Thierry Mageux, directeur Business Development chez Robert Half Financial Services
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Comme en témoigne notre dossier métiers salaires d’octobre réalisé en partenariat avec Robert Half Financial Services, les vrais enjeux RH du secteur portent sur trois métiers phares : gérant sous contrainte assurantielle, contrôleur de gestion technique et responsable du contrôle interne et de la conformité. Le point avec Thierry Mageux, directeur Business Development du cabinet de recrutement.
L’environnement économique incertain et contraint influe-t-il sur les recrutements des assureurs ?
Bien évidemment. La transformation du secteur de l’assurance se poursuit, ce qui induit des changements dans le type de recrutements. Jamais les taux d’intérêt n’auront été aussi bas, voire négatifs ! Cela impacte sérieusement les portefeuilles. Les revenus sur les produits financiers ont considérablement baissé. Et la rentabilité des compagnies s’en trouve écornée. Du coup, les politiques commerciales sur les réseaux sont revues. En assurance vie, par exemple, on cesse de proposer aux clients des fonds en euros et on les incite à s’orienter sur les unités de compte. Les compagnies doivent désormais faire preuve d’imagination pour trouver de nouveaux rendements, de nouveaux produits et doper leur performance. De ce fait, elles ont besoin de s’entourer de nouveaux profils, notamment d’experts en gestion actif passif, d’analystes de fonds – fonds d’infrastructure, de dette privée, voire immobilier – , et de classes d’actifs décorrélés ou alternatifs. Or, ces profils sont difficiles à trouver. Nous les dénichons dans les sociétés d’asset management et les banques d’investissement.
Quels autres profils sont également recherchés ?
Pour piloter leurs activités de façon affinée avec des bases de données plus volumineuses, de nouveaux produits et de nouvelles lignes de métiers, les acteurs du secteur ont besoin de s’entourer de compétences actuarielles et financières. Aussi, les contrôleurs de gestion technique ont la cote. On attend d’eux qu’ils produisent des chiffres, les analysent et disposent des bonnes informations avec les bons niveaux de granularité.
Les besoins de recrutement sont par ailleurs toujours aussi importants sur les profils de responsable du contrôle interne et de la conformité. Sur les métiers de l’épargne où la distribution de produits se complexifie, le recours au responsable conformité est devenu quasi incontournable. Ces embauches sont bien entendu liées aux contraintes réglementaires, telles l'application de Solvabilité II et de la directive européenne sur la distribution. En résumé, j'estime que les vrais enjeux d'aujourd’hui se portent sur ces trois métiers phares, sans oublier les actuaires.
Sur les évolutions salariales, qu’avez-vous observé ces douze derniers mois ?
Les augmentations de salaire se sont raréfiées. Cela s’explique aisément : des regroupements sont toujours en cours, les réseaux de distribution coûtent cher, la rentabilité a chuté et la concurrence s’accroît. Les assureurs ont par conséquent moins de marge de manœuvre et leurs business models sont mis à l’épreuve ! De fortes tensions persistent toutefois sur les rémunérations des experts techniques. Et les compagnies font des efforts lorsqu’elles doivent trouver un spécialiste aux compétences rares. Ceux qui tirent encore le mieux leur épingle du jeu, avec des augmentations comprises entre + 3 % et + 5 %, sont les actuaires, les directeurs financiers et les commerciaux les plus performants.
Et en matière d’avantages sociaux ?
La participation et l’intéressement, composantes du package de rémunération, ont été plutôt moins servis aux salariés. Quant aux avantages sociaux, hétérogènes dans le secteur, je pense qu’ils sont restés stables.
En termes de contrats et conditions de travail, quelles sont les attentes des candidats et des employeurs ?
Le CDI reste le contrat de travail classique. Cependant, du côté des candidats, on ressent un désir plus important d’indépendance avec notamment le souhait de télétravailler et de partager son temps entre plusieurs employeurs. Le télétravail ne s’est pas encore démocratisé. Des freins internes subsistent dans les entreprises. En revanche, le management de transition se développe. Du côté des employeurs, c’est la flexibilité et l’adaptabilité qui sont avant tout recherchées.
Comment voyez-vous évoluer la situation dans les deux ans à venir ?
La concurrence des talents devrait s’intensifier, car de nouveaux entrants bousculeront le marché avec des offres moins chères, des garanties plus sophistiquées et des outils performants.
La transformation numérique et les architectures ouvertes continueront d’impacter les métiers. Dans ce contexte, je pense que les « petites mains », avec l’automatisation des tâches et les investissements informatiques, les commerciaux qui travaillent en BtoC et les managers intermédiaires (premier et deuxième niveaux), ont du souci à se faire ! Les recrutements deviennent cornéliens pour les assureurs.
(Voir l'intégralité du dossier métiers salaires dans le n° 217 d'octobre de La Tribune de l'assurance.)