Interview de la semaine

« PartnerRe cherche à développer l’assurance du risque cyber spécifique »

Publié le 9 septembre 2019 à 9h00    Mis à jour le 24 septembre 2019 à 17h00

Marie-Caroline Carrère

Emmanuel Clarke, président-directeur général délégué de PartnerRe

Marie-Caroline Carrère
journaliste

A l’occasion des Rendez-vous de septembre, Emmanuel Clarke, président-directeur général délégué de PartnerRe, revient sur la stratégie du réassureur et notamment ses ambitions d’accélérer sur la réassurance vie et de se renforcer sur le marché français.

Comment se passe 2019 ? Etes-vous en ligne avec vos objectifs ?

2019 est loin d’être terminée, le dernier trimestre est particulièrement important, il correspond à la période cyclonique et la saison des ouragans (septembre à novembre) qui peut s’avérer décisive en termes de résultats financiers. Il est toujours très prématuré de s’exprimer tant que cette période n’est pas passée, une demi-année ne représente pas la moitié des résultats potentiels.

Pour l’instant, nous sommes en ligne avec nos objectifs, mais le plus important est l’évolution du marché, nous constatons la mise en place des conditions nécessaires pour améliorer la profitabilité dans certaines branches. Les années 2017 et 2018 ont été des années assez difficiles en non-vie. Nous aspirons à une meilleure profitabilité. Que notre profitabilité soit en amélioration par rapport à 2018 est positif, mais ce n’est pas suffisant. Nous allons continuer nos efforts pour l'améliorer encore.

Quel est votre chiffre d’affaires et quelle est sa répartition par segments de marché ? La croissance est-elle tirée par leP&Cou la réassurance de personnes ?

En 2018, nous avons réalisé 6 Md$ d’encaissement de primes réparties à 78 % pour les affaires non-vie et 22 % pour la réassurance de personnes. Le dommage est réparti en deux segments : leP&Cet les branches de spécialité avec respectivement 60 % et 40 % de notre encaissement.

Notre croissance est tirée tant par la vie que par le non-vie. Au premier semestre, nous avons, de fait, enregistré une croissance de 20 % en non-vie et de 23 % en réassurance de personnes. À l’avenir, je m’attends à ce que notre croissance en vie soit supérieure à notre croissance en non-vie.

Vous êtes-vous fixé de nouvelles ambitions ? Lesquelles ?

Effectivement, nous souhaitons améliorer notre profitabilité sur les affaires non-vie et pousser la croissance de notre portefeuille vie.

Justement, vous accélérez sur la réassurance vie, pourquoi cette stratégie ?

Ce sont des affaires qui offrent un bon rendement par rapport au risque. La réassurance de personnes est un secteur qui produit des rendements relativement stables, aux alentours de 10 %-11 % de retour sur capital. Ce sont des affaires attractives. Par ailleurs, investir en vie permet de diversifier le portefeuille, cela nous confère plus de stabilité de résultat.

En 2017 et 2018 où l’expérience catastrophique a été importante et soutenue sur les affaires non-vie, avoir un « ballast » d’affaires vie a aidé à la stabilité des résultats. Sans oublier que la diversification vie/non-vie a un impact direct sur la diversification du capital. Cela nous permet à terme d’avoir un effet de levier et de faire croître notre volume de primes plus rapidement que le capital requis.

PartnerRe a toujours été présent dans la réassurance de personnes. Nous avons acquis la société Aurigen il y a maintenant trois ans, ce qui a complété notre infrastructure pour la réassurance vie. Aujourd’hui, nous avons l’ambition d’exploiter cette acquisition et de profiter de notre présence accrue en vie pour accélérer davantage sa croissance.

En vie, nous sommes présents en Europe via PartnerRe vie et au Canada grâce à Aurigen. Nous nous développons également sur tout le marché nord-américain y compris aux Etats-Unis et sur le marché Asie-Pacifique.

Comment se répartissent géographiquement vos expositions ?

En non-vie, notre exposition géographique est très similaire à la répartition des primes non-vie mondiales. 46 % de notre encaissement se fait en Amérique du Nord, 32 % en Europe et le reste est une combinaison d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique.

En vie, un quart de nos encaissements se font en longévité et le reste se réparti globalement comme suit : un quart pour l’Amérique du Nord, un quart en Europe et un quart pour l’Asie-Pacifique.

Que représente la France pour votre business ?

La France est un marché important tant en vie qu’en non-vie. Nous avons une stratégie pour chaque segment.

En non-vie, le marché français est très concurrentiel, très disputé et c’est pourquoi nous adaptons notre appétit au risque. Nous sommes amenés à déployer notre capacité de façon ciblée et spécifique. Nous concentrons nos efforts sur les clients avec lesquels nous partageons une vision stratégique mutuelle ; nous ne cherchons pas à faire de tout avec tout le monde, mais plutôt à travailler avec un groupe de clients ciblés avec lesquels nous avons un bon alignement stratégique et avec lesquels nous bâtissons des solutions efficaces et pérennes. Nous sommes capables de structurer des solutions répondant aux besoins spécifiques de ces clients. Notre approche en non-vie sur le marché français n’est pas une approche d’échelle, c’est une approche ciblée de déploiement, de développement d’une relation relativement intime et profonde avec certains partenaires triés sur le volet.

En vie, nous avons l’ambition d’être parmi les trois premiers réassureurs du marché français. Nous travaillons à étendre notre offre de produits, mais surtout à élargir nos services. Nous avons renforcé nos équipes commerciales et nos équipes médicales. C’est le corollaire immédiat de notre stratégie vie et notre objectif de croissance. Nous voulons vraiment accélérer sur le marché français et augmenter la qualité et la quantité de nos ressources en vue de mieux servir nos clients.

