Pour la première fois, CNP assurances communique sur la dépendance de son portefeuille à la perte de biodiversité. Un risque encore mal appréhendé que décrypte Vincent Damas, directeur RSE du groupe, pour La Tribune de l’assurance.
Quelle est l’origine de votre rapport sur la dépendance à la perte de biodiversité ?
Depuis 2015, CNP assurances est soumis à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : il s’agit donc de notre 6e rapport sur l’investissement responsable. Pour la première fois, suite à l’entrée en vigueur de la loi énergie-climat, nous y mesurons la dépendance de notre portefeuille d’investissements à la perte de biodiversité. En effet, dans son article 29, cette loi exige un niveau de détails accru de la part des investisseurs institutionnels sur les risques liés à la biodiversité et l’alignement de notre portefeuille avec les grands objectifs internationaux en matière de biodiversité.
Quelles sont les engagements de CNP assurances en la matière ?
Nous appliquons le principe de la double matérialité. Autrement dit, nous regardons d’une part quels sont les risques financiers auxquels CNP assurances est exposé du fait de la perte de biodiversité, et d’autre part l’impact sur la biodiversité des entreprises que nous finançons. Si nous mesurons notre empreinte biodiversité depuis deux ans, il s’agit de la première année où nous mesurons notre dépendance. C’est un exercice complexe car, même si des méthodes de calcul existent, l’accès aux données reste difficile.
Très peu d’entreprises communiquent sur ce sujet, donc il nous faut passer par des fournisseurs de données qui font des estimations à partir du chiffre d’affaires, du secteur, des zones géographiques, des volumes d’achats par exemple.
Allant au-delà des exigences réglementaires, CNP assurances a pris des engagements volontaires en matière de protection de la biodiversité, d’une part car le groupe souhaite contribuer à protéger les espèces et les écosystèmes, d’autre part car cela pourrait à terme provoquer des pertes financières pour nous et nos assurés. Partie prenante du grand pôle financier public, nous avons un rôle d’exemplarité à jouer.
Votre objectif est-il de baisser votre empreinte biodiversité par milliers d’euros investis ?
À ce stade, nous essayons d’étendre le calcul à tout notre portefeuille. Cette année, ce calcul concernait une trentaine de secteurs (contre cinq l’an dernier), soit 58 % du portefeuille d’actions et d’obligations d’entreprises détenues en direct (contre 11 % l’an dernier). Dès lors que ce calcul sera plus abouti, nous réfléchirons à de nouveaux engagements en matière de réduction de l’empreinte biodiversité de notre portefeuille.
Que deviennent les 42 % restants du portefeuille ?
Le travail est en cours. Notre fournisseur de données a commencé son analyse par les secteurs ayant le plus d’impact sur la biodiversité – énergie, agroalimentaire, chimie, foresterie – et la poursuivra par ceux ayant un moindre impact. Même si de nombreuses entreprises publient d’ores et déjà leurs émissions de gaz à effet de serre, elles sont moins avancées sur la mesure et la publication de leur impact sur la biodiversité. Nous demandons aux entreprises que nous finançons d’être plus transparentes sur cet enjeu environnemental majeur.
Est-ce que ce nouveau critère influence vos choix d’investissement ?
Si nous constatons qu’une entreprise est très à risque, à court ou moyen terme, du fait de son business model et de sa dépendance à des services écosystémiques qui seraient menacés, nous en tirons les conséquences. Nous avons déjà exclu de notre portefeuille des entreprises qui n’avaient pas pris d’engagements concernant la sortie du charbon ou qui allaient trop lentement par rapport aux recommandations scientifiques du Giec. En parallèle, nous observons à travers différentes enquêtes d’opinion qu’une part croissante de la population française s’intéresse aux enjeux environnementaux et sociaux et souhaite connaître les projets financés par leur épargne.
Comment gérez-vous ces engagements et votre activité au Brésil ?
Le groupe CNP assurances est un acteur majeur de l’assurance de personnes au Brésil depuis plus de vingt ans (un Brésilien sur deux est client de notre partenaire, la Caixa Economica Federal). Notre filiale n’investit pas dans la forêt brésilienne mais dans des actions ou des obligations brésiliennes. Elle n’est donc pas directement exposée aux problèmes de la déforestation. Même si la mesure de l’impact et de la dépendance à la biodiversité ne s’applique réglementairement qu’au portefeuille français, nous sommes également vigilants sur l’activité de cette filiale.
Investissez-vous dans des fonds à impact ?
C’est une offre encore peu développée par les asset managers car elle est très exigeante. En tant qu’investisseur, nous avons investi dans plusieurs fonds à impact mais cela reste encore marginal (quelques centaines de millions d’euros sur un portefeuille de plus de 300 Md€). Nous voulons toutefois soutenir ce type d’investissements, notamment avec La Banque postale Asset Management. Certains fonds sont déjà proposés à nos clients sous forme d’unités de compte.
Comment conjuguez-vous vos actions en faveur de la biodiversité et vos investissements dans la forêt française ?
Avec 57 000 hectares détenus (cinq fois la surface de Paris), nous sommes la première entreprise française propriétaire de forêts de l’Hexagone. Ces investissements dont le rendement annuel est stable (2 %) sont en croissance et prennent chaque année de la valeur. Nous nous sommes engagés à ce que 3 % de la surface de nos forêts soit consacrée, d’ici fin 2025, à des îlots de vieillissement. Autrement dit, ces zones forestières seront non exploitées ou exploitées plus tardivement afin de favoriser la biodiversité.
Agir contre le réchauffement climatique et préserver le vivant en étant un acteur engagé de la transition écologique représente l’un des objectifs de notre raison d’être. À travers la gestion durable de nos forêts, nous nous engageons pour la planète et agissons directement et concrètement en faveur de la biodiversité.