Gilles Jacquier, responsable souscription spécialités entreprises, et Rodolphe Burdy, souscripteur senior « Fine Art »
journaliste
Allianz France se lance sur le marché Fine Art avec une nouvelle solution dommage « arts et collection ». Gilles Jacquier, responsable souscription spécialités entreprises, et Rodolphe Burdy, souscripteur senior « Fine Art » recruté après huit années passées chez Axa Art pour renforcer cette spécialité, répondent à nos questions.
Pourquoi lancer une branche Fine Art en France ?
Gilles Jacquier : Alors qu’Allianz est déjà leader depuis longtemps en Allemagne sur le marché de l’assurance des objets d’art, nous ne disposions pas en France d’une offre d’assurance dédiée. Régulièrement sollicités par notre réseau d’agents généraux et nos courtiers partenaires, nous avons décidé de nous y atteler. Assureur généraliste de premier plan, nous bénéficions au sein des marchés entreprises d’Allianz France d’atouts importants face à nos concurrents, comme le fait que nombre d’entreprises, de collectivités publiques ou de musées soient déjà assurés auprès d'Allianz pour leurs autres risques (dommages, RC…). Toutefois, sur ce type de marché de niche, il ne suffit pas de constater une demande et de lancer une offre sans réelle maîtrise technique. Nous avons donc mobilisé l’ensemble des ressources en interne et beaucoup échangé avec Allianz Allemagne, où nos collègues du département « Fine Art » nous ont apporté leur expertise et leur expérience.
Votre offre cible particulièrement les collections d’entreprises. Pourquoi ?
Rodolphe Burdy : En France, de nombreuses entreprises ont des biens à valeur patrimoniale forte, particulièrement dans les marques historiques, mais sont assurées de façons inadaptées ou pas du tout. Hormis les entreprises qui acquièrent de l’art contemporain, plus ouvertes à l’assurance, beaucoup reste à faire sur le marché français. Nombre de dirigeants pensent que leurs objets d’art sont suffisamment protégés, craignent de mettre en lumière une collection (trop) fortement valorisée et de devoir payer une prime importante. Ces collections demeurent donc un marché à fort potentiel, surtout à une époque où les entreprises font de l’art un vecteur de communication et d’image, notamment avec la création de fondations d’entreprises. Le plus souvent, ces collections sont couvertes par un contrat dommages classique [avec une forte franchise et sans prise en compte de la dépréciation, application de la vétusté, etc. NDLR]. Nous avons donc entamé, avec l’aide de nos intermédiaires mais également de nos collègues de la direction dommages, une démarche pro-active de sensibilisation à ces spécificités auprès de notre clientèle entreprises.
Vous visez également les musées, pourtant réputés pour leur non-assurance ou sous-assurance du fait d’un Etat qui est son propre assureur…
Rodolphe Burdy : En France, le marché de l’assurance des institutions culturelles mérite attention : 80 % des musées dépendent des collectivités territoriales, dont le budget « culture » tend à diminuer au fil des ans. Ces collectivités ont ainsi tendance à opter pour des solutions d’assurance plus limitées en priorisant le critère prix. L’assurance prévoit la couverture systématique pour les expositions temporaires, mais fait souvent l’impasse sur les collections permanentes. Par ailleurs, la politique d’appels d’offres systématiques peut poser question. Avec une remise en question tous les trois ou quatre ans sur un marché très concurrentiel du contrat lot « tous risques exposition objets d’art », les collectivités publiques bénéficient de nouvelles baisses de leurs cotisations d’assurance, mais on observe une dégradation potentielle de la qualité technique des contrats proposés. Parfois, les cahiers des charges ne prévoient pas les solutions les mieux adaptées aux musées. Soumis aux règles classiques des appels d’offres publics, il est difficile de valoriser notre expertise d’assureur objets d’art et notre démarche de prévention pour la protection de tels biens, par nature irremplaçables. Cela peut poser question quant à la protection adéquate du patrimoine français.
Pourquoi ne pas vous intéresser aux professionnels du marché de l’art, secteur où la demande est la plus évidente et la plus forte ?
Gilles Jacquier : Ce n’est pas exclu à l’avenir, mais pour l’heure, nous avons fait le choix de nous positionner sur un segment précis, celui des entreprises et des institutionnels. Le marché de l’art actuel, sur lequel on observe de très fortes valorisations des œuvres, mais également une réglementation qui s’est renforcée en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, nous oblige à une grande vigilance, particulièrement en matière de provenance des objets d’art.