Pour ce faire, nous avons attiré un certain nombre de nouveaux talents comme Dominique Bruneau-Dansan pour la sélection médicale, Claire Jézéquel pour la partie commerciale et bien sûr Gilles Thivant, qui va bientôt nous rejoindre. Nous avons l’intention de continuer à renforcer nos équipes commerciales.

Comment se sont passés les renouvellements du 1er janvier, 1er avril et 1er juillet ?

Nous sommes globalement satisfaits tant de notre croissance que de l’amélioration de la profitabilité du portefeuille. Ce que nous avons noté, c’est que le marché se raffermit, mais ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler un marché dur. C’est un marché discipliné et rationnel parce qu’il corrige les écarts de profitabilité là où il y a besoin de le faire. Il y a vraiment deux segments sur lesquels il y a eu des améliorations importantes en matière de profitabilité. En responsabilité civile aux Etats-Unis, le durcissement a été mené par le marché d’assurance pour augmenter les taux de façon relativement dynamique pour que la profitabilité s’améliore.

Puis, pour les branches de spécialité comme l’aviation, les risques de construction ou encore les risques d’énergie, nous avons également constaté une amélioration forte menée cette fois-ci principalement par le marché des Lloyd’s qui a apporté davantage de discipline en 2019 sur ces branches-là.

En ce qui concerne les CAT, la situation est relativement dichotomique. Les traités sur lesquels il y a eu des sinistres ont connu des augmentations de taux soutenues tandis que les autres sont plutôt renouvelés de façon stable ou en augmentation marginale.

Au vu des mouvements récents du marché, êtes-vous conforté dans votre stratégie de ne pas faire d’assurance directe ?

Plus que jamais. Nous considérons que c’est un avantage compétitif qui nous différencie des autres. Selon moi, développer des partenariats avec nos clients n’est pas compatible avec le fait de les concurrencer sur leurs affaires où sur le recrutement de leurs équipes. PartnerRe se positionne comme étant un réassureur partenaire avec ses clients et pour cela il faut que nous puissions discuter de leurs affaires de façon très proche, intime et nous ne pouvons le faire que s’il n’y a aucune ambiguïté entre la cédante et nous. D’ailleurs, un bon nombre de clients veut faire davantage d’affaires avec nous pour cette raison-là.

Les métiers d’assurance et de réassurance sont fondamentalement différents. L’assurance est beaucoup plus axée sur la distribution, les systèmes et les coûts. Le métier de réassurance est beaucoup plus centré sur une approche du risque et du capital. C’est difficile de faire les deux très bien, d’ailleurs l’expérience et les performances passées montrent que beaucoup n’ont pas réussi à le faire. Nous avons décidé de nous consacrer exclusivement à ce que nous savons faire de mieux : la réassurance.

La concentration des opérateurs directs avec la réassurance vous a-t-elle été bénéfique ?

Il est possible qu’une partie de la croissance importante que nous avons faite cette année soit due à cet avantage compétitif et à notre stratégie de rester exclusivement un réassureur.

Vous êtes dans les quinze premiers réassureurs mondiaux, pour vous quelle est la taille critique ? Êtes-vous à l’abri des velléités de plus gros acteurs ?

Nous sommes très bien positionnés, notre taille, notre sécurité financière, notre actionnariat privé et orienté sur le long terme nous confortent dans notre position. Le fait que nous ne fassions pas d’assurance et que nous ne cherchions pas à concurrencer nos clients est clairement en notre faveur. Selon moi, il n’y a pas de taille critique ou de seuil magique en termes de capital ou de primes ; ce qui est important c’est la pertinence de notre offre aux yeux du client, et chaque client est différent. Je pense que ce qui est important c’est la pertinence de notre offre de capacité, de services et de produits et ensuite le savoir-faire et l’expérience de PartnerRe.

PartnerRe n’a pas besoin de faire de croissance externe, même si nous restons à l’écoute d’opportunités éventuelles, ce n’est pas un de nos axes de développement, nous avons toutes nos opportunités pour croître de façon organique et c’est ce sur quoi nous nous focalisons.

Quel est votre positionnement sur les garanties silencieuses notamment en cyber ?

Le cyber est un risque complexe, et en croissance en effet, qui va impacter les sociétés, les assurés comme les sociétés commerciales de façon croissante. Les silent covers sont un vrai problème dans ce contexte-là pour les deux côtés. C’est un problème pour les consommateurs et c’est un problème pour les porteurs de risque. Le fait de le laisser silencieux laisse une place à l’interprétation et c’est ce qu’il y a de pire en termes de clarté des couvertures. Ce n’est pas bon pour l’assuré potentiel de ne pas savoir s’il est couvert en cyber et ce n’est pas bon pour l’assureur de ne pas savoir jusqu’où va l’étendue des cumuls de certains risques. Nous encourageons le fait que l’industrie s’oriente vers une clarification de ce qui est couvert dans les produits et offre des couvertures spécifiques. Le cyber spécifique est à terme la seule façon de pouvoir couvrir le cyber. Je préfère que nous le fassions dès maintenant plutôt qu’en réaction à des sinistres importants qui pourraient créer des problèmes d’interprétation colossaux entre les assureurs et leurs assurés.

Nous cherchons à développer l’assurance du risque cyber spécifique et nous sommes un acteur important sur cette branche. Nous voyons qu’il y a des opportunités à faire de la croissance sur le spécifique et encourageons les assureurs sur cette voie.

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