La Smacl, leader de l’assurance des collectivités territoriales, sort considérablement « fragilisée » par le coût des violences urbaines de cet été. Soutenue par Maif, son actionnaire principal, la mutuelle niortaise présente la facture des dégâts et les leviers actionnés pour tenter d’y faire face.
« Les franchises vont fortement augmenter, car le risque d’émeute est de plus en plus fréquent », a affirmé Patrick Blanchard, DG de Smacl assurances, lors d’une visioconférence de présentation du bilan des récentes émeutes qui ont secoué le pays en juin et juillet derniers. Avec un total de 600 déclarations de sinistres dont la moitié en Île-de-France, le coût total des dommages assurés s’élève à 65 M€ pour l’assureur des collectivités : 63 M€ pour les seuls dommages aux biens et seulement 1,5 M€ pour les dommages aux véhicules.
À chaud, la Smacl avait estimé le coût des dommages à sa charge à 100 M€. « Les dégâts ont finalement davantage été supportés par les enseignes commerciales, ce qui a contredit nos estimations basées sur les premiers jours des émeutes », a déclaré Élodie Alleau, directrice indemnisation de Smacl. L’assureur devrait pouvoir céder 20 M€ de la charge totale à ses réassureurs, ce qui réduit d’autant la note finale pour la cédante.
Résilier les contrats ou durcir les conditions ?
« Nous n’avons pas résilié de contrats, mais nous sommes contraints de revoir nos conditions, notamment en relevant les franchises », affirme la directrice indemnisation. À la suite des émeutes, certaines collectivités locales ont été confrontées à des problématiques d'assurance, comme en témoigne la réaction publique sur les réseaux sociaux de la maire du Petit-Quevilly après avoir été résiliée par un assureur concurrent de la Smacl.
Cet épisode met en lumière les problèmes persistants qui sévissent sur un marché de plus en plus dépourvu de concurrence, affecté tant par les aléas climatiques que par les mouvements populaires qui se sont multipliés ces dernières années. « Des avenants portant sur de nouvelles conditions de garantie de dommages aux biens ont déjà été transmis aux collectivités concernées, et d’ici 2024, l’ensemble du portefeuille aura les mêmes conditions sur le volet des émeutes », ajoute-t-elle.
Sans surprise, les collectivités les plus impactées sont celles de plus de 100 000 habitants. « Le plus gros dossier s’élève à 6,6 M€. Dans le top 10, nous retrouvons des dossiers avec des coûts entre 2 et 7 M€ », s’alarme Élodie Alleau. Déjà dans le rouge, la Smacl a budgété un déficit de 20 M€ pour 2023 avant même les émeutes.
La Maif en dernier ressort
Avec un ratio de solvabilité se situant en deçà de sa cible de 130 %, la Smacl a engagé une étroite collaboration avec ses actionnaires (Maif, Vyv et la Mutuelle Smacl assurances « SAM ») pour mettre en place les mesures concrètes à même de garantir sa pérennité. La première de ces mesures consiste en la souscription, dès la fin de ce mois-ci, d’une dette subordonnée de 56 M€ par ses actionnaires. Toutefois, cette solution s’avère insuffisante et devra être suivie d’une augmentation de capital, dont le montant est estimé entre 45 et 65 M€, principalement apportée par la Maif, ce qui portera sa participation à 90 %. « C’est finalement conforme au coût des émeutes. C’est la traduction de l’engagement de la Maif à secourir la Smacl en cas de choc exceptionnel », pointe Patrick Blanchard.
Par ailleurs, d’autres emprunts sont en cours d’étude. Au niveau de son plan de redressement, la Smacl a adopté une stratégie qui n’impacte pas son personnel et qui se limite à ne pas remplacer les départs, lesquels s’élèvent à 60 cette année, sur un total de 800 employés.
Photo : supermarché de la chaîne Biocoop à Brest (France), après les émeutes de 2023 suite à la mort de Nahel Merzouk. Roquex, Creative Commons, Wikimedia.