La dirigeante de BPCE assurances IARD, Nathalie Broutèle, expose ses ambitions dans le cadre du nouveau plan stratégique du groupe, évoque la dynamique du marché IARD, et revient notamment sur le risque de désengagement des assureurs des zones surexposées aux climatiques. Retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le numéro 304 daté septembre de La Tribune de l'assurance.
Le groupe BPCE vient d’adopter un nouveau plan stratégique. Quelles ambitions déclinez-vous pour l’assurance dommages ?
Nos ambitions s’inscrivent dans le cap fixé par notre projet stratégique Vision 2030 pour le groupe BPCE qui s’organise autour de trois grands piliers : forger notre croissance sur le temps long, donner à nos clients confiance en leur avenir, et exprimer notre nature coopérative sur tous les territoires. Dans ce cadre, BPCE assurances a pour ambition de devenir le 4e assureur en France à l'horizon 2030. Nous voulons être le partenaire de nos clients pour tous leurs projets et moments de vie.
En assurance dommages, cela se traduira notamment par le fait d’être acteur de la protection de nos clients et des territoires face à l’accélération des transitions avec, par exemple, une gamme d’assurance de biens tenant compte des évolutions liées aux risques climatiques. Nous voulons également faciliter la vie de nos clients grâce à des parcours digitaux qui vont être personnalisés et simplifiés, afin d’être à leurs côtés via le canal de leur choix. À l'horizon 2026, nous visons un taux de vente issue du digital de l’ordre de 20 % en assurance auto/deux-roues et multirisque habitation.
Quelle est la dynamique actuelle sur le marché IARD du particulier ?
Qu’il s’agisse de l’automobile ou de l’habitation, nous sortons d’une période complexe qui a couru sur l’ensemble du plan stratégique que nous avions engagé en 2021. Le sous-jacent du marché des ventes automobiles est resté très perturbé jusqu’en 2022, ce qui a réduit les opportunités pour l’assurance. Sur cette période en revanche, le crédit immobilier s’est affiché en forte croissance, avec beaucoup d’acquisitions et des taux de crédit très favorables. Les tendances se sont inversées en 2023 : l’automobile est redevenue dynamique tandis que le volume d’acquisitions immobilières s’est effondré. Le début de 2024 reste dans la droite ligne de cette tendance avec une bonne tenue de l’automobile et une activité MRH moins favorable.
Comment s’organise justement le « couplage » entre l’octroi d’un crédit immobilier et la vente de contrat MRH sans entrer dans la problématique de « ventes liées », qui ont pu être pointées du doigt par le passé ?
Lorsqu’un client nous sollicite pour un projet immobilier, nous l’accompagnons et le conseillons de façon globale, donc c’est aussi l’occasion de lui proposer notre solution MRH. Les dynamiques des marchés automobiles et habitation sont très liées aux achats et vente de véhicule ou aux achats, reventes et changements de logement. C’est souvent dans ces moments-là que les clients s’interrogent sur leur assurance.
Avez-vous des ambitions sur le marché des entreprises ?
Nous restons pour le moment concentrés sur l’automobile et la multirisque des professionnels. Nous sommes en mesure de répondre à l’ensemble des besoins de nos clients, que ce soit à travers nos solutions internes ou via des partenariats. Depuis l’année dernière, les Banques populaires et les Caisses d’épargne peuvent ainsi proposer des offres à leurs entreprises clientes dans le cadre d’un partenariat que nous avons noué avec WTW.
Pourriez-vous nouer des alliances en matière de réparation durable par exemple ?
Nous avons une stratégie globalement ouverte en termes de coopération. C’est particulièrement vrai dans l’assurance dommages, où même si nous avons repris la maîtrise de la compagnie BPCE assurances IARD, nous conservons des liens forts avec Macif. Et bien sûr, nous sommes co-actionnaires de la compagnie BPCE IARD, à 50 % avec Covéa pour développer le portefeuille assurance des professionnels.
Envisagez-vous d’ouvrir votre modèle à des partenariats hors groupe ?
La priorité des années à venir est de poursuivre l’équipement des clients des Caisses d’épargne et des Banques populaires. Nous sommes organisés pour cela et avons encore beaucoup de potentiel. Mais notre modèle sera également décliné en open insurance vers d’autres distributeurs. C’est un objectif complémentaire qui figure dans notre plan stratégique.
Comment jugez-vous la concurrence du direct et des start-up sur le marché du dommages ?
L’assurance dommages est un marché concurrentiel dont l’efficience en termes de prix ne laisse finalement pas beaucoup de place aux distributeurs alternatifs. Si les bancassureurs ont réussi à se faire une place et pèsent aujourd’hui sur le marché, les positions restent toujours largement occupées par les grandes marques et les mutualistes. Beaucoup ont, par le passé, prédit l’avènement du direct et des start-up mais les acteurs en place se sont adaptés, digitalisés, et améliorés en qualité de service.
Le rapport Langreney sur l’assurabilité du risque climatique a évoqué le désengagement de certains assureurs des zones surexposées. Est-ce un phénomène que le marché doit craindre ?
Nous sommes clairement devant des risques climatiques qui augmentent tant en fréquence qu’en intensité. Certaines zones « ultra-noires » du territoire, qui deviennent très complexes à assurer, ne sont en fait plus vraiment habitables au regard de la fréquence des risques climatiques qui augmentent. Elles devront être traitées de manière globale par l’État et les assureurs pour un désengagement ordonné et accompagné. Mais cela ne vaut que pour une infime partie du territoire ; pour le reste, il faut continuer à mutualiser le plus largement possible pour que le régime catastrophe naturelle continue de jouer son plein effet. La profession dans son ensemble doit donc être vigilante à ne pas laisser certains jouer avec le feu. Sur ce point, et même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, les préconisations du rapport Langreney sont plutôt vertueuses.
Lesquelles ?
La mise en place d’une cartographie des zones à risques par péril est une bonne idée. Avant d’entrer dans l’intimité des parts de marché des uns et des autres, ce qui n’est pas forcément du goût de tout le monde, soyons d’abord tous bien au clair avec des cartographies des risques communes et partagées entre les assureurs, la CCR et l’État. Ce serait déjà un pas énorme.