Gilles Dupin, président et directeur général de Monceau assurances
Journaliste
Le dirigeant dévoile les résultats intermédiaires du groupe Monceau et évoque sa stratégie face au contexte de taux bas.
Quel bilan faites-vous de la collecte vie, épargne et retraite à l’issue du premier semestre 2020 ?
Nous opérons en France et, à partir du Luxembourg, dans un certain nombre de pays européens sous le régime de la libre prestation de services (LPS). Aujourd’hui, la collecte en unités de compte concerne surtout les opérations luxembourgeoises, avec un modèle différent de celui de nos confrères puisque nous nous refusons à diffuser un fonds en euros. A fin août, le chiffre d’affaires atteint pratiquement celui de l’ensemble de l’année 2019. C’est dire que nous enregistrons une forte progression.
En France, la situation est moins brillante mais nous restons optimistes. Notre mode de distribution sur le marché français privilégie le face à face avec le client. Compte tenu du confinement, les collaborateurs ont été peu présents sur le terrain pendant deux mois et demi, ce qui a eu un retentissement sur le chiffre d’affaires. Nous avons cependant continué à collecter grâce au travail des collaborateurs par téléphone. A fin juin, après un début d’année particulièrement dynamique, le chiffre d’affaires de la mutuelle vie Capma & Capmi affichait une baisse de 9 %, souffrant en fait moins des mesures de confinement que des règles posées par la loi Pacte qui ont conduit à cesser la diffusion de notre contrat monosupport en unités de compte, « Monceau pierre », fort apprécié des prospects. Durant l’été, malgré les congés, le réseau salarié a pu reprendre une activité soutenue. Sur l’ensemble de l’exercice, nous restons optimistes car nous devrions être en mesure de combler le retard dû au confinement.
Notre collecte se concentre sur les fonds en euros, toutes générations de contrats confondues, et sur le fonds immobilier, même si, rappelons-le, nous avons été très pénalisés par la loi Pacte. Monceau pierre est un excellent contrat, avec un support affichant des performances remarquables depuis vingt-cinq ans. Mais c’est un monosupport en unité de compte, ne pouvant donc permettre d’accéder à des fonds labellisés ISR ou autres tels que la loi Pacte l’impose. Sans doute les rédacteurs de cette loi ignoraient-ils qu’il existe depuis des décennies des contrats monosupport en unités de compte : c’est ainsi que dans les années soixante-dix ont été lancé les premiers contrats assis sur des actifs immobiliers, baptisés Acavi. Nous avons donc dû arrêter la commercialisation de Monceau pierre pour non-conformité. Mais bien évidemment, les sociétaires qui pouvaient accéder à ce support grâce à leur contrat multisupport peuvent continuer à verser sur ce support particulièrement performant sur le long terme.
La tension observée sur les marchés financiers, corrélée à la crise de la Covid-19, interroge-t-elle vos orientations stratégiques ?
Nous sommes une mutuelle, donc avant tout soucieux de répondre aux besoins et attentes de nos sociétaires. Ces derniers, en grande majorité, nourrissent une véritable aversion au risque tandis que les contrats en euros les rassurent du fait de la garantie donnée sur le capital. Aussi, nous ne sommes pas inscrits dans la logique de les pousser à tout prix vers les unités de compte mobilières, avec les risques qui y sont attachés.
De fait, depuis la fin des années soixante, Monceau assurances gère trois générations de fonds en euros : les premiers, souscrits entre 1969 et 1991, affichent toujours des performances de qualité de 1,85 % jusqu’aux dates anniversaires des versements qui surviennent en 2020, le Carnet multi épargne ouvert aux adhésions entre 1991 et 1997, qui a versé au titre de 2019 un taux de participation de 2,45 % ; et enfin, Dynavie, que nous diffusons depuis 1997, notre contrat en euros phare qui a affiché au titre de 2019 un taux de 2,2 %. Notre sociétariat est fidèle, parce que les performances sont de qualité dans la durée, et parce que les anciens sociétaires fidèles ne voient pas le revenu de leur épargne ponctionné pour alimenter les contrats en cours de commercialisation. Les portefeuilles d’actifs liés à ces contrats sont cantonnés pour que chacun reçoive ce qui lui revient.
