interview de la semaine

« Un assureur n’a pas vocation à être un prestataire de services »

Publié le 3 mai 2018 à 8h00

thierry gouby

Nicolas Gomart, directeur général du groupe Matmut

thierry gouby
chef de rubrique

Au sortir d’une bonne année 2017 et alors qu’il est engagé dans plusieurs chantiers stratégiques, le groupe Matmut maintient son cap. Nicolas Gomart, son directeur général, fait le point sur les sujets de la mutuelle d’assurance (retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le n° 235, mai 2018, de La Tribune de l'assurance).

Que vous inspire l’ensemble des rapprochements en cours ?

J’ai le sentiment que d’ici dix ans, les enjeux ne seront plus les mêmes. Le modèle de l’agilité et de la taille réduite aura ses limites. La Matmut n’était pas contrainte de se rapprocher d’autres acteurs, du fait de sa rentabilité et de ses fondamentaux financiers solides. En revanche, qu’en aurait-il été dans dix ans ? Nul ne le sait.

Les stratégies de rapprochement ont donc un sens et peuvent selon moi se faire de deux façons : soit en regroupant des business similaires – à l’image de ce qu’a fait Covéa pour bénéficier d’un effet de taille – soit en regroupant des activités complémentaires sur des métiers et des segments de clientèle différents : c’est le choix que nous avons fait avec AG2R La Mondiale.

Redoutez-vous un effet retard de la généralisation de la complémentaire santé ?

Selon moi, l’ANI a eu plus d’impact sur les rapprochements entre structures que sur le marché lui-même. Une bonne partie des entreprises était déjà équipée en collective et des populations importantes, comme les seniors, restent en dehors du dispositif.

En conséquence, l’impact de l’ANI restera modéré, comme celui de la loi Hamon. A ce sujet, nous enregistrons sur 2017 un taux global de résiliations en baisse, autour de 8 %, au sein duquel les départs directement liés à la loi Hamon sont en légère diminution, à environ 10 %. Au total, cette loi a même eu un effet positif en étalant tout au long de l’année la charge de gestion des résiliations, qui auparavant se concentrait autour du 1er janvier et du 1er avril.

Avez-vous été impactés par les catastrophes naturelles de 2017 ?

Nous n’avons pas été impactés par les ouragans Irma et Maria car nous ne sommes quasiment pas actifs dans les Caraïbes. En revanche, nous avons été impactés en MRH par les sécheresses de 2016, que nous avions pourtant provisionnées mais qui se sont avérées plus coûteuses que prévu lors de la publication des arrêtés Cat Nat. Nous avons également enregistré des sécheresses en 2017 mais nous ne savons pas encore quels seront leurs coûts. Nous les avons estimées à un niveau presque équivalent à celles de l’exercice précédent. Globalement, ces événements, couplés à quelques tempêtes, seront équivalents à ce que nous avons subi lors des inondations de juin 2016, soit une charge nette de près de 35 M€.

Sur la partie MRH, nous avons malgré tout réussi à faire baisser d’un point notre ratio technique, qui s’établit assez nettement sous la barre des 100 %. Hors sécheresse, cette baisse aurait été de 5 points. Sur la partie auto en revanche, notre ratio combiné reste légèrement supérieur à 100 %.

Où en êtes-vous de l’activité d’assurance entreprises avec Macif (Inter mutuelles entreprises) ?

Le risque d’entreprises est une activité qui fonctionne bien. Inter mutuelles entreprises enregistre pour 2017 un chiffre d’affaires encore modeste de 62,5 M€ pour 74 500 clients et 110 000 contrats. Au sein de la structure conjointe où Macif dispose de 40 % de capital et Matmut 60 %, l’apport d’affaires nouvelles correspond à cette répartition.

Notre activité entreprise fait également sens dans notre volonté de rapprochement avec AG2R La Mondiale, qui compte aujourd’hui en portefeuille 500 000 entreprises clientes. Parmi les synergies de distribution avec le groupe AG2R La Mondiale, les entreprises figurent en bonne place, notamment avec l’assurance des flottes auto.

Quid de l’assurance emprunteur et de l’intégration de Mutlog ?

Je ne sous-estime absolument pas la capacité des banquiers à s’adapter au nouveau contexte de marché. Toutefois, l’assurance emprunteur diffère sensiblement de l’assurance auto ou MRH, hyper compétitive et sans rente de situation.

Malgré une baisse ces dernières années, les marges restent élevées en assurance emprunteur et les différences de tarification à garanties équivalentes sont encore significatives. Les banquiers vont s’ajuster et cela aura un impact tarifaire. Je suis heureux de cette décision et je souhaite qu’elle puisse rééquilibrer le marché, sans quasi-monopole.

Pour l’heure, nous sommes un acteur modeste sur ce créneau. Grace à l’entrée de Mutlog au sein de notre Sgam, nous allons progresser. Sur ce point, AG2R La Mondiale, qui n’a pas d’offre en interne, est intéressé par ce type de produit et nous en discutons.

Le maillage territorial du groupe est-il bien dimensionné ? A-t-il vocation à évoluer ?

Nous comptons aujourd’hui un peu plus de 500 agences en France. Nous avons récemment fait une étude pour évaluer la pertinence de notre implantation sur les zones de chalandise de tout le territoire et nous sommes globalement bien positionnés.

La Matmut n’est pas dans une logique de réduction du nombre d’agences. Même si nous sommes dans un schéma qui peut prévoir quelques regroupements, nous positionnons clairement l’agence comme pivot de la relation avec nos sociétaires.

J’observe que malgré une baisse de fréquentation des agences, beaucoup de sociétaires privilégient encore la relation en face à face, y compris chez les plus jeunes. Le contact physique reste nécessaire dans nos métiers, et ce en parallèle de la digitalisation des parcours.

Y a-t-il de nouvelles offres ou de nouveaux produits dans les cartons pour 2018 ?

Nous venons de signer un accord de partenariat avec Michelin sur un dispositif de télématique embarquée en automobile. Nous avons attendu le bon partenaire pour nous lancer. Actuellement, nous testons et analysons le comportement de conduite d’un petit nombre de sociétaires avec, de façon ludique, une incitation forfaitaire sur leur cotisation, avant de généraliser cette offre de télématique embarquée via un boîtier branché sur la prise OBD.

A terme, nous évoluerons sur des boîtiers installés sur le pare-brise dotés de cellules photovoltaïques. Il s’agit pour le moment d’une phase exploratoire pour laquelle nous nous entourons de la compétence d’un acteur reconnu.

En parallèle de cette expérimentation et après avoir lancé en fin d’année notre nouvelle offre habitation qui fonctionne bien commercialement, nous lancerons en fin d’année 2018 une nouvelle offre auto avec des garanties qui couvrent toutes les nouvelles formes de mobilité (covoiturage, prêt de véhicule, location, etc.).

Je suis convaincu qu’un assureur doit se concentrer sur le produit. J’observe que les consommateurs ne sont pas forcément sensibles à tous les services annexes qui leur sont proposés, si tant est qu’ils soient au courant que ces services existent.

Il faut évidemment proposer du service mais un assureur n’a pas vocation à être un prestataire de services. Nous devons rester un assureur. Face à cette surenchère, je pense que nous devons travailler intelligemment sur le produit d’assurance.

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