Fabrice Domange, président du directoire de Marsh France
chef de rubrique
Deux mois après son arrivée à la tête de Marsh France, Fabrice Domange pose les bases de la nouvelle stratégie du courtier. Développement du middle-market et refonte organisationnelle sont au programme.
Quels sont vos constats quelques semaines après votre prise de fonction à la tête de Marsh France ?
Depuis mon arrivée, j’ai rencontré de nombreux clients et partenaires assureurs pour connaître la vision et comprendre les attentes qu’ils ont de Marsh France. Nous sommes d’abord reconnus pour notre technicité, notre expertise et notre éthique. Nous sommes le courtier de référence des grands comptes avec 70 % des entreprises du CAC 40 en portefeuille. Aujourd’hui, nous plaçons 1,5 Md€ de primes pour le compte de nos 4 000 clients, et 80 % de notre activité est faite avec des sociétés de plus de 2 Md€ de chiffre d’affaires. Marsh France est actuellement le 5e pays en termes de contribution aux résultats du groupe.
Quelle est votre feuille de route pour l’avenir ?
Forts de ces atouts et de cette reconnaissance du marché, nous devons cultiver davantage notre esprit de conquête et notre agressivité commerciale dans l’intérêt du client. Cela passe d’abord par l’amélioration des performances commerciales sur les grands comptes et les ETI (c’est-à-dire chez Marsh les entreprises dont le CA dépasse 500 M€). Nous avons ainsi repensé la structure de nos équipes, avec désormais un leader responsable de six managers, pour une organisation plus efficace. Nous allons également renforcer nos process de Go/No Go et de travail auprès des prospects. Nous devons sans doute être plus sélectifs et certains d’apporter de la valeur ajoutée au client.
Ensuite, nous souhaitons davantage développer le middle market (clients dont le CA se situe entre 30 et 500 M€), même si les grands comptes restent une priorité. Vu le contexte de marché compliqué, nous ciblons ce segment avec des process, des produits, des textes et une gestion entièrement dédiée. Une équipe de 40 commerciaux répartis dans six bureaux régionaux s’y consacre pleinement. Le middle-market représente aujourd’hui 20 % de notre activité et nous ambitionnons d’atteindre les 40 %, tout en gardant notre part de marché et notre position forte sur les grands comptes.
Envisagez-vous d’autres changements organisationnels ?
Comme beaucoup de multinationales, Marsh France travaille trop en silos, chaque ligne de métiers ayant ses équipes dédiées et ses process. Il faut davantage de communication entre services avec des équipes agiles, à même de se remettre en cause.
Nous sommes aujourd’hui dans un environnement de baisse des primes continue, couplé à l’apparition de nouveaux risques. Nous faisons beaucoup de sur-mesure pour nos clients. Nous devons garder cette spécificité, mais il faut la facturer au juste prix, en travaillant davantage sur des produits standards pour être plus rapides et efficaces. Il faut aussi que nos partenaires assureurs nous accompagnent dans cette démarche.
Marsh France est une grande dame respectée mais il faut la sortir de sa zone de confort pour avancer plus vite, et il faudra un engagement sans faille des collaborateurs pour y parvenir. Enfin, je viens d’initier une nouvelle gouvernance (tableau ci-dessous) qui pourra évoluer en fonction des besoins et qui s’appuie à la fois sur les nombreux talents déjà dans la maison et des nouveaux venus, promoteurs du changement.
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Ces changements auront-ils des conséquences sur l’emploi ?
Nous comptons aujourd’hui 650 collaborateurs en France. Et la valeur et le savoir-faire d’un courtier réside exclusivement dans les compétences et la technicité de ses salariés.
En 2016, Marsh France aura recruté environ 60 personnes, aux profils éclectiques (assureurs, experts, conseils, courtiers). Mon objectif est de continuer à investir et à recruter pour l’exercice 2017. Cela dit, il faut que Marsh France initie un mouvement et se mette en ordre de marche pour accélérer le changement.
Quelle est votre vision du marché des risques d’entreprise ?
Nous sommes sur un marché en mutation, et nous sommes obligés de bouger. Il ne suffit plus d’attendre d’être en appels d’offres pour être dynamique, il faut que l’on puisse expliquer à nos clients ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Nous devons trouver le juste équilibre dans nos relations commerciales. En parallèle de la baisse des primes qui dure depuis plus de dix ans, nos commissions diminuent également. En outre, les programmes sont de plus en plus complexes, ils demandent plus de préparation et coûtent plus cher à imaginer et à mettre en place. Dans le même temps, les clients doivent eux aussi tirer sur leurs budgets.
Ma réponse à cela, c’est qu’il va falloir créer davantage de valeur ajoutée et garantir une expertise et une technicité que le client soit prêt à payer. Nous devons être plus transparents pour démontrer notre valeur ajoutée aux clients.
Votre développement passera-t-il par des acquisitions ?
Nous avons aujourd’hui deux ou trois dossiers sur la table, mais il faut trouver la bonne cible au bon prix : pour que 1+1 = 3, nous devons trouver une niche ou une expertise qui vienne compléter la nôtre, avec un profil d'entreprise plutôt axé sur le middle market. Certaines cibles ne correspondent pas à l'heure actuelle à ce que nous voulons ou sont trop chères, sans aucune rentabilité possible. Mais nous sommes complètement ouverts. Avec le récent rachat de Bluefin en Angleterre, Marsh a la volonté de continuer cette dynamique d’acquisition y compris en France. Toutefois, le marché français est compliqué, avec une problématique de concentration des acteurs qui va s’accélérer dans les cinq prochaines années, y compris parmi les grands acteurs.
En tant qu’ancien assureur, le marché du courtage correspond-t-il à l’image que vous vous en faisiez ?
Le marché est encore assez soft, avec la possibilité de placer des primes pour des capacités importantes avec des assureurs qui continuent à suivre. Je ne m’imaginais pas cela avant de rejoindre Marsh.
C’est un monde passionnant que je découvre, mais c’est aussi un milieu dur et impitoyable. Penser que le courtage n’est qu’une histoire de placements, c’est se tromper. Aujourd’hui, Marsh France est le premier apporteur d’affaires en volume des assureurs grands risques du marché français, mais bien placer son risque ne représente que 20 à 25 % du métier. Le service client, le conseil, l’écoute, la compréhension des risques spécifiques à chaque client ou encore la mise en place de solutions alternatives de gestion des risques sont tout aussi importants.