Interview de la semaine

« Si les assureurs ne se saisissent pas de la santé connectée et de la data science, ce sont les Gafa qui le feront »

Publié le 8 juin 2017 à 8h00

Stéphane Tufféry

Pierre Arnal, directeur général d'Actuaris

Stéphane Tufféry
Rédacteur en chef

Au lendemain du lancement de la chaire Prévent'Horizon, retour avec Pierre Arnal, directeur général d'Actuaris, sur les enjeux et les objectifs des assureurs santé-prévoyance en matière de prévention.

Pourquoi initier une chaire autour de la prévention santé ?

Le rôle des assureurs santé en matière de prévention est on ne peut plus légitime. Le vieux débat entre médecine préventive et médecine curative est plus que jamais d’actualité. Les effets de la prévention sont énormes sur une multitude de maladies et ils sont mesurables.

Plutôt que de continuer de faire du curatif en payant des prestations, nombre d’assureurs santé-prévoyance ont pris conscience ces dernières années que leur intérêt était aussi de faire du préventif. Les initiatives se multiplient en la matière mais le modèle économique n’est pas évident à déterminer.

C’est-à-dire ?

Contrairement à l’Assurance maladie qui perçoit quasi immédiatement les économies générées sur les dépenses de santé par la prévention, le retour sur investissement se mesure moins facilement pour des agents économiques privés.

C’est l’un des objets principaux de la chaire Prevent’Horizon qu’Actuaris initie et cofinance avec huit acteurs du monde de l’assurance, tous déjà bien avancés dans le domaine de la prévention.

Pourquoi cet engouement pour la prévention qui pourrait in fine annihiler le risque, donc la matière première des assureurs ?

La prévention ne prétend pas annuler le risque mais le diminuer. Il est évident que derrière toutes ces initiatives des assureurs il y a des enjeux commerciaux, de marketing, de positionnement et de tarification des offres de prévention.

N’y a-t-il pas aussi des enjeux stratégiques ?

Si, évidemment, il y a un enjeu stratégique fort pour les assureurs santé prévoyance. La santé est à la croisée des révolutions sociétales et technologiques actuelles. Data science et Internet des objets s’appliquent en priorité au domaine de la santé et de sa prévention.

Dès lors, les assureurs ont l’occasion avec la prévention d’intervenir tout au long de la vie de l’assuré. Pour les assureurs, désireux de préserver leur place dans la chaîne de valeur et soucieux de ne pas être le seul maillon d’un continuum de services conduit par d’autres opérateurs, se positionner sur la prévention santé-prévoyance est une solution. Ainsi, se placer le plus en amont possible du remboursement d’un acte médical est un enjeu de taille, tout comme les capacités d’analyse de tous les effets induits par ces campagnes de prévention. Tout le monde a bien compris dans l’industrie que si les acteurs de la protection sociale complémentaire ne se saisissent pas de la santé connectée et de la data science, ce sont les Gafa qui le feront à leur place.

En quoi les assureurs sont-ils légitimes à investir ce domaine de la prévention ?

En tant qu’assureurs complémentaires, ils disposent de l’expérience et d’une grande légitimité à conseiller ou orienter les assurés. A l’heure actuelle, tout un chacun lance son application santé, et il y en a désormais plusieurs milliers. Dans cette jungle des applis santé, l’assureur est légitime à orienter et aider l’assuré à faire le choix qui lui correspond. Les exemples sont très nombreux.

Quels seront les travaux de Prevent’Horizon ?

Sous l’égide de l’université Lyon 1, les co-porteurs de la chaire, Jean-Louis Rullière et Anne-Marie Schott, vont s’attacher à établir les bases scientifiques et économiques d’un modèle de prévention au sein de l’assurance.

Cela implique un grand nombre de disciplines différentes, certaines bien maîtrisées par les assureurs ou par Actuaris, initiateur de la chaire, d’autres plus académiques sont l’apanage des laboratoires SAF et Hesper associés à la chaire.

In fine, cette multidisciplinarité et l’interopérabilité des acteurs devraient déboucher sur des résultats concrets.

Et Actuaris dans tout cela ?

Notre cabinet est déjà partie prenante de plusieurs chaires et notamment de la chaire PARI co-portée par Sylvestre Frezal. Nous en connaissons les effets bénéfiques pour tous les acteurs qui s’y associent et pour Actuaris.

En outre, la prévention est un levier de développement pour l’industrie de l’assurance, identifié comme tel par les assureurs qui sont nos clients ; il s’agit donc d’un pan entier d’activité nouvelle pour nous également. La composante actuarielle sur ce champ de la prévention est immense : pour aider à la mitigation des risques, à la tarification des offres, à leur inclusion comme à leur gratuité pour favoriser la fidélisation ou le multi-équipement, à la différenciation, à l’anticipation de nouveaux champs ou besoins d’assurance…

Notre objectif est de consacrer beaucoup de moyens deR&Dà la prévention dès maintenant pour à terme disposer d’une longueur d’avance sur nos concurrents.

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