Romaric Chalendard, fondateur de Castom
journaliste
Dans sa récente étude sur l’assurance vie, la société d'actuariat-conseil Castom revient sur la problématique des fonds en euro et propose des pistes de transformation pour préserver le placement liquide et garanti plebiscité par les Français.
Alors que la quasi-totalité du marché de l’assurance vie se désengage des fonds en euro, vous considérez qu’il est toujours possible d’en assurer la pérennité. Comment ?
Nos propositions visent en effet à assurer la pérennité du fonds en euro historique tel qu’on le connaît. Nous suggérons de conserver les bases de garantie en capital et de liquidité qui ont fait le succès de l’assurance vie, tout en veillant à rechercher un rendement financier, environnemental et sociétal honorable sur le long terme. Et cet objectif peut être atteint par la construction d’un pacte gagnant/gagnant entre les assureurs, les assurés, l’Etat mais aussi la planète avec le financement d’une économie plus verte.
Ce pacte passe selon vous par la hausse des fonds propres des assureurs. Quels en seraient les effets positifs pour l’offre vie en euro ?
On voit bien que dans le contexte actuel des taux bas, une allocation d’actifs bâtie sur les seules obligations d’Etat n’est plus viable. Il est également difficile d’orienter les épargnants vers les unités de compte car l’appétence aux risques des Français n’est culturellement pas très élevée. En outre, elle varie conjoncturellement suivant l’évolution des marchés financiers. Il faut donc chercher les moyens de favoriser des investissements plus risqués à l’intérieur des fonds euro, notamment en actions, sans impacter la solvabilité des assureurs. La hausse des fonds propres des assureurs est le corollaire pour pouvoir absorber une volatilité plus importante et prendre davantage de risques au bénéfice du financement de l’économie française et européenne ainsi que de la transition écologique.
Pour accompagner la hausse des fonds propres, vous proposez une mesure fiscale avec la création d’une provision citoyenne de solvabilité. Quels seraient son rôle et son fonctionnement ?
Conçue sur un modèle proche de la provision d’égalisation en assurance dommages et en prévoyance, cette provision citoyenne de solvabilité permettrait aux assureurs vie de constituer des réserves de résultats passés et d’avoir un matelas de sécurité supplémentaire pour faire face aux aléas des marchés financiers. A long terme, l’impact serait quasi-neutre pour les finances publiques et permettrait d’inciter les assureurs à accroître leurs fonds propres Solvabilité II via la défiscalisation d’une partie de leurs excédents sous contraintes environnementales, de financement de l’économie et de modération des dividendes. Dans l’esprit, c’est un peu comme les contrats responsables en santé : les assureurs ont un cahier des charges conditionné par la fiscalité qu’ils choisissent ou non de respecter.
Vous proposez également la mise en place de frais (sur versements et sortie) variables suivant la conjoncture afin de responsabiliser la communauté des assurés. Comment définir un système simple et lisible en la matière ?
La mise en place de frais variables permet d’inciter les comportements vertueux et de limiter, en période de crise, les rachats massifs néfastes pour la communauté des assurés. Il ne s’agit pas d’interdire aux épargnants de récupérer leur épargne mais d’installer un coût pour compenser une partie des pertes créées par les cessions d’actifs en moins-values. Ces stabilisateurs prudentiels seraient automatiques et obligatoires pour tous les assureurs vie et dépendraient des conditions de marché, de l’évolution statistique de la collecte nette d’assurance vie en euros ainsi que des taux de rachats et versements observés par rapport à leur moyenne de long terme.
Les mesures que vous préconisez sont-elles interdépendantes les unes des autres ?
Ces propositions n’ont de sens que si elles sont prises dans leur globalité. C’est un pacte global fondé sur une prise de conscience collective où chacun contribue à l’effort.