Le règlement européen PRIIPs poursuit l’objectif d’améliorer la lisibilité et d’accroître l’information précontractuelle délivrée aux épargnants. Trois ans après son entrée en vigueur, les associations d’épargnants dressent un bilan pour le moins mitigé, en dépit des ajustements préconisés par l’EIOPA.
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« Le problème c’est le texte lui-même, il n’y a pas plus mauvais dans la législation européenne. » Prononcée par Jean Berthon, président de l’association pour la retraite et l’épargne Gaipare, la phrase sonne comme un constat d’échec pour le règlement PRIIPs, en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Dans un contexte où les produits financiers deviennent de plus en plus complexes, les associations d’épargnants soulignent inlassablement la nécessité d’apporter davantage de lisibilité. Ces requêtes ont été entendues (du moins sur la forme), puisque l’Union européenne s’est dotée d’une réglementation (PRIIPs) qui met en place un document d’informations clé (DIC) pour tous les épargnants qui investissent dans des produits dont la performance dépend, directement ou indirectement, des fluctuations des marchés. Les contrats d’assurance vie en unité de compte sont donc concernés.
Délivré à l’investisseur avant toute souscription, le DIC présente les risques et les rendements attendus du produit, ainsi que les frais qui y sont liés, et ce dans un format de trois pages maximum. Pour les produits offrant une série d’options d’investissement (typiquement l’assurance vie multisupport), le règlement précise la production simultanée d’un document d’information spécifique (DIS) pour chaque option d’investissement. Au final, l’épargnant reçoit bien pléthore d’informations mais sa qualité de profane n’est pas de nature à faciliter leur lisibilité.
Outre la problématique de la quantité de documents, les associations d’épargnants pointent leur contenu. En effet, sur le volet rendement potentiel, le règlement européen préconise des méthodes de calcul réparties selon quatre scénarios de performance : les produits dont la perte peut être supérieure au capital investi, les produits qui offrent une exposition avec ou sans effet de levier, et enfin des produits dont la valeur dépend en partie de facteurs non observés sur les marchés financiers. Pour le moins abscons et pas à la portée du premier épargnant venu, comme le confirme Guillaume Prache, président de la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite Faider : « Les assurés ne sont pas des experts. Il nous faut des documents qui soient clairs et courts. L’idée d’un document d’information clé, de maximum trois pages, est excellente, encore faut-il qu’il soit clair. Les informations clés que nous voulons retrouver dans le DIC c’est la performance réelle, les risques, les garanties et les frais réels. »
A ce titre, Guillaume Prache préconise que les performances du produit sur les dix dernières années soient communiquées aux épargnants : « On voudrait disposer des performances réelles du produit sur les dix dernières années ainsi que celles de son indicateur de référence, plutôt que des performances futures, et calculées selon un seul des quatre scénarios. » Sur ce point, celui qui est également directeur général de Better Finance (Fédération européenne des investisseurs et des utilisateurs de services financiers) est rejoint par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) qui, dans sa dernière recommandation de 2020, préconisait d’intégrer les informations relatives aux performances passées, nettes de frais, avec un historique sur les dix dernières années. Pour le CCSF, même si « elles ne préjugent pas des performances futures, ces informations sont essentielles pour permettre à l’épargnant de choisir un produit et un prestataire en toute connaissance de cause ».
Enfin, l’affichage des coûts tel qu’il est prévu par le règlement PRIIPs (coût modulable selon le scénario de performance et la durée d’investissement) rend le document « peu lisible et plus difficilement comparable » selon la recommandation du CCSF, un constat confirmé par Jean Berthon : « L’indicateur des coûts, c’est à dire la diminution du rendement du scenario intermédiaire, qui varie selon les produits, n’est pas facile à comprendre pour l’épargnant. »
La timide réaction de l’EIOPA
Face à la multiplication des critiques des associations d’épargnants, et la pression mise par les États, notamment français qui a fait siennes les recommandations du CCSF, l’EIOPA a voté, le 3 février dernier, à la majorité qualifiée de ses membres, des révisions sur le niveau 2 du règlement PRIIPs. Concrètement, le superviseur européen s’est montré favorable à l’adoption de mesures pour « améliorer le contenu des DIC, tout en évitant de fournir des informations trop nombreuses ou trop complexes aux investisseurs ». Aussi, la mention d’un lien vers un site internet qui permette à l’épargnant d’avoir des détails sur la performance du produit sur les douze dernières années est inscrite dans la révision. Enfin, l’EIOPA préconise de travailler sur une meilleure présentation des frais supportés par l’épargnant, et d’œuvrer à un meilleur alignement du règlement PRIIPs avec d’autres directives européennes, à l’instar de la directive sur la distribution d’assurance (DDA), et la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIFID II).
Une initiative justifiée ainsi par la présidente d’un des principaux courtiers en ligne du marché vie : « Lors de la transcription de la directive DDA, un dialogue constructif a eu lieu entre Bercy et la Place, ce qui a permis d’avoir un texte compris et accepté par tous. Or, pour PRIIPs, il s’agit d’un règlement qui a été intégré tel quel dans la législation française, ce qui peut expliquer les difficultés de compréhension de tous les acteurs. » Pour Guillaume Prache, ces mesures vont dans le bon sens, même s’il les considère comme insuffisantes : « Ce que nous réclamons au niveau de la Faider, vu l’ampleur du problème, c’est plutôt que d’essayer de faire des replâtrages sur le niveau 2 (qui concerne les mesures techniques), il serait plus judicieux de réviser d’abord le niveau 1 du règlement (qui concerne les principes généraux) programmé initialement fin 2019. Cela dit, il y a des choses qui vont dans le bon sens dans le dernier vote de l’EIOPA. »