Christophe Graber, directeur général de La Réunion aérienne et spatiale
Journaliste
Un point sur la stratégie développée par La Réunion aérienne avec son directeur général après une année 2015 techniquement compliquée.
Dans quel contexte macroéconomique opérez-vous aujourd’hui ?
La masse assurable du secteur aéronautique est en forte augmentation. Le nombre de passagers continue de croître, à 3,3 milliards aujourd’hui. Les flottes se développent, les infrastructures aéroportuaires continuent de se construire, notamment en Asie. Dans un contexte de prix bas du pétrole, l’achat de carburant étant leur charge n°1, les compagnies aériennes sont en bonne santé économique. Le secteur investit beaucoup dans de nouveaux appareils qui consomment moins et sont plus sûrs, offrant ainsi une meilleure rentabilité par passager. Les carnets de commandes des constructeurs sont pleins. Et la sécurité aérienne s’améliore. Tous les voyants sont au vert, la concurrence entre assureurs est donc vive pour se partager ce gâteau qui grossit de 10 à 15 % par an. Parallèlement, les primes sont sur une tendance baissière de 10 à 15 % par an en moyenne. Le budget mondial de l’assurance aérienne est donc en stagnation.
L’année 2015 a été particulièrement sinistrée. Quelles sont les conséquences pour La Réunion aérienne ?
L’année passée a en effet été marquée par plusieurs accidents aériens. Nous avons été impactés par le crash de l’Airbus A320 de la filiale Germanwings du groupe Lufthansa en mars 2015 dans les Alpes françaises et par le sinistre d’un Airbus d’une compagnie russe en Egypte en octobre 2015. Mais aussi, un peu moins fortement, par une sortie de piste d’un avion Turkish Airlines en avril 2015 à Istanbul, et un sinistre indonésien d’Air Asia en fin d’année 2014. Nous avons ainsi eu de lourdes charges en 2015. Nos résultats techniques sont déficitaires avec un ratio combiné de 132 %. Nous traversons un cycle difficile intrinsèquement, marqué par une forte volatilité, mais nous sommes confiants car nous avons de belles perspectives de rééquilibrage.
Quelles sont ces perspectives ? Visez-vous à diversifier votre portefeuille ?
Aujourd’hui, nous détenons 10 % de parts de marché sur le secteur des compagnies aériennes. Et en France, nous sommes leader en aviation générale (aéroclub, parachute, ballon, jet, ULM,…). Sur ce créneau, nous avons des relais de croissance en Amérique du Sud et en Chine où nous cherchons actuellement un partenaire durable. La Chine sera demain le premier marché mondial de l’aviation générale devant les Etats-Unis. Nous visons à y renforcer notre positionnement à moyen terme.
Notre objectif aujourd’hui est également de réorienter notre portefeuille vers les constructeurs, notamment en France, car c’est un terrain de jeu propice. Nous visons à couvrir les sous-traitants de l’aéronautique de façon optimale. Nous avons encore de larges possibilités de développement sur notre marché domestique.
Par ailleurs, le marché de l’assurance aérienne est réactif, capable de réajuster sa courbe de prix si de mauvaises années l’y contraignent. Nous sommes outillés pour le faire et nous avons le soutien de nos actionnaires.
Depuis le 1er janvier, votre structure est passée d’un GIE à une SAS. Pourquoi ?
Afin de répondre aux exigences de Solvabilité II, nous sommes en effet passés d’un GIE historique à une SAS dans laquelle nos trois partenaires (Generali, MMA et Scor) sont actionnaires à parts égales. Nous sommes mandatés pour placer et souscrire les risques, avec une clé de souscription à hauteur d’un tiers chacun. Le mandat de délégation implique des contrôles, un encadrement des risques, et des procédures pour être en ligne avec Solvabilité II. Nous avons donc mis en place des outils et des process de reporting et de contrôle des risques.
Quels sont les risques émergents sur lesquels vous travaillez ?
Nous sommes présents sur l’assurance des drones, cette technologie se diffusant de plus en plus largement dans le cadre d’un usage professionnel. Le risque cyber a des enjeux vitaux pour nous. Au sein de la Fédération française de l'assurance (FFA), La Réunion aérienne est motrice d’un groupe de travail sur le sujet. Notre objectif est d’identifier ce qui est aujourd’hui implicitement couvert et ce qui ne l’est pas. Par exemple, un crash aérien est couvert systématiquement, tandis que si un avion reste au sol du fait d’une attaque cyber il n’est pas nécessairement assuré. Nous faisons une cartographie des risques potentiels pour savoir ce qui est pris en compte à l’heure actuelle. Pour cela, nous travaillons avec les grands courtiers du secteur ainsi qu’avec les ingénieurs des compagnies aériennes et des constructeurs afin de construire une offre pour couvrir les risques résiduels. Bien sûr, l’évolution de l’environnement géopolitique et le risque humain sont également au cœur de nos préoccupations.