Rencontre avec Grégoire Dupont, directeur général d’Agéa, fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance

« Les agents auront à terme un problème de main-d’œuvre »

Publié le 3 septembre 2024 à 16h36

Louis Guarino    Temps de lecture 7 minutes

L’édition 2024 de l’Observatoire économique des agents généraux d’assurance est la photographie d’une branche composée de 12 500 agents généraux et 28 500 salariés. Grégoire Dupont, directeur général d’Agéa, présente les leviers RH pour attirer et fidéliser jeunes talents et profils en reconversion professionnelle dans un contexte de forte tension sur le marché de l’emploi.

Propos recueillis par Louis Guarino

Pourquoi cet état des lieux précis des ressources humaines au sein de votre branche ?

Le modèle est hybride. Les agents généraux ont un profil d’entrepreneurs individuels (64 %), EIRL (18 %), SARL (12 %), et EURL (6 %). Ils ont fait le choix de l’indépendance du fait de leur qualité de chef d’entreprise et d’un sort commun avec une compagnie d’assurance via une convention d’exclusivité. L’agent général est aussi un métier de deuxième vie professionnelle exercé à partir de 35-40 ans. Il y a deux sous-familles chez les agents généraux. Les agents d’assurances de personnes (prévoyance, retraite, santé, épargne) ont une structure de charges très faibles. Les agents dit toutes branches rachètent le portefeuille de l’agent général précédent. La moyenne du volume d’affaires des agences est estimée à 300 000 € de commissionnement en 2024.

Quels sont les enseignements que l’observatoire 2024 met en évidence ?

La profession évolue, elle se renouvelle chaque année. On observe un développement numérique plus important chez les agents d’assurances de personnes. La taille moyenne des agents dommages augmente. L’activité majoritaire est celle du dommage, à hauteur de 66 % des commissions totales des agents généraux. Le reliquat des commissions des agents généraux se répartit entre l’assurance vie (16 %), la santé et prévoyance (14 %) et le courtage (4 %). Les sous-jacents économiques en assurance dommages poussent à l’augmentation des primes (enjeux climatiques, effets différés de l’inflation). En matière d’épargne, les sous-jacents économiques sont également intéressants pour notre secteur avec le vieillissement de la population et le taux d’épargne qui a tendance à augmenter en période d’incertitude.

La branche est en plein emploi mais traverse une pénurie de compétences. Quelles en sont les causes ?

On retrouve deux grands acteurs en concurrence des agents généraux : la bancassurance et les compagnies d’assurance dans les zones où elles sont bien installées. La ville de Niort concentre par exemple un grand nombre de mutuelles. Les agences recrutent majoritairement en CDI (77 % des contrats). L’alternance représente 17 % des contrats. Les CDD (6 %) sont utilisés pour faire face à des besoins temporaires et compenser les congés maternité.

Quels sont les atouts RH de la profession ?

Il faut insister sur le fait que l’emploi salarié dans les agences générales est un emploi territorial et de proximité. L’autre atout : le décisionnaire est l’agent général, un manager de proximité puisqu’il est dans le même bureau. Le salarié profite de la proximité de la TPE et des micro-ajustements du quotidien. Les agences générales investissent massivement sur les jeunes. Une agence sur 4 a un alternant (BTS, licence professionnelle, master). Nous avons aussi développé les mécanismes de reconversion professionnelle. Par exemple, un agent général à Mâcon a recruté une collaboratrice qui travaillait chez Maisons du monde avec un profil relation client. En conséquence, la fédération investit sur des formations à la technique assurantielle pour les personnes en reconversion. La crise dans le commerce du textile-habillement est un vivier pour recruter dans le cadre des reconversions professionnelles.

Pourquoi le financement de la formation est-il une carte maîtresse de la profession ?

Agéa peut orienter les fonds de la formation pour les nouveaux entrants dans la branche. Outre l’obligation juridique des quinze heures de formation dans l’assurance ; l’agent général bénéficie d’une offre de formation gratuite de la compagnie mandante. Fait marquant, nous avons ajouté une contribution conventionnelle de 0,65 % à la contribution légale à la formation. Sur une enveloppe globale de 3 à 4 M€ consacrée à la formation, la branche décide de flécher spécifiquement certaines sommes. Par exemple, nous avons alloué 400 000 € pour former les salariés à la finance verte. Les formations sont prises en charge à 100 % si elles obéissent aux priorités de la branche ou à celles de l’organisme de collecte des fonds, Atlas. Dans la mesure où une partie des fonds de la formation est destinée aux demandeurs d’emploi, les fonds disponibles pour les salariés diminuent. C’est la raison pour laquelle Agéa a choisi de maintenir une contribution conventionnelle. Nous avons créé un MBA (Master in Business and Administration) pour les salariés qui envisagent de devenir agent général d’assurance. C’est la branche qui finance à 100 % ce MBA qui court sur quatorze mois de formation et dont le coût est de l’ordre de 8 000 €.

En quoi, les reconversions professionnelles sont-elles un facteur d’attractivité ?

Les reconversions professionnelles sont possibles car il s’agit d’emplois locaux et territoriaux. Sur le plan macroéconomique, il ne faut pas perdre de vue qu’en raison de la baisse de notre démographie, nous aurons structurellement à terme un problème de main-d’œuvre. Nous participons à des salons de l’emploi mais les retombées sont difficiles à mesurer. Je ne crois pas au grand mécano national en matière d’attractivité.

Quels sont les meilleurs leviers pour recruter et fidéliser chez les agents ?

Le meilleur recrutement, c’est le collaborateur qui reste dans la durée. La fidélisation passe par un ensemble d’enjeux autour de la rémunération et de l’alignement des intérêts du chef d’entreprise avec les intérêts du collaborateur. Depuis des années, nous aidons les agents à développer des mécanismes de primes et d’intéressement. Les métiers sont fondamentalement commerciaux. La fédération Agéa met des outils à la disposition des agents généraux comme les modèles types d’intéressement. Pour garder les collaborateurs, nous misons sur des logiques de formation et d’évolution. Par exemple, un agent général formera un collaborateur qui travaille depuis cinq ans pour le marché des particuliers en lui confiant quelques dossiers entreprises (responsabilité des mandataires sociaux, multirisques professionnels etc..). L’objectif est aussi de valoriser la possibilité de devenir agent général. On estime que 30 à 40 % des agents généraux étaient salariés précédemment.

Vous avez signé avec les organisations syndicales (CFDT, UNSA, CFE-CGC) un accord sur l’égalité professionnelle et salariale entre femmes et hommes en vigueur depuis le 1er juillet. Quelles en sont les spécificités ?

La profession est féminisée à 80 % chez les salariés. Pour les chefs d’entreprise, on compte 80 % d’hommes et 20 % de femmes. En moyenne, la différence de salaire est de 12 % entre les hommes et les femmes. L’élément d’explication serait qu’une partie des collaborateurs chargés du développement commercial qui tournent et visitent les entreprises sont majoritairement masculins avec des rémunérations plus fortes. La taille moyenne d’une agence c’est 3 à 4 salariés. Les syndicats ont souhaité que la fédération signe cet accord. Nous avons choisi de bonifier notre convention collective : maintien du salaire pendant le congé paternité. Les femmes enceintes bénéficient d’une heure de réduction de travail par jour à partir du sixième mois de grossesse. Nous avons à cœur d’avoir un vrai dialogue social. C’est la raison pour laquelle nous avons un catalogue de formations de branche qui apporte tous les outils possibles aux agents généraux et à leurs salariés.

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