Christophe Arrebolle, président de Texa
chef de rubrique
Sur un marché toujours plus concentré, Christophe Arrebolle, président de Texa, fait le point sur la santé et les projets d'un des principaux opérateurs français de l'expertise qui fête cette année ses 30 ans.
Pouvez-vous présenter en quelques chiffres les activités de Texa ?
Fin 2016, le groupe Texa enregistrait un chiffre d’affaires d’environ 200 M€ pour près de 2 000 salariés, contre 110 M€ de CA et 1 100 salariés il y a un peu plus de cinq ans. Nous proposons aujourd’hui cinq métiers qui se concentrent autour des services et de l’expertise à l’assurance.
Nous avons trois métiers autour de l’expertise : en premier lieu pour les particuliers et les professionnels avec la marque Texa, qui enregistre environ 90 M€ de CA et qui continue à se développer notamment par l’élargissement de l’offre. Nous sommes ensuite présents sur le risque industriel, métier historique du groupe porté par TGS, lui aussi en fort développement et qui enregistre un CA d’environ 25 M€. Enfin, nous avons une importante activité sur notre métier expertise construction, notamment via CLE expertises et Eurisk, qui représente près de 60 M€ de CA.
Nous sommes également positionnés sur deux métiers autour des services, avec d’une part la réparation en nature via Geop pour plus de 20 M€ de CA. D’autre part, nous assurons aussi la gestion de sinistres de certains grands comptes corporate. Sur ce segment, nous travaillons beaucoup avec le courtage et avec de nouveaux acteurs du secteur de l’assurance que nous accompagnons de manière opérationnelle, à l’image d’Inspeer.
Sur quelles bases s'inscrit votre plan stratégique ?
Notre nouveau plan à horizon 2020 repose sur trois axes majeurs : les hommes, le digital et l’élargissement de l’offre de services. C’est un plan stratégique de continuité car nous croyons à la mise en œuvre progressive et à l’accompagnement des transformations.
D’abord, ce plan est axé autour des hommes et des femmes du groupe. Pour offrir les services, la proximité, le management, l’accompagnement et les compétences techniques, l'humain est fondamental. Ensuite, nous allons poursuivre notre développement dans les outils et le digital. Ces derniers mois, nous avons investi fortement sur ce volet et notre nouvel actionnaire, Naxicap Partners, entré au capital l’année dernière, est aussi dans cette dynamique. Nous avons également lancé un schéma directeur informatique et innovation à trois ans. Sur ces bases, nous souhaitons faire de l’innovation et des services les éléments clés de la réussite de notre diversification.
Au niveau international, nous avons un partenariat avec Crawford & Company depuis plusieurs années. En accord avec ce dernier, nous nous interrogeons sur la façon d’améliorer l’accompagnement de nos clients.
Quelle est votre vision actuelle du marché de l'expertise ?
La première tendance de fond qui touche les métiers de l'expertise concerne la vitesse. Nos clients assureurs, à la demande de leurs assurés, demandent désormais que tout aille plus vite mais cette vitesse doit intégrer de fortes capacités relationnelles et des compétences techniques spécifiques.
Le deuxième mouvement de marché concerne la diversification avec une offre de services de plus en plus grande à destination des assureurs. Sur ce point, Texa essaie de devenir un acteur plus global, un partenaire sur différents métiers en proposant à chaque fois davantage de services et d’innovations tout en structurant des offres spécifiques et adaptées par métier.
Le troisième porte sur la digitalisation et la nécessité de procéder à des investissements importants pour offrir des solutions multiples à nos clients et être en capacité de les accompagner de manière pérenne.
Sur votre cœur de métier, quel est le bilan de l'activité ?
Sur le marché de la MRH, cette année, nous devons gérer une période de croissance et de montée en charge de nos activités, en partie liée aux nombreux événements survenus. A contrario, sur l‘activité de construction, nous sentons une baisse de la sinistralité liée à la faible pluviométrie.
Les assureurs qui font appel à vous sont-ils plus exigeants ?
Les assureurs ont de plus en plus besoin de spécialistes dans des domaines très particuliers, mais aussi et surtout d’experts capables de travailler en équipe. C'est une véritable transformation, notamment à cause des problématiques de solvabilité qui conduisent les opérateurs à accélérer les évaluations de provisions : il faut désormais avoir une vision et une analyse du risque rapide et fiable. Cela complexifie notre métier.
Est-il plus facile de traiter des sinistres de fréquence ou d'intensité ?
A travers le digital et par une évolution continue du management, du pilotage de nos activités et de nos relations sur le terrain, notre stratégie est de continuer à « industrialiser » notre expertise sur les risques de fréquence tout en apportant du sur-mesure aux assurés en fonction du moyen le plus adapté (à distance, en visio, sur site…).
Pour les sinistres d’intensité, nous voulons poursuivre notre développement sur les risques techniques, spécifiques, et les forts enjeux, et nous constituer une cellule « immeubles » ou une cellule « recherche de causes » par exemple, ou sur de nouvelles spécialités. Ainsi, nous nous développons autour des compétences pour pouvoir répondre à des problématiques complexes et cette approche globale donne de la valeur ajoutée.
Quels outils utilisez-vous pour cela ?
Nos équipes sont très clairement dans une démarche d’innovation et de tests autour des nouvelles technologies ou de nouveaux outils permettant de faciliter l’expertise ou d’offrir de nouveaux services.
Les drones ou la visio-expertise sont aujourd’hui de bons exemples d’outils à valeur ajoutée, notamment pour les risques industriels. Les nouvelles technologies nous aident, mais il y a encore une réalité technique complexe qu’il ne faut pas nier. Il ne faut donc pas se donner d’objectifs trop ambitieux dans l’utilisation de ces outils mais plutôt les adapter aux besoins des clients.
Nous croyons à la multiplication des initiatives, des essais sans position dogmatique. A ceux qui disent que tout sera bientôt digital, nous pensons que ce n’est qu’un outil qui va aider les équipes et qu’au contraire la notion humaine de service sera confortée.
Quid de la data dont disposent aujourd'hui les experts ?
Il y a beaucoup de réflexion et depuis longtemps sur ce sujet car il est vrai que nous disposons de beaucoup de données. Toutefois, celles-ci ne sont pas toujours très bien structurées, comparables entre acteurs, ou nécessiteraient des données complémentaires dont le coût d’acquisition reste à étudier. De plus, il y a un vrai sujet de propriété : à qui appartient réellement la data ?
Ces données peuvent évidemment servir aux assureurs pour analyse ou à d’autres acteurs. Notre rôle est d’abord d'apporter des services à nos clients mais je ne crois pas au fait que les experts deviennent à terme des gestionnaires de données : ce n’est pas notre métier.