Jean Rondard, directeur Corporate Risk Management chez Gras Savoye
Journaliste
Le dirigeant revient sur la contribution du courtage, à travers le syndicat Planète CSCA, aux discussions sur le futur régime Cat San. Une position qui diffère de celle des assureurs (matérialisée dans le dispositif Catex présenté par la FFA vendredi 12 juin).
Avez-vous des éléments chiffrés sur la capacité du marché français de l’assurance dommages à répondre à une crise d’une telle envergure ?
Aujourd’hui, il y a un consensus sur le fait que l’impact économique se situe aux alentours de 60 Md€ (selon les chiffres de la FFA), ce chiffre est à rapprocher de deux autres montants. Le premier concerne l'encaissement annuel des assureurs en matière de primes générées par le tissu économique français, donc les primes payées par les entreprises. Ce chiffre annuel est de l'ordre de 20 Md€ (primes IARD), c'est-à-dire trois fois inférieur au montant de l'impact estimé.
Le second est la totalité des fonds propres des compagnies d’assurance qui s’élève à 60 Md€, l’impact économique de la crise réduirait à néant les « fondations » des assureurs.
Vous appelez à s’inspirer du régime Gareat pour couvrir le risque catastrophe sanitaire, quels sont les éléments qui ont motivé votre approche ?
Trois principes nous ont guidés dans notre approche :
Nous avons étudié les systèmes existants (Cat Nat et Gareat), et considérons que ce dernier est plus adapté car bénéficiaire. Il génère, en effet, un surplus chaque année depuis sa création. S’appuyer sur ce système nous permettra un gain de temps évident dans la mise en place de ce régime.
Tout ceci ne pourra fonctionner que si les entreprises, de manière générale, font les efforts nécessaires pour pouvoir réduire les risques qui sont liés à la pandémie (plan de continuité d'activité, et tous les éléments d’adaptation des modes de fonctionnement de l’entreprise pour être plus résiliente).
En définitive, plus tôt on pourra monter ce régime assurantiel, plus on donnera de la visibilité aux acteurs économiques pour se préparer, se protéger de la prochaine survenance d’un événement de cette nature.
Avez-vous anticipé le coût de la surprime ?
Tout ceci reste très théorique à ce stade, on a fait un premier calcul en étalant 60 Md€ sur vingt ans, ça nous conduit à un coût de 3 Md€ par an, c’est-à-dire une surprime de 14 à 15 %. C’est inenvisageable !
Il faut donc travailler à l’apport de capacités, de supports, qui sont différents de ceux qui existent aujourd’hui. On a introduit dans notre réflexion une tranche qui fait appel aux marchés financiers. A cela s’ajoute une garantie de l’Etat (directe ou indirecte via la CCR). Nous obtenons ainsi une garantie illimitée. Notre objectif est que chaque acteur économique puisse accéder à une surprime dont le montant soit raisonnable.
Qui bénéficierait de ce système ?
Il s’agit d’un régime universel, donc toutes les entreprises pourront en bénéficier et particulièrement les PME qui souffrent de la crise. Aujourd’hui, quand vous regardez comment fonctionnent les systèmes existants (Cat Nat ou Gareat), on observe que le mécanisme est appliqué de la même manière pour l’ensemble des acteurs économiques, à la différence près que ceux qu’on appelle les grands risques au sens du Code des assurances français, permet aux grandes entreprises d’aménager le dispositif sans en avoir forcément toutes les contraintes. Si on s’appuie sur un système comme le Gareat, on pourrait imaginer un dispositif qui permette aux grands risques d’être tout à fait conformes à la loi, sans pour autant adhérer au dispositif (les grands risques sont en général dotés de systèmes de financement des risques propres, internes, qui leur permettent d’avoir accès à d’autres mécanismes).
Comment analysez-vous la réaction du marché de l’assurance dommages face à la pandémie Covid-19 ?
Les clients de Gras Savoye Willis Towers Watson représentent l’ensemble du tissu économique français, des TPE/PME, des entreprises de tailles intermédiaires et des grandes entreprises. Nous avons rapidement compris la difficulté de la situation, amplifiée par la position non alignée des assureurs sur le sujet. L’impact économique du confinement sur le tissu économique français est énorme, et la réponse initiale des assureurs n’a sans doute pas été adéquate.
De notre côté, nous avons rédigé une première note, dès le début de la crise, à destination de nos clients pour expliquer le fonctionnement de leurs garanties pendant la pandémie.
Aujourd’hui, nous constatons que la réponse des assureurs se situe en dehors du cadre contractuel (fonds de solidarité, compensations discrétionnaires parfois laissées à la main des agents/courtiers ou décidées directement par la compagnie), et estimons que leurs positions actuelles sont davantage en adéquation avec les enjeux.