Renaud Dumora, directeur général de BNP Paribas Cardif
Stéphane Tufféry, rédacteur en chef
Le dirigeant de BNP Paribas Cardif revient sur les conséquences de la pandémie et évoque notamment l'assurance emprunteur, la rémunération de l'épargne et le digital (retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le numéro de mai de La Tribune de l'assurance).
Comment BNP Paribas Cardif s’est-il adapté au confinement nécessité par la pandémie ?
Nous avions supprimé les réunions physiques avant le confinement pour les remplacer par des visio-conférences, ce qui nous a permis de tester l’efficacité de nos procédures et de nos équipements. Dans le contexte de cette crise, nos priorités consistent, depuis le début, à protéger nos collaborateurs, tout en maintenant un niveau de service client aussi qualitatif que possible. Pour ce faire, nous avons recours massivement au télétravail. En Italie, confinée avant la France, nous étions déjà réorganisés avec un taux de télétravail très élevé. Le comité exécutif communique en temps réel avec nos équipes partout dans le monde et suit l’évolution de la situation en continu ainsi que les consignes émises par les autorités sanitaires.
Quelle politique suivez-vous en matière d’épargne dans le contexte de taux bas et de volatilité des marchés financiers ?
En France, notre activité a baissé globalement de 13 %, en raison d’une part d’une diminution de 15 % de l’épargne, et d’autre part d’une hausse de 3 % de la protection. Pour autant, au vu de la démographie et d’une récente étude d’opinion internationale que nous avons menée avec Ipsos, les besoins d’épargne sont en croissance, en France et à l’étranger. L’assurance vie reste la meilleure réponse aux besoins d’épargne des Français. Mais nous sommes en train de vivre un changement de paradigme. Le fonds euro qui cumulait trois avantages de performance financière, de sécurité et de liquidité, évolue dans un environnement de marché qui ne lui permet plus de remplir ces trois promesses. Aujourd’hui, il n’y a plus de produits qui remplissent l’ensemble de ces critères. Les unités de compte, l’eurocroissance, le fonds en euro et le PER y répondent chacun en partie. Dans ces conditions, seul un portefeuille diversifié permet de cocher toutes les cases, en s’appuyant sur trois piliers : le fonds général, les UC et l’eurocroissance. Concrètement, nous avons restreint le fonds général, qui continue d’apporter sécurité et liquidité, pour aller chercher la performance ailleurs. A cette fin, nous promouvons les UC : en 2019, elles ont représenté 34 % de la collecte brute (contre 30 % en 2018) en France, 42 % au niveau mondial. Il faut d’ailleurs souligner que les UC n’entraînent pas forcément une prise de risque. Il existe en effet des UC sécuritaires, ou des UC immobilières. De même, avec le nouveau PER, la gestion profilée induit une prise de risque dégressive jusqu’au terme du contrat. Il y a des solutions.
Concrètement, quels produits proposez-vous ?
Nous gérons notre portefeuille dans une optique de long terme de manière à pouvoir faire face aux éventuels soubresauts. Nous élargissons la gamme d’UC, notamment en immobilier, qui représente par ailleurs 7 % du fonds général et le protège tout en lui apportant sa performance. Nous avons d’ailleurs doublé l’enveloppe UC immobilières entre 2019 et 2020.
Quel rendement avez-vous servi l’an dernier sur le fonds euros ?
Nous avons servi un taux de 1,41 %, qui se situe à la médiane du marché. De fait, l’ensemble des acteurs ont été très raisonnables : tout le monde a baissé sa rémunération. Notre encours sur le fonds général s’est élevé à 123 Md€ à fin 2019 et nous figurons au 3e rang des assureurs vie, derrière Crédit agricole assurances et CNP assurances.
Le taux brut de notre fonds général, de 2,70 %, nous a permis de doter la PPB à hauteur de 583 M€. Elle représente désormais 5,83 % des encours. Notre fonds général peut ainsi se prévaloir d’une assise solide et sécurisée. Pour autant, il ne peut satisfaire seul les différentes attentes des épargnants. Notre réponse passe par la diversification pour satisfaire aux trois besoins des clients que j’évoquais précédemment. Il faut, en outre, faire œuvre de pédagogie et de conseil auprès des clients.
Qu’en est-il de votre activité en protection ?
Nous exerçons deux métiers : l’épargne et la protection, ce dernier incluant la prévoyance et les dommages. Notre stratégie a consisté à augmenter progressivement la part de la protection de manière à tendre à un équilibre. Aujourd’hui, la protection représente 49 % de nos revenus, contre 51 % d’épargne. Cette tendance va encore s’accélérer car nous opérons beaucoup en Amérique latine et en Asie où les besoins en protection sont forts. Par exemple, en Amérique latine, 30 % seulement des populations sont équipées en assurance auto-habitation. L’assurance permet également de se projeter dans l’avenir. L’étude que nous avons menée avec Ipsos a montré qu’au-delà de l’épargne et des liquidités disponibles, les répondants ont aussi besoin de savoir leur famille et leurs biens protégés à travers les assurances. Le sentiment de sécurité ressenti grâce aux assurances est donc un levier important pour pouvoir agir et se projeter.
Et sur l’assurance emprunteur ?
Elle reste un métier phare pour nous, au niveau mondial, et représente près de deux tiers de l’activité protection. Nous la proposons dans les 33 pays où nous sommes implantés.
Conformément à notre politique RSE, nous avons élargi les pathologies couvertes aux maladies coronariennes, la paraplégie, ou encore les troubles du psychisme liés à un événement de vie, avec pour objectif de rendre l’assurance accessible au plus grand nombre. En France, nous avons lancé le passeport « Cardif libertés emprunteur ». Celui-ci permet d’anticiper les démarches d’assurance avant la recherche du bien immobilier ou l’obtention du crédit, avec une proposition d’assurance qui reste valable douze mois. Par ailleurs, le parcours de souscription est entièrement digitalisé.
A ce propos, quelle est votre approche du digital ?
Lorsqu’on propose une solution digitale, nous ne visons pas le 100 %, car toutes les situations ne se gèrent pas automatiquement et certaines personnes ne souhaitent pas souscrire de cette manière. L’étude d’opinion que nous avons menée avec Ipsos a relevé que 72 % des clients souhaitent rencontrer une personne physique à un moment ou un autre du processus. Dans tout parcours digital, il faut donc prévoir des portes de sortie, des possibilités de nouer le contact avec un conseiller physique. Les projets de nos clients touchent à l’intime et nécessitent écoute et empathie.
Pour autant, nous sommes passés à l’ère de l’industrialisation du numérique, avec des dispositifs accessibles à des centaines de milliers de clients. Nous venons d’ailleurs de lancer une offre d’assurance vie en ligne qui s’appuie sur le robo-advisor de Gambit Financial Solutions. Cette offre, dénommée Birdee vie, est accessible à partir de 1 000 € de versement initial. Elle permet de bénéficier de conseils d’allocation simples et de qualité grâce à l’intelligence artificielle.