Que se passerait-il si demain d’importants flux de souscription risquaient de diluer la performance ? Le conseil d’administration de la mutuelle a réfléchi à ce sujet, posant pour principe que dans une telle hypothèse le contrat Dynavie serait fermé aux nouvelles adhésions. Nous créerons alors un autre contrat en euros, dont les performances ne pourraient à l’évidence être nécessairement le mêmes.
Que représente la part UC de votre portefeuille ?
Au Luxembourg, 99 % de nos encours portent sur des contrats en unités de compte. En France, nos provisions techniques en unités de compte s’établissent, à fin 2019, à 900 M€, dont une part importante sur le support immobilier (620 M€). Les provisions techniques totales sont de l’ordre de 4,7 Md€, dont environ 1,1 Md€ sur les contrats de rentes viagères et régimes de retraite en points, gérés en capitalisation. Pour le reste, aux 900 M€ en unités de compte s’ajoutent 2,7 Md€ pour les contrats en euros, pour un total de 3,6 Md€ de provisions mathématiques.
Et la part de l’immobilier dans vos encours ?
Notre support immobilier n’est pas exactement comparable à celui de la plupart de nos confrères. Il ne s’agit pas d’un OPCI ou d’une SCPI récemment créés, mais c’est notre SCI, dans laquelle nous gérons la quasi-totalité du patrimoine du groupe. Ses performances alimentent les réserves des régimes de retraites en points, la performance des fonds en euros et les fonds propres de nos institutions.
L’intérêt des unités de compte est motivé principalement par le besoin qu’ont les assureurs de réduire leurs exigences de marge de solvabilité, les opérations en unités de compte requérant beaucoup moins de fonds propres que les opérations des contrats en euros. Elles représentent également beaucoup moins de risques pour l’assureur, car garantir aujourd’hui un taux même nul sur les fonds euros avec des taux d’intérêt à long terme négatifs est une gageure !
Il y a donc un intérêt objectif de la part des assureurs traditionnels ou bancassureurs à inciter à la souscription de contrats en unités de compte, à l’exception des contrats assis sur des supports immobiliers, parce que ces derniers comportent un risque de liquidité. Mais la question à se poser est celle des véritables besoins des assurés. Question dont la réponse n’est pas unique. Nous avons en portefeuille des clients avertis auxquels nous pouvons offrir des contrats adaptés et performants, au Luxembourg notamment. En France, la palette des fonds supports d’unités de compte est davantage standardisée, ce qui permet de contenir le coût de gestion de nos entreprises.
Quelle est votre réaction par rapport à la mise en vente d’Aviva France ?
Pour un ancien dirigeant de Victoire que je suis, dont les sociétés d’Aviva France étaient filiales jusqu’en 1994, cette décision ne peut pas surprendre, une telle évolution paraissait inéluctable. Le poids du fonds des adhérents de l’Afer est supérieur à 50 Md€, comportant pour une part importante des garanties de taux, générant vraisemblablement de lourds besoins de marges de solvabilité. C’est probablement un souci pour l’assureur Aviva, côté en Bourse, avec des impératifs de rentabilité des capitaux mobilisés, difficilement compatibles à long terme avec les attentes des adhérents de l’Afer.
L’Afer et Aviva France peuvent-ils se séparer ? Les deux entités sont aujourd’hui très imbriquées, ne serait-ce que parce que les agents d’Aviva sont des apporteurs importants de l’Afer. Mais surtout parce que les masses financières en présence sont considérables. Qui accepterait aujourd’hui de reprendre l’encours de l’Afer, pour une part importante des contrats en euros, alors que, en Europe, les assureurs vie qui cherchent à se séparer de leur portefeuille de contrats en euros ne trouvent pas toujours preneurs, même auprès de sociétés spécialisées dans le rachat de portefeuille en liquidation ? La mise en vente d’Aviva France aura en tout cas l’avantage d’apporter des réponses aujourd’hui incertaines sur des sujets passionnants, comme la propriété de la réserve de capitalisation des opérations de l’Afer ou la valeur intrinsèque d’un tel portefeuille.