« Le levier du financement des entreprises de la BITD apparaît comme prioritaire » : voici le leitmotiv d’Éric Lombard, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Ce matin, à Bercy, assureurs et banquiers étaient conviés pour évoquer les principales mesures à mettre en place afin de soutenir le financement de la défense.
La France cherche à se réarmer et à augmenter son effort de défense, le président Emmanuel Macron ayant récemment fixé un objectif de dépenses militaires représentant 3 à 3,5 % du PIB, contre 2 % actuellement. « Il existe d’ores et déjà un engagement financier significatif au soutien de notre industrie de défense, notamment de la part des investisseurs privés. Ainsi, les banques françaises mobilisent 37 Md€ de financements et les assureurs déploient plus de 20 Md€ en dette et en fonds propres. Mais face à un besoin croissant, nous devons faire plus et mieux », souligne Bercy.
Le label ISR s’engage pour la défense
« L’investissement dans le secteur de la défense est un investissement responsable, d’autant plus qu’il protège notre souveraineté et les principes que nous défendons. Nous avons suivi un raisonnement similaire avec le label investissement socialement responsable (ISR), ainsi qu’avec l’ESMA, l’Autorité européenne des marchés financiers, qui a utilement clarifié sa doctrine sur ce point », explique le ministre Éric Lombard à propos de la labélisation des investissements responsables à l’échelle de l’UE.
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Revu fin 2023, le label ISR n’interdit pas le financement de la défense, à l’exception des armements dits « controversés » (armes chimiques, biologiques et mines antipersonnel), conformément aux conventions internationales. À noter que 940 fonds sont labellisés ISR. En décembre 2024, l’ESMA a également précisé la définition des armes « controversées » afin d’en restreindre l’interprétation.
« J’invite donc les investisseurs privés à suivre cette logique et à s’affranchir d’une frilosité injustifiée. Cela doit nous permettre de libérer le financement de notre appareil de défense », insiste-t-il.
Privé et public en ordre de bataille
Dans un contexte d’augmentation des commandes d’armement par l’État – la loi de programmation militaire prévoit une hausse des carnets de commandes de 3 Md€ dès cette année et de 17,5 Md€ d’ici 2030 – les entreprises de défense auront besoin de 1 à 3 Md€ de fonds propres supplémentaires sur les cinq prochaines années.
« Notre pays dispose d’atouts majeurs, à commencer par sa Base industrielle et technologique de défense (BITD), qui alimente un modèle d’armée complet et performant. Cet écosystème stratégique rassemble neuf grands groupes français d’envergure mondiale, ainsi qu’un vaste réseau de sous-traitants et de fournisseurs : 4 500 entreprises de taille intermédiaire, PME et start-up, représentant 220 000 emplois directs et indirects », précise Éric Lombard.
Les investisseurs publics mobiliseront près de 1,7 Md€ de capital, qui, grâce au co-investissement des acteurs privés, permettront d’injecter jusqu’à 5 Md€ de fonds propres additionnels dans la BITD.
Les citoyens en première ligne
Le ministre propose également d’orienter l’épargne des Français vers l’industrie de défense. « Je pense notamment aux contrats d’assurance vie, aux plans d’épargne-retraite (PER), aux plans d’épargne en actions (PEA) et aux plans d’épargne salariale, qui bénéficient tous d’un cadre fiscal avantageux. Ces supports, particulièrement adaptés à l’investissement en fonds propres, peuvent accueillir de nouvelles opportunités dans la défense », argumente-t-il.
Bpifrance lancera également un fonds retail spécialisé dans les industries de défense et de souveraineté, doté de 450 M€. Accessible dès 500 €, il permettra aux épargnants particuliers d’investir dans des entreprises non-cotées du secteur, directement ou via leur assurance vie. Ce fonds, baptisé « Bpifrance Défense », s’inscrit dans la gamme « Bpifrance entreprises » et vise à renforcer les fonds propres des entreprises de la BITD.
La loi Industrie verte en renfort
Le financement de la BITD par l’épargne (assurance vie et PER) devrait aussi être dynamisé grâce à la loi relative à l’Industrie verte, qui se déploiera tout au long de 2025 et vise à mobiliser l’épargne des Français vers des actifs non-cotés, y compris dans la défense. « Le flux attendu d’épargne fléchée dans l’ensemble du non-coté devrait atteindre 1 à 2 Md€ par an dès les premières années du déploiement de la loi », indique Bercy.
Pour consolider les liens entre le secteur financier et l’industrie de défense, un dialogue de Place va être lancé entre représentants des institutions financières et les industriels de la défense. Cette instance, coprésidée par Philippe Brassac (directeur général du Crédit agricole) et Hervé Guillou (ancien PDG de Naval Group) aura pour mission de garantir un échange régulier entre les deux secteurs, créer des groupes de travail pour adapter les doctrines d’investissement, et renforcer le financement en fonds propres.
D’ores et déjà, Allianz France investit dans le Fonds innovation défense (FID) initié par Bpifrance. D'une taille originelle de 200 M€, il s'élèvera à 275 M€. « Notre investissement vient compléter cet engagement. Cette initiative illustre notre volonté de favoriser la coopération entre les secteurs public et privé, soutenir l’innovation duale (civile et militaire), contribuer au développement d’une société plus résiliente, en tant qu’entreprise mais aussi en tant que communauté de citoyens engagés dans les défis de leur temps », déclare Nicolas Boulet, membre du comité exécutif et directeur des investissements d’Allianz France.