Nommé en avril dernier à la tête du géant du courtage, Cyrille de Montgolfier expose sa feuille de route et dévoile ses plans.
Quelles sont vos priorités sur le court et moyen terme ?
La réputation de l’entreprise est d’être proche de ses clients et d’apporter un très grand professionnalisme, ce qui s’est confirmé depuis le début de la crise que nous traversons. Je tiens à saluer la mobilisation de l’ensemble des équipes pour maintenir voire enrichir les liens que nous entretenons avec nos clients. J’ai aujourd’hui la conviction que notre entreprise sort renforcée par cette crise et que nous avons su mettre encore plus en valeur ses atouts. Pour cela, nous avons lancé le 1er juillet un plan d’action « Entreprendre, ensemble » qui vise à insuffler une nouvelle dynamique commerciale dans l’entreprise. Ce plan d’action va se déployer autour de trois axes :
Il s’agit donc d’une feuille de route très orientée 2020-2021 qui vise des résultats concrets et immédiats pour les collaborateurs et pour les clients.
Faut-il s’attendre à des changements au sein du comité exécutif ?
La gouvernance évolue vers plus de dynamique mais pas de changement d’hommes. Il n’y avait pas lieu de modifier le top management de l’entreprise, qui est de très grande qualité, et je n’ai jamais été dans ma carrière adepte de la table rase du passé. Je trouve que ce n’est pas respectueux des collaborateurs. J’ai pris mes fonctions le 22 avril 2020 en télétravail, je ne vois pas ce qui m’aurait permis d’apprécier la performance de tel ou tel, de façon approfondie. Nous avons modifié la gouvernance en renforçant le suivi commercial de l’entreprise, et en créant un comité de direction business qui réunit tous les responsables des métiers et des régions pour suivre l’avancée de nos affaires, et favoriser l’élargissement de l’offre que nous sommes en mesure de proposer à nos clients.
Nous avons également créé un Leaders Committee qui réunit à rythme régulier les 80 leaders de l’entreprise en France. L’objectif de cette structure est de faciliter la communication interne, à un moment où nous sommes convaincus que la mobilisation et la communication des équipes vont être absolument clés. Si on veut que tout le monde soit à bord, il est indispensable d’accélérer la communication, et de faciliter les échanges avec les collaborateurs. L’idée est de créer une dynamique qui me paraît indispensable.
Nous lançons cinq projets qui sont la déclinaison de ma feuille de route. Ce sont des projets très concrets, qui témoignent auprès de chaque collaborateur de la dynamique dans laquelle nous nous engageons, une dynamique commerciale, de service client, et qui rassemble tous les collaborateurs.
Quelle stratégie comptez-vous apporter pour développer le réseau régional ?
Gras Savoye WTW dispose d’un réseau composé de 35 implantations en France métropolitaine et en outre-mer, ce qui est unique dans le grand courtage en France. Il s’agit d’un formidable actif qui donne une proximité avec nos clients, et que nous sommes les seuls sur le marché à pouvoir proposer avec autant de densité. 50 % de nos revenus proviennent d’ailleurs de nos antennes régionales.
C’est une force qu’il faudra conserver. Nous sommes également présents auprès de toutes les grandes entreprises françaises et servons la plupart des entreprises du CAC 40. Je souhaite renforcer notre accompagnement auprès d’elles, notamment en leur faisant bénéficier de la large palette d’offres et services que le groupe peut proposer. En ce qui concerne les métiers, nous sommes présents sur toutes les lignes, en assurance vie ou non-vie ; il faut poursuivre dans cette direction, il faut continuer à être un courtier en mesure de couvrir la totalité des risques.
Quel regard portez-vous sur le mariage ?
Je pense que cette intégration n’a pas été menée totalement à son terme, l’entreprise en France pourrait bénéficier encore plus de toute la puissance d’innovation financière et de créativité du groupe. Nous allons travailler pour que nos clients puissent avoir à leur disposition toute cette palette d’offres, qui est remarquable, tant en courtage qu’en conseil. Notre ADN chez Gras Savoye WTW, c’est la connaissance du risque. Notre objectif est de permettre à nos clients de se sentir en sécurité par rapport aux risques auxquels ils sont confrontés. La façon de répondre à cette problématique est multiforme, cela consiste aussi bien à les mettre en relation avec des assureurs que de leur apporter du conseil en prévention, en système, en organisation. Ces atouts expliquent notre positionnement et notre force dans le monde. Aujourd’hui, nous n’en profitons pas encore assez en France.
