Interview de la semaine

« Scor est un acteur historique de la réassurance alternative »

Publié le 28 novembre 2019 à 8h00

Marie-Caroline Carrère

 Denis Kessler, president-directeur général du réassureur Scor

Marie-Caroline Carrère
journaliste

Le dirigeant revient sur le nouveau plan stratégique « Quantum Leap », IFRS 17, le marché des ILS et les stratégies cyber et assurance directe (retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le numéro de décembre de La Tribune de l'assurance).

Vous avez présenté votre nouveau plan stratégique 2019-2021 en septembre. Quels sont les principaux objectifs que vous fixez à Scor ?

Notre nouveau plan stratégique, « Quantum Leap », est le septième que Scor met en œuvre depuis 2002. Il a pour seul objectif la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes de Scor – ses actionnaires, ses clients, ses collaborateurs – et pour la société dans son ensemble. Le plan « Quantum Leap » s’appuie sur un objectif de rentabilité et de solvabilité qui revêtent une égale importance : un rendement des capitaux propres élevé, au-delà de 800 points de base au-dessus du taux sans risque à cinq ans au cours du cycle ; un ratio de solvabilité optimal, compris entre 185 % et 220 % du capital requis (« SCR ») calculé par notre modèle interne.

Vous annoncez les mêmes objectifs financiers que lors de votre précédent plan stratégique, dans un contexte de taux bas n’est-ce pas ambitieux ?

Vous avez raison de souligner que ces objectifs sont devenus plus ambitieux – en termes relatifs – dans le contexte économique et financier actuel, compte tenu notamment du niveau historiquement bas des taux d’intérêt qui ont sensiblement décru au cours des derniers mois.

La mise en place d’IFRS 17 coûtera cher. Est-ce que c’est un investissement qui vaut le coup ?

Le passage à IFRS 17 requiert des investissements très importants, sans doute supérieurs à ceux effectués dans le cadre du passage à Solvabilité II. Cela soulève donc la question du « level playing field » entre les sociétés soumises à la norme IFRS et les sociétés – notamment outre-Atlantique – qui ne seront pas soumises à une telle exigence. Cela étant dit, je maintiens que l’adoption d’un cadre comptable valorisant davantage la valeur économique et, partant, convergeant vers l’approche réglementaire de Solvabilité II, est bienvenue pour le secteur. L’assurance et la réassurance sont des activités à développement long, pour lesquelles l’approche économique, qui valorise les « stocks », est plus pertinente que l’approche IFRS 4 actuelle, qui quant à elle s’intéresse essentiellement aux « flux » de l’exercice comptable considéré. Pour un groupe ayant une activité importante de réassurance vie comme Scor, ce changement devrait être très positif, car la valeur accumulée dans le bilan du groupe devrait être bien mieux reconnue. IFRS 17 devrait donner une vision à la fois plus précise et plus dynamique de la valeur des sociétés de (ré)assurance.

Vous faites de l’assurance directe. Quel est votre positionnement sur cette stratégie d’associer assurance et réassurance ?

Que les choses soient claires : nous ne faisons pas de B2C, nous n’avons donc pas de clients particuliers et n’avons pas l’ambition d’en avoir. Nous opérons exclusivement en B2B : en réassurance, en assurance directe des risques industriels et grands risques d’entreprises et – dans une moindre mesure – sur des niches très spécialisées d’assurance de risques commerciaux plus petits. Notre activité d’assurance directe nous permet d’avoir une plus grande connaissance et capacité d’analyse des risques complexes, dont bénéficient également les clients de notre activité de réassurance à travers une gamme de produits plus large et des services à forte valeur ajoutée. A l’instar du marché de la réassurance, le marché de l’assurance directe des grands risques d’entreprises est consortial, car il requiert des capacités importantes. Les clients souhaitent diversifier leur panel d’apporteurs de capacités. La capacité que nous offrons pour ces grands risques est complémentaire à celle des grands assureurs commerciaux.

Le mouvement de correction tarifaire que connaît le marché est-il suffisant ? Les prix doivent-il continuer d’augmenter et jusqu’à quelle hauteur ?

Le cycle de réassurance dommages montre des signes de redressement, mais nous considérons qu’après plusieurs années de baisse consécutives, les tarifs observés sur certains marchés ne sont pas satisfaisants, et ce d’autant plus que le coût de nombreux risques est en augmentation. Je pense notamment aux catastrophes naturelles mais également à certaines lignes d’affaires en (ré)assurance de responsabilité – en particulier dans certains marchés tels que les Etats-Unis – qui sont touchées par une forte inflation. Le marché actuel requiert donc une souscription rigoureuse et disciplinée afin de sélectionner les risques qui satisfont les objectifs de rentabilité et de solvabilité que nous nous sommes fixés.

Le marché des ILS semble avoir freiné sur les capacités cette année. Comment intégrez-vous la réassurance alternative dans votre business model ?

Scor est un acteur historique reconnu en matière de réassurance alternative. Le groupe intervient sur le marché des ILS par trois angles différents. D’une part, Scor recourt aux Cat Bonds pour son programme de rétrocession, dans le cadre de sa politique de protection du capital. L’émission de la première obligation catastrophe Atlas a eu lieu en 2000. Au cours des dix-neuf dernières années, Scor a émis au total treize Cat Bonds et un « mortality bond ». Les Cat Bonds Atlas en vigueur protégeant actuellement le groupe ont une capacité combinée de 850 M$. D’autre part, Scor investit dans les ILS pour son compte propre et pour compte de tiers depuis 2011, date de lancement de son fonds Atropos. L’acquisition par Scor de Coriolis Capital – société de gestion spécialisée dans le domaine des ILS – annoncée en mai 2019, permet au groupe d’accélérer son développement et d’étendre ses capacités sur le marché des ILS pour atteindre un montant agrégé de 2,1 Md$ d’actifs sous gestion. Enfin, Scor opère en tant que « structureur » d’instruments ILS pour compte de tiers.

Quel travail faites-vous sur les couvertures silencieuses en cyber ? Comment accompagnez-vous les assureurs ?

Inexistants il y a seulement un quart de siècle, les risques cyber sont en forte croissance du fait de la hausse de la valeur des actifs intangibles et de l’augmentation du nombre des appareils connectés. Ils ne sont pas circonscrits dans le temps et dans l'espace, et revêtent un caractère sériel. Cela explique la demande croissante de protection contre ces risques. En matière d’identification des risques cyber dans les contrats de (ré)assurance, les choses semblent évoluer dans le bon sens. La tendance – initiée par les leaders du marché qui souhaitent légitimement mieux contrôler leurs expositions – consiste à isoler la couverture des risques cyber dans des contrats spécifiques. Je vois là un développement bienvenu pour que l’offre afférente de (ré)assurance se développe. Il y a également un gros travail en cours pour élaborer une taxonomie précise des risques cyber et améliorer leur compréhension et leur quantification, autres conditions sine qua non pour améliorer l’assurabilité de ces risques. Scor développe ses outils de modélisation pour affiner en permanence sa connaissance des risques cyber. Un des rôles des réassureurs est de partager avec leurs clients assureurs leur connaissance et leur expertise de gestion des risques lato sensu. En matière de risques cyber, nous leur offrons donc des capacités d’analyse et des services dédiés pour les aider à mieux mesurer et mieux gérer ces risques.

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