Après une année 2018 atypique, les investisseurs abordent le début d’année en cherchant à maîtriser les risques et à trouver des poches de rendement.
Responsable du pôle de gestion dette privée et actifs réels de BNP Paribas Asset Management
L’année 2018 qui s’achève, dans un contexte économique et géopolitique particulièrement incertain, n’a peut-être pas encore livré toutes ses surprises. Pour autant, c’est déjà vers 2019 que se tourne le regard des investisseurs avec en ligne de mire « une fin de cycle atypique ». Après les années « Goldilocks » marquées par une croissance forte, une inflation faible et une politique monétaire accommodante, un changement de régime est en effet à l’œuvre selon nous. Il devrait voir la croissance ralentir sans s’arrêter et les politiques monétaires se resserrer, malgré une inflation encore modérée.
Cet environnement représente un défi de taille pour les assureurs. Où rechercher des poches de rendement lorsque les taux restent bas et les valorisations élevées ? Comment maîtriser les risques alors que volatilité et corrélations augmentent ?
Attraits structurels
Les stratégies de dette privée – qu’il s’agisse de dette d’entreprise ou sur actifs réels – présentent des attraits structurels répondant à nombre des défis exposés ci-dessus. Actifs de long terme détenus jusqu’à l’échéance et souvent assortis de sûretés, ils offrent des rendements prévisibles sur le long terme avec une moindre volatilité et une moindre corrélation que les obligations publiques. Ils offrent également des consommations de capital Solvabilité II faibles au regard de leur rendement, du moins pour le segment des dettes senior sécurisées. Ils sont enfin le plus souvent des instruments à taux variables, offrant une protection contre le risque de hausse des taux.
Pour autant, deux éléments conjoncturels nécessitent d’être bien pesés pour apprécier la résilience de la classe d’actifs. Comment se préparer à un possible retournement de cycle ? Où trouver encore la prime d’« illiquidité » sachant que les valorisations sont élevées et les montants de dry powder très significatifs ? La compression des spreads sur de nombreuses classes d’actifs, l’affaiblissement des standards d’octroi de prêts (covlite) sur le marché du prêt à effet de levier, en particulier aux US, sont des points de vigilance pour les gérants et investisseurs.
C’est pourquoi chez BNP Paribas Asset Management, nous mettons en œuvre dans toutes nos gestions de dette privée une philosophie de gestion fondée sur une approche de long terme dans laquelle la valeur pour l’investisseur est tirée d’une sélectivité importante, d’une analyse en profondeur des sûretés et d’un pricing approprié du risque.
La valeur ajoutée par la sélectivité des gérants est notamment attestée par l’expérience de la crise de 2009 : là où le pic de défauts pour le marché des prêts à effet de levier a atteint 14 %, celui des portefeuilles de CLOs en général n’était que de 4 % avec des chiffres encore inférieurs pour les meilleurs (1).
Le prix du risque est également un indicateur que nous suivons de près, au travers notamment des spreads par unité de levier : toujours sur le marché des prêts à effet de levier, à 72 bps en Europe, il se situe légèrement au-dessus du marché US et encore bien supérieur au point bas observé précrise à 40 bps.
Dans le domaine des actifs réels enfin, cette approche nous amène à privilégier des actifs de type « Core + » plutôt que des actifs « Core » dont les rendements ont le plus baissé ces dernières années. Surtout, nous sommes convaincus que les stratégies innovantes en termes d’origination d’actifs sont payantes dès lors qu’elles permettent une réelle diversification de l’exposition crédit et la captation d’une prime d’« illiquidité ».
Une solution globale intégrée
Un très bon exemple de cette approche est notre fonds de dette senior aux PME. Doté fin 2016 d’une capacité de 500 M€ d’engagements apportés par des investisseurs institutionnels, ce fonds offre aux PME une solution globale intégrée à l’offre bancaire BNP Paribas. Il constitue une source de financement long terme complémentaire à celle proposée par les établissements bancaires sous la forme de dette senior in fine. Les PME ayant plus difficilement accès au marché obligataire, cette source de financement innovante leur permet de se munir de ressources additionnelles nécessaires à leur développement.
Environ deux ans après son lancement, quel est le retour d’expérience ? Tout d’abord la diversification est une réalité. L’offre rencontre un vif succès auprès de PME françaises et européennes, le fonds a déjà pu financer près de 70 entreprises pour un montant cumulé de 300 M€ (2).
Ensuite, le fonds a démontré sa capacité à extraire une prime d’« illiquidité » pour les investisseurs. Pour chacun des 70 prêts que le fonds a accordés, nous avons comparé le rendement obtenu avec un comparable – choisi dans l’univers des obligations d’entreprises non financières de notation équivalente. Le résultat obtenu est qu’en moyenne la prime d’« illiquidité » obtenue par différence représente plus de 150 bps (2).
Enfin, l’innovation permet également d’améliorer le profil de risque, au-delà même de l’effet de la diversification. En effet, sur ce marché des PME, l’ensemble des prêts retenus dans le portefeuille sont assortis de sûretés et de covenants. De notre point de vue, ces différents exemples confortent l’idée que les stratégies de dette privée sont une réponse adaptée aux défis structurels et conjoncturels d’allocation d’actifs, à condition de privilégier des stratégies innovantes et une approche de long terme.
Diversification et prime d’« illiquidité » sont les deux promesses fondamentales de la classe d’actifs et passent par des moyens importants et spécifiques déployés dans les équipes de gestion pour avoir accès à des actifs réellement diversifiants et bien les sélectionner.
(1) Source : extrait Intex sur univers des fonds CLO émis en 2007
(2) Source : BNPP AM au 12 décembre 2018