Quels sont vos leviers de croissance ?
Je pense que tous nos champs d’intervention peuvent être des leviers de croissance. Nous sommes sans doute le premier acteur de l’assurance affinitaire en France avec une puissance de feu et une agilité absolument remarquable. Même pendant le confinement, dès lors qu’il y a un vrai partenariat entre un client, un intermédiaire et des assureurs, nous parvenons à avancer. Notre force est liée à tout ce que le groupe est en mesure d’apporter au plan de l’offre, mais également en termes d’accélération de notre transformation technologique. Je suis convaincu que le futur du secteur de l’assurance passera en grande partie par les transformations technologiques, non seulement dans la relation avec les clients, mais également dans la fluidité du parcours des données du client de l’intermédiaire à l’assureur au réassureur, cette dimension technologique, notre groupe est en mesure de la maîtriser et d’apporter des solutions innovantes.
Quels sont les besoins des entreprises en couverture d’assurance tels qu’exprimés dans le cadre des renouvellements de cet été ?
C’est encore un peu tôt pour avoir une vision globale et détaillée. La première chose qui est certaine, c’est que ce sujet de la couverture des risques est présent à l’esprit de tous les chefs d’entreprise, encore plus qu’auparavant. Les risques en question vont être différents d’un secteur d’activité à un autre, il y aura incontestablement beaucoup de sujets qui vont tourner autour de l’accompagnement des collaborateurs, de leur couverture santé et prévoyance à la fois en courtage et en conseil. Sur les métiers de l’assurance non-vie, nous avons tous vu les débats autour de la PE, mais il y aura plus globalement des besoins qui vont apparaître, et qui vont être très différents selon les secteurs d’activité, en fonction de ce que les entreprises auront vécu durant la crise. Globalement, nous sommes incontestablement sur un secteur porteur parce qu’il répond à un vrai besoin.
Vous avez participé aux réunions pour penser le futur régime d’assurance afin de couvrir les pertes d’exploitation des entreprises, quelles sont les positions défendues par le groupe ?
Nous participons très activement aux travaux par le biais de Planète CSCA. Nous estimons que c’est notre devoir en tant que leader sur le marché d’être très actifs. Notre position est très simple : nous appelons de nos vœux à la mise en place rapide d’une couverture assurantielle. Personne ne sait quand aura lieu la prochaine crise, il faut absolument tirer toutes les conséquences de ce que nous venons de vivre.
Nous avons en France deux régimes qui sont proches (Cat Nat, Gareat). Il faut savoir réutiliser ce qui marche, ne tombons pas dans le travers souvent bien français de réinventer quelque chose et finalement de monter un dispositif qui va prendre énormément de temps alors que nous avons des dispositifs proches dont nous pouvons bénéficier. Bien sûr, ni le Cat Nat ni le Gareat ne sont transposables tels quels, nous en avons bien conscience mais on peut en bénéficier. Dans ce cadre, nous serions assez favorables à réutiliser le dispositif du Gareat qui fonctionne bien, et qui peut être étendu à ce type de régime.
Nous sommes également favorables à un dispositif obligatoire, pour une raison très simple : si demain il y a une crise de cette nature, il ne faut pas que l’on se trouve face à des entreprises qui ne seront pas couvertes. Dans ce cas-là, les mêmes débats autour du périmètre des couvertures vont renaître. Tous les acteurs ont la volonté de mettre en place un dispositif et de le faire dans un délai raisonnable. Il faut avoir l’objectif d’avancer rapidement, les Français nous reprocheraient à juste titre que le dispositif ne soit pas mis en place lorsque la prochaine crise apparaîtra. Il faut être très réactif. Ce dispositif doit bénéficier aux structures les plus vulnérables, est-ce que les très grandes entreprises doivent en bénéficier ? La question n’est pas tranchée à ce stade.
Quel regard portez-vous sur la communication des assureurs pendant cette crise ?
Je tiens à souligner que l’assurance est le secteur qui a le plus contribué à l’économie française pendant la crise. Ce n’est peut-être pas une question de communication, mais c’est une réalité. Je trouve qu’on fait facilement un mauvais procès aux assureurs en pointant du doigt telle ou telle insuffisance. Il aurait été sans doute préférable que la profession parle d’une seule voix et agisse comme un secteur homogène. L’image de l’assurance n’en sort pas renforcée. Pourtant, le monde de l’assurance est un formidable soutien social, c’est l’essence même de ce métier.