à un secteur qui paraît compliqué. L’assurance c’est du droit et de l’informatique mais cela nécessite un conseil fort là où beaucoup se focalisent surtout sur le prix. Nous avons aussi intérêt à être le plus lisible possible dans nos contrats car la plupart des litiges sont liés à un manque de compréhension des garanties », abonde Éric Lemaire, directeur de la communication et de la marque d’Axa France.

Recréer du lien

Les choses peuvent-elles évoluer dans le bon sens ? « Je crois que l’image des assureurs change mais peut-être pas pour les raisons que nous espérions. Il y a malheureusement de plus en plus de catastrophes naturelles et d’accidents collectifs, et on voit bien qu’à quelques exceptions médiatisées près, les gens sont globalement satisfaits de ce que leur apporte l’assurance dans ces moments très difficiles », analyse Éric Lemaire.

A la fin de l’année 1999, les tempêtes Lothar et Martin, événements naturels qui restent les plus coûteux à ce jour pour les assureurs français (6,9 Md€ de sinistres), marquent un tournant dans l’action collective de l’assurance. Devant l’ampleur et la violence des dégâts, les assureurs décident de dépasser le contractuel en simplifiant les procédures. Et l’exceptionnel devient la norme : depuis vingt ans, les événements catastrophiques marquants témoignent de la mobilisation d’un secteur de l’assurance désormais rodé aux dispositifs de crise. « Ce sont des dizaines de milliers de contrats, des problématiques de relogements, d’aide d’urgence… Il y a un vrai effort d’accompagnement, d’attention et d’assistance dans ces moments-là », confirme Éric Lemaire.

À entendre les personnalités qui dirigent aujourd’hui l’assurance, c’est dans la proximité et le service que les assureurs trouveront les meilleures armes pour se faire une place un peu plus chaude dans le cœur des Français. Si l’actuel engouement des assureurs pour des services comme la téléconsultation médicale ou la protection juridique montre bien la nécessité de se rapprocher positivement des consommateurs, Pascal Demurger, directeur général de la Maif, va encore plus loin et estime que l’entreprise du XXIe devra dépasser le cadre de la performance économique pour assumer, bien au-delà de l’accessoire, une responsabilité politique, sociétale et environnementale. Dans un ouvrage paru cette année aux éditions de l’Aube, L’entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera pas, il pose les bases d’une « raison d’être » que la mutuelle a choisi de concrétiser en devenant la première grande entreprise française à adopter le statut d’entreprise à mission permise par la loi Pacte. « La recherche permanente d’un impact positif nourrit la performance de l’entreprise, la satisfaction des sociétaires, l’engagement et l’épanouissement des collaborateurs. In fine, elle contribue à la construction d’un mieux commun », explique le groupe dans son plan stratégique 2019-2021 Engagés pour demain. Une singularité et un positionnement forts en termes d’image de marque.

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