Le directeur général du Comité d’études et de services des assureurs maritimes et transports (Cesam), Pascal Dubois, dresse le bilan de la 16e édition du rendez-vous Paris Mat qui a accueilli l’écosystème de l’assurance maritime et transport à la Maison de la chimie à Paris fin juin. Avec le risque géopolitique en fil rouge, les tables rondes ont abordé des thématiques aussi riches que les câbles sous-marins, l’assurance spatiale et la place du nucléaire dans le «shipping». La baisse tendancielle du niveau de formation inquiète le directeur général du Cesam.
Quel est le bilan de l’édition 2025 du rendez-vous Paris Mat ?
La 16e édition du rendez-vous Paris Mat a battu tous les records de fréquentation, avec près de 1100 participants les 23 et 24 juin. Lorsque j’ai pris mes fonctions à la direction générale du Cesam en 2020, Paris Mat réunissait moins de 600 participants. C’est exceptionnel pour un événement français qui accueille désormais 20 % de visiteurs européens et non européens, en provenance de Belgique, Grande-Bretagne (le marché des Lloyd’s), d’Afrique centrale et de l’Ouest, Maghreb, Inde, États-Unis et Chine. L’objectif est d’être visible auprès des autorités administratives, réglementaires et politiques.
Concrètement, quelle philosophie a présidé à l’organisation des différentes thématiques ?
Nous avons eu le nez creux en mettant en avant le risque géopolitique cette année. Le rendez-vous Paris Mat donne une véritable respiration au secteur avec des thématiques liées à la décarbonation du transport maritime, l’éolien en mer, l’IA et les neurosciences appliquées au domaine maritime et aérien ou encore la place du nucléaire dans le shipping. Nous avons une vision large qui s’est retranscrite dans une table ronde sur les câbles sous-marins avec les interventions du contre-amiral Cédric Chetaille, l’expert des grands fonds marins (État-major de la Marine), et celles des entreprises Nexans et Orange Marine & Elettra. Sans compter les thématiques consacrées aux défis de l’assurance spatiale, au brouillage des fréquences, à l’évolution du marché des commodities avec un focus sur le commerce du blé au regard de l’évolution géopolitique.
En réalité, les assureurs marins et aviation sont les seuls à délivrer des garanties « risques de guerre ». Le Cesam est au premier rang, car il délivre une notation par pays et par zones à partir du Maritime Information Cooperation & Awareness Center (MICA Center), le centre d’expertise français dédié à la sûreté maritime avec l’appui d’un prestataire en intelligence économique. Compte tenu de cette notation qui évolue, les compagnies d’assurance décident ou non d’accorder des conditions plus ou moins larges à des taux plus ou moins élevés. À l’ouverture de Paris Mat, nous avons été confrontés à la problématique Iran- Israël- détroit d’Ormuz que nous avons traité dès le 23 juin. En tant que directeur général du Cesam, j’ai la responsabilité de cette notation mise à la disposition du marché ; j’ai choisi de l’exercer avec Frédéric Bécard, le président de la cellule de crise « risque de guerre » au sein du Comité maritime aviation et transport (Comat), François-Xavier Piedfort (Helvetia assurances France), Jean-Paul Thomas (France assureurs), et Eric Tichet (Axa France). Nous avons planché et décidé de réévaluer la zone golfe Persique/détroit d’Ormuz, laquelle est passée d’une notation 6 à une notation 7. Notre problématique fondamentale consiste à donner des solutions à nos clients et à nos courtiers parce que le risque géopolitique ne fait que s’accroître.
Dans ce contexte, qu’en est-il de la formation et du recrutement pour votre secteur ?
J’exerce des fonctions dans le secteur de l’assurance depuis quarante ans et j’ai toujours entendu dire que le niveau de formation baissait. À l’international, j’entends un discours similaire chez mes collègues américains, sud-africains, indiens et hong-kongais. Le niveau de formation et d’expertise baisse alors que le monde se complexifie de plus en plus. C’est la raison pour laquelle le Cesam est devenu fin 2020 un organisme de formation certifié Qualiopi afin de relier plus étroitement le monde académique et le monde professionnel. C’est une entreprise qui reste compliquée. D’un côté, nous avons des difficultés à recruter des jeunes et des étudiants bien formés ; de l’autre nous avons des universités et des écoles qui recherchent des stages et des alternances. Seul bémol, ce monde ne communique pas en raison d’un fonctionnement en silos. C’est un mal général qui n’est pas propre à la France. Sans compter que l’assurance est un secteur encore mal perçu. C’est la raison pour laquelle nous faisons intervenir pendant deux jours à Paris Mat des industriels, des banquiers, des traders et des assureurs pour que tout ce monde puisse se parler. Nous avons tout intérêt à travailler les uns avec les autres !