Patrick Evrard, président d’Agéa
Rédacteur en chef
Alors qu’Agéa entame la dernière ligne droite de son projet de refondation du métier d’agent, Patrick Evrard, président de la Fédération nationale des syndicats des agents généraux, livre sa vision sur le futur de la profession (retrouvez l'intégralité de cet entretien dans le numéro 231 de janvier 2018 de La Tribune de l'assurance).
Le tsunami réglementaire a-t-il du bon ?
Qu’ils s’agisse de PRIIPs, de RGPD ou de la DDA, la réglementation est lourde mais est aussi source d’opportunités. Elle peut permettre d’assainir le marché par exemple. Il faut donner à ces réglementations une juste valeur, les adapter de façon à ce qu’elles deviennent une opportunité plutôt qu’un poids. C’est une chance pour les agents. Quel réseau pourra offrir demain une telle qualité au client ? Dans la chaîne de distribution, les agents généraux sont bien placés pour s’adapter à la mise en application prochaine de la DDA. De plus, si les agents sont mieux formés tout au long de leur vie pro, grâce notamment à la DDA, automatiquement le conseil dispensé sera encore meilleur demain.
Si on asseoit des systèmes d’intéressement des agents généraux sur la qualité du conseil donné ou sur l’information remontée, les compagnies seront à même de mieux tarifer et rentabiliser leurs opérations. C’est un système vertueux qu’il faut arriver à mettre en place et la réglementation peut nous aider à améliorer encore la qualité de nos prestations.
Cette vision volontariste et optimiste de l’avenir du métier est-elle partagée par la base ?
Je vais régulièrement voir les agents afin de prendre le pouls du terrain. C’est une profession souvent solitaire dont l’image est encore trop mal connue, qui subit la concurrence d’acteurs multiples, ainsi que les diverses réglementations qui alourdissent ses méthodes de travail. Il arrive un moment où le moral peut en prendre un coup.
Quand vous voyez votre compagnie mettre en place des méthodes un peu drastiques de redressement ou des majorations différenciées en fonction des réseaux, tout cela est légitimement inquiétant. C’est le rôle de notre fédération de donner un cap, un cadre.
J’ai la conviction que les agents peuvent faire face et non seulement résister mais aussi être proactifs et en tirer bénéfice. S’il y a bien un réseau qui est à même de s’adapter, c’est celui des agents car il est capable à la fois de se digitaliser tout en restant, grâce à sa proximité, à l’écoute des clients. En dépit de toutes ces évolutions, les réseaux d’agents restent extrêmement performants et rentables pour les compagnies. Je souhaite donc qu’elles investissent massivement dans nos réseaux afin de remettre l’agent au cœur de leurs stratégies commerciales. Au-delà des mots et des effets d’annonce, les agents attendent sur le terrain des actions concrètes des mandantes, notamment pour moderniser les systèmes d’information ou améliorer la gestion des plates-formes.
Comment comptez-vous accompagner le nouvel agent ?
Actuellement, la formation initiale d’un agent général s’effectue au sein des centres de formation de la compagnie sur une durée de six cents heures environ. La grande difficulté du début de notre profession tient dans le fait que les agents se retrouvent souvent bien seuls après cette formation. La fédération et nos syndicats doivent réfléchir à la façon de combler ce manque, peut-être par l’accompagnement d’un confrère, ou par le biais de réunions de jeunes agents afin de favoriser les échanges et les bonnes pratiques.
En vingt ans, le nombre d’agents a diminué, c’est incontestable. En revanche, le CA des agents est resté stable dans le temps : les parts de marché des agents en IARD étaient de 36 % à l'époque et sont aujourd’hui de 34 %. Malgré l’émergence de l’assurance directe, ou des agences bancaires, la part des agents est restée stable avec davantage de structures de bonne taille.
Que faire pour que ça continue ?
Face à l’évolution des modes de consommation, il nous faut transformer nos agences et adopter une démarche multicanale. Le client doit pouvoir trouver chez nous tous les canaux de communication nécessaires sous peine de ne pas le satisfaire et de le perdre. Il faut multiplier les points de contact pour permettre au client d’être autonome tout en favorisant les interactions avec l’agent. L’intérêt d’être accompagné par un agent, c’est à la fois de disposer de tous les moyens de contact de l’agence et de la compagnie et surtout d’avoir un interlocuteur présent physiquement quand le sinistre survient.
Sur n’importe quel sinistre grave, Internet ne suffit pas et la particularité de l’agent est de pouvoir être là en cas de coup dur. Il est fondamental que les agents soient bien formés à la gestion de sinistres pour qu’ils puissent montrer leur valeur ajoutée.
Nous cherchons à allier les nouvelles technologies à des outils simples qui vont aider à la gestion des contrats et des sinistres. Il nous faut marier les NTIC à l’agence générale, et développer le modèle « phygital » qui combine à la fois l’humain et les nouveaux moyens digitaux. C’est comme cela que nous pourrons améliorer l’expérience client tout en restant au centre de la relation.