Les start-up ont la parole

Publié le 8 juillet 2019 à 8h00    Mis à jour le 9 juillet 2019 à 17h59

jc.manuceau@tribune-assurance.fr

Antoine Tran Van, business developer et directeur produits d'Happytal

Quels intérêts communs y a-t-il entre une start-up e-santé et l’assurance ?

« Dans les hôpitaux en France, on peut très vite être seul et vivre une rupture avec sa vie quotidienne. Nous avons décidé d’amener plus de vie et de services à l’hôpital pour éviter et gommer toutes les ruptures avec le quotidien. Aujourd’hui, nous sommes présents sur une centaine d’établissements publics et commençons à travailler dans le secteur des Ehpad, tout en conservant nos services de conciergerie. Notre objectif est d’accompagner le patient entre l’annonce de son hospitalisation et son retour chez lui en l’aidant dans son quotidien, dans sa venue à l’hôpital, dans ses tâches administratives (complémentaire santé, sécurité sociale…). Suite à notre levée de fonds il y a quelques mois, Axa est devenu un de nos principaux investisseurs. L’articulation entre notre service et l’assurance fait sens. Nous sommes assez complémentaires et proposons des services qui peuvent venir compléter un produit d’assurance. Nous œuvrons à faciliter le maintien à domicile, notre offre peut donc avoir un impact indirect pour eux. L’idée est d'aider les assureurs à se différencier en proposant nos services de conciergerie et peut être d’autres services à leurs assurés. »

Jean-Marc Lazard, directeur général et cofondateur d'Opendatasoft

Le secteur de l’assurance est-il en retard sur la data ?

« Opendatasoft est éditeur de solutions logicielles. Notre credo est de simplifier et démocratiser l’accès à la donnée et surtout démocratiser son usage. Pour cela, nous avons développé une solution qui simplifie la collecte des données et leur remise

à disposition via un catalogue de données. La collecte et le traitement des données sont des enjeux importants pour les assureurs mais l’enjeu majeur se trouve dans la valorisation de cette donnée. C’est un paradoxe. Spontanément, je n’avais pas ciblé les assureurs parce qu’ils sont censés être des spécialistes de la data. Je pensais qu’ils étaient au point. Les assureurs ont conscience de leur retard et qu’ils doivent accélérer sur le sujet. Ils ont tout ce qu’il faut mais ils ne savent pas trop quoi en faire, comment la valoriser. Ils sont poussés par les exigences du marché, les transformations de leurs métiers. Le plus surprenant est de voir à quel point les compagnies d’assurance méconnaissent leurs propres données. Elles n’en font pas des choses nouvelles. Jusqu’à maintenant, le secteur était plutôt dans une logique de modernisation de l’équipement. Désormais, les métiers sont intégrés dans les démarches de modernisation et dans les stratégies innovation. Ils peuvent nous communiquer directement leurs besoins et leurs attentes, ce qui nous permet d’avancer plus vite. »

Rémy Ea, directeur marketing de DreamQuark

Est-ce compliqué de travailler avec des assureurs ?

« Nous faisons parler les données grâce au machine learning pour permettre aux entreprises et aux métiers de prendre les meilleures décisions. Avec notre plate-forme Brain, nous aidons les assureurs à recommander les meilleurs produits ou à lutter contre la perte de clients grâce à un profiling précis. Nous arrivons à prédire le comportement des clients : détecter ceux qui risquent de partir dans les prochains mois ou ceux qui souhaitent s'équiper d'un nouveau produit d'assurance. Pour un de nos clients, nous avons ainsi réussi à passer de 8 % de perte de clients à 5 %, en leur permettant d'être proactifs, c’est-à-dire en prenant contact au bon moment pour les fidéliser. L'une des complexités dans le domaine de l'assurance est l'accès à la donnée et la réglementation qui entoure son usage. Les nouvelles règles, comme RGPD, sont d'excellentes initiatives mais qui peuvent parfois ralentir l'accès à la donnée dont ces solutions se nourrissent. »

Christophe Dandois, cofondateur de LeoCare

Qu’apportez-vous comme innovation sur le marché de l’assurance ?

« La plus grosse innovation à faire dans l’assurance est de transformer l’assuré en client. Nous avons créé Leocare pour mettre l’assurance grand public IARD à l’heure du digital. Concrètement, cela veut dire rendre simple un univers complexe et opaque. Leocare est un gestionnaire courtier distributeur. Nous travaillons avec des partenaires porteurs de risque avec lesquels nous élaborons nos produits (les critères d’éligibilité, le tarificateur…) et nous intégrons notre vision produit client qui mêle du marketing et de l’actuariat dans notre système d’information. Nous sommes autonomes dans tout le parcours client. L’enjeu est d’offrir de l’autonomie et de la flexibilité à nos clients afin qu’ils soient assurés et rassurés sur leurs choix. Les « néoassurances » apportent proximité et personnalisation ; ce qui fait la différence par rapport à ce qu’on a connu avec les assureurs et bancassureurs et les assurances en ligne. Les assurances en ligne et les comparateurs se sont positionnés uniquement sur le prix. Les néoassurances doivent être compétitives par l’adaptabilité des garanties et des services associés.

