Interview de la semaine

« Willis Re travaille à modéliser les effets du réchauffement climatique »

Publié le 18 juillet 2019 à 8h00

Marie-Caroline Carrère

Thierry Myara, directeur général de Willis Re France

Marie-Caroline Carrère
journaliste

Le directeur général France du courtier de réassurance revient sur les résultats de Willis Re l'an passé et sur l'actualité du marché : Hard Brexit, appels d'offres et réchauffement climatique.

Quels sont les résultats de Willis Re France ?

Nos renouvellements se font au 1er janvier. En 2019, nous avons atteint 91 % de taux de rétention, c’est une bonne année dans un environnement de marché complexe. Nous enchaînons trois renouvellements de baisse de prix malgré une sinistralité mondiale importante, notamment en événements naturels.

Ainsi, le marché a atteint un point bas record en termes de conditions tarifaires dû à une surabondance de capacités pour les Cat Nat, - 3,5 % ajustés au risque pour la zone Europe Middle East & Africa (EMEA) et - 3,2 % pour la France lors du dernier renouvellement.

Par ailleurs, la particularité de 2019 est que cette surabondance de capacités en événements naturels ne vient pas des ILS mais essentiellement des réassureurs traditionnels sur la zone Europe.

Les renouvellements du 1er avril en Asie et ceux du 1er juillet aux Etats-Unis, malgré une sinistralité très importante, n’ont connu que de faibles hausses (+ 15 % marché), alors que nous aurions pu nous attendre à des augmentations de 20-25 %. Tout cela prouve que l’appétit des réassureurs reste là, ils font preuve d’une plus grande discrimination dans leur souscription avec des augmentations ciblées.

Comment expliquez-vous que cette surabondance vienne des réassureurs traditionnels ?

Nous avons enchaîné deux années très actives en termes d’événements naturels. 2017 et 2018 ont été coûteuses avec plus de 143 Md$ en 2017, et 2018 a été la pire des trente dernières années. Cependant, le renouvellement en 2018 n’a connu que des ajustements limités à une hausse de 2,5 % ajustée au risque pour l’Europe. Si les capacités des ILS se stabilisent cette année, les réassureurs restent dans une dynamique de développement.

Selon vous, le réchauffement climatique est-il assez pris en compte dans les prévisions ?

Il n’y a pas de consensus dans les méthodes pour appréhender et pour estimer l’effet du réchauffement climatique. II est difficile de voir de quelle part des événements il est la cause.

Tous les acteurs et les réassureurs réfléchissent néanmoins à leur sensibilité au sujet et comment intégrer les conséquences à venir dans une réflexion sur le long terme. Tout le monde doit prendre sa part et y participer, donc se protéger. Mais l’échelle temps sur laquelle nous travaillons d'une façon opérationnelle en réassurance est plus courte. Nous structurons des protections qui ne couvrent pas sur trente ans mais sur un an. Le réchauffement climatique est là, il aura des effets majeurs dans les trente prochaines années, mais lesquels et à quelle ampleur ? C’est difficile à modéliser mais nous y travaillons.

La capitalisation est-elle suffisante ?

La capitalisation a atteint un niveau record. Elle est clairement en croissance mais est-elle suffisante ? C’est une réponse que l’on doit apporter au cas par cas. Si vous prenez des grands groupes, un certain nombre procède à des rachats d’actions, fondamentalement ils renvoient leur capital à leurs actionnaires. Ainsi, ils préfèrent leur rendre plutôt que le conserver pour la croissance. Cela est peut-être l’indicateur que la provision est suffisante.

Les niveaux de surplacement ont globalement augmenté. 2019 est même une année record sur nos périmètres en événements naturels. On observe des capacités records mises à disposition par les réassureurs traditionnels pour protéger les assureurs sur les événements naturels. En revanche, sur des risques plus émergents, non traditionnels avec moins de visibilité, la capacité peut manquer.

Nous avons connu une baisse des taux d’intérêts forte pour des investisseurs, les obligations d’État ont un rendement très faible par rapport à des actifs totalement diversifiants : ce n’est pas parce qu’il y a une crise économique qu’il va y avoir une tempête. Finalement, investir dans cette classe d’actifs [risques assurantiels, ILS, NDLR] est identifié comme stratégique. L’augmentation des capacités prouve que certains investisseurs y voient un intérêt sinon nous n’aurions pas connu cette croissance des ILS qui sont finalement un relais direct entre les investisseurs institutionnels et les risques assurantiels. Sur les 600 Md$ de capacités disponibles, 88 Md$ viennent des ILS en 2017 et 2018, en 2011 les ILS ne dépassaient pas 25 Md$.

La menace d’un Hard Brexit et tous les rebondissements qu’il y a eu ont-ils impacté les affaires et la souscription ?

Nous sommes toujours dedans, il y a effectivement eu quelques mouvements. Certains ont voulu prendre des orientations rapidement avant de connaître le dénouement sur le Brexit. La situation est de plus en plus compliquée à lire. Le marché de Londres est un marché extrêmement agile, souple et très rapidement l’ensemble des acteurs a mis en place des plans B, notamment en ouvrant ou en déplaçant certains sièges. Si la contrepartie n’est plus nécessairement localisée à Londres mais à Bruxelles, il n’y a pas eu de déplacement des équipes de souscription.

Du fait de cette actualité, les Lloyd’s sont sortis un peu plus tard dans la phase de renouvellements de janvier 2019. En revanche, il n’y a pas eu de retrait de la capacité venant du marché de Londres. Au contraire, il y a même eu une légère hausse de leur souscription. C’était une façon de montrer que malgré l’actualité, ils restent présents et soutiennent leurs clients.

Quelle est votre politique de réponse aux appels d’offres ?

Nous ne répondons pas à tous les appels d’offres, clairement nous faisons des choix stratégiques. Aujourd’hui, notre modèle est d’investir nos moyens sur des relations long terme. Nous répondons aux appels d’offres à condition de connaître les acteurs et de comprendre ce qu’ils recherchent. Répondre à un appel d'offres demande une mobilisation forte de la matière grise et de nos moyens sans être sûrs que nous obtiendrons le marché.

Les clients que nous avons déjà sont notre priorité, nous préférons mobiliser nos moyens pour les satisfaire et travailler la rétention. Nous voulons nous assurer que nos clients obtiennent le meilleur de nos services. Nous avons une ambition de rétention de 95 % et travaillons à avoir un équilibre entre la rétention de clients existants et des affaires nouvelles, même si nous regardons tous les dossiers quand nous sommes sollicités.

Cette stratégie est reconnue et appréciée par nos clients. Elle porte ses fruits avec des succès importants au cours du 1er semestre 2019.

Quelles sont vos ambitions 2020-2021 ?

Nous sommes sur une croissance organique avec nos clients en portefeuille. Nous enregistrons une très forte croissance en Belgique et avons lancé depuis maintenant presque un an une activité plus claire et soutenue sur la partie vie. C’est un axe important de notre développement. Nous venons de remporter deux appels d’offres au cours du 1er semestre 2019 avec des assureurs vie de premier plan et disposons d’un pipeline actif de projets sur des couvertures structurées.

Plus généralement, nous travaillons et mettons l’accent sur la protection du résultat. Nous nous devons d’être créatifs avec des couvertures de plus en plus holistiques et complexes.

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