Pour la France et les pays européens, nous croyons à une évolution plus par la qualité du service, par la flexibilité à la demande des plafonds et des franchises, à une amélioration de la couverture au bon moment plutôt qu'à des approches cash-back mensuelles de quelques euros.

Pour nous, l’enjeu est dans le service, la stratégie uniquement par le prix ne s’est pas démontrée en France jusqu’à présent. L’IARD en France représente 50 Md€, avec un churn qui s’accélère depuis la loi Hamon ; se dire concurrents entre start-up n’a pas de sens ! Nous (néoassurances mais aussi assureurs) avons tous le même intérêt à faire comprendre au particulier qu’il a l’opportunité d’avoir une simplification (dans sa poche à tout moment), et surtout, d’adapter et d’être mieux protégé dans son quotidien. Nous sommes tous des acteurs de la transformation de l’assurance pour répondre au mode de consommation des Français. »

Pierre Stanislas, CEO et confondateur de wilov

Les niveaux de primes IARD du marché français, et surtout l’auto, sont relativement bas. D’aucuns disent qu’il n’est pas possible de faire moins cher.

« Au contraire, c’est possible. L’assurance auto est un produit d’appel, c’est le compte bancaire de l’assurance, et donc il y a une compétition acharnée avec les comparateurs, les assureurs. L’approche tactique des assureurs traditionnels pour être compétitifs est de rogner sur les garanties. Typiquement, si vous allez sur un comparateur, vous regardez le montant des garanties corporelles proposées, avec des franchises variables, des choses un peu opaques. Pour avoir les meilleurs prix, ils adoptent des mécanismes confus.

C’est un marché très compétitif, tiré par les prix et l’innovation. En innovant sur le modèle tarifaire, nous arrivons au contraire à proposer un produit simple, transparent, sans option. Un produit couvrant mais à un prix défiant toute concurrence. Notre approche est de dire : si vous ne roulez pas tous les jours (quinze jours par mois ou moins), vous allez avoir chez wilov une assurance tous risques avec une assistance dépannage zéro kilomètre, des franchises fixes. Nous prenons le contre-pied de cette mouvance à un prix compétitif parce qu’il correspond à l’usage et au risque que vous représentez. Notre positionnement prix n’est pas un positionnement marketing, c’est un positionnement de risque. Nous ne faisons pas payer pour un risque que l’assuré ne prend pas. Aujourd’hui, si un nouvel entrant veut être compétitif, pénétrer ce marché, sans innovation technologique et sans innovation tarifaire cela risque d’être compliqué. Les assurés ne vont pas aller le voir simplement parce que son expérience client est sympa. Ils viennent avant tout pour le prix, puis restent et en parlent autour d’eux pour l’expérience client. »

David Carasso, directeur général co-fondateur d'AssurUp

Vous étiez une des premières InsurTech française à vous lancer en 2015, où en êtes-vous aujourd’hui ?

« Quand nous nous sommes lancés, ce marché n’existait pas, personne ou très peu d’assureurs et de courtiers suivaient et accompagnaient les start-up. Aujourd’hui, nous sommes leaders du marché, nous l’avons capté. AssurUp est partenaire de plus de 50 incubateurs, accélérateurs et autres acteurs de la nouvelle économie (Station F, Numa, Schoolab, The Family…) et compte 30 assureurs partenaires. Nous sommes une plate-forme 100 % digitale et proposons de l’assurance professionnelle sur-mesure adaptée aux besoins des start-up. Nous sommes le premier courtier à avoir digitalisé 100 % du parcours client. Depuis peu, nous sommes allés au-delà de la RC pro et nous proposons de la santé, prévoyance, cyber... Nous avons décidé de challenger les courtiers sur leur terrain de jeu. Les courtiers d’assurance traditionnels sont souvent archaïques, ils ont dû mal à comprendre et à répondre aux besoins d’agilité et de souplesse des start-up. Nous n’avons toujours pas d’assureur au capital parce que je considère qu’un courtier se doit d’être indépendant. Notre commissionnement est classique, mais nous avons développé notre propre API (interface de programmation d’application) afin de nous référencer au sein de plate­formes et pouvoir y vendre nos produits. Notre objectif est d’atteindre les 5 000 entreprises couvertes d’ici la fin de l’année, c’est-à-dire quatre fois plus que ce que nous faisons aujourd’hui. Nous espèrons avoir dépassé le million d’euros de commissions récurrentes en 2020. Nous voulons être le Aon de demain. »

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