Gestion d'actifs

Les assureurs creusent le filon vert

Publié le 15 octobre 2018 à 17h00

Marie-Caroline Carrère

La Fédération française de l’assurance (FFA) pousse les assureurs à s’engager plus franchement dans la lutte contre le réchauffement climatique en investissant dans les fonds verts mais également en « décarbonant » leurs placements financiers.

Marie-Caroline Carrère
Journaliste

Début octobre, Arnaud Chneiweiss, délégué général de la Fédération française de l’assurance (FFA), rappelait l’engagement des assureurs en faveur de l’environnement. A cette occasion, l'organisme a publié un guide des bonnes pratiques des assureurs concernant les politiques d’engagement et d’exclusion ESG.

En effet, ces trois dernières années, ces derniers ont réalisé qu’ils ont aussi un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ils se sont engagés à ne plus investir « dans les entreprises qui développent le secteur du charbon. C’est un engagement qui a été pris par l’ensemble de la profession, certains assureurs ayant décidé d’aller plus loin encore » assurait le délégué général de la FFA.

Certains comme Axa ou Allianz se sont même lancés dans une politique de désinvestissement des sociétés qui tirent plus 30 % de leurs revenus du charbon ou bien d’entreprises qui construiraient de nouvelles centrales à charbon au-delà de 3 Gw pour Axa et 500 Mw pour Allianz.

Lors de cette conférence, Marie-Pierre Peillon, directrice de la recherche chez Groupama Asset Management, expliquait : « Il y a deux façons de faire aujourd’hui dans le secteur : soit on met en place des politiques d’exclusions, certaines sociétés de gestion disent « nous n’investissons plus dans les entreprises qui ont une intensité carbone élevée » ; soit elles indiquent ne plus investir dans des entreprises à carbone élevé tout en les accompagnant dans leur transition énergétique. Nous regardons comment les entreprises mettent en place des stratégies qui permettent d’aller vers cet objectif. »

Aujourd’hui, 60 % des assureurs prennent en compte les critères ESG-climat dans leurs décisions d’investissement. 1 490 Md€ d’actifs sont couverts par une analyse ESG, cela représente plus de 60 % des actifs des assureurs et 1 025 Md€ d’actifs le sont par une analyse climat, soit 40 % de leurs actifs.

Une assurance vie verte proposée d’ici fin 2018

Dans la même veine, les assureurs vie de la place proposeront tous d’ici la fin de l’année 2018 des offres dites « vertes ». « Quelle que soit l’entreprise d’assurance vie à laquelle vous vous adressez, une offre explicitement verte et labellisée sera disponible », certifie le délégué général de la FFA.

Sont considérés comme investissements verts l’ensemble des actifs dédiés aux thématiques environnementales tels que les investissements en Green Bonds, infrastructures d’énergie renouvelable, Green Techs, fonds labellisés TEEC, fonds à thématiques environnementales, immobilier vert... En 2017, les assureurs détiennent 45 Md€ d’investissements verts dont 4 Md€ en Green Bonds.

Un dialogue ouvert entre émetteurs et investisseurs

« C’est vraiment un nouveau monde qui s’ouvre à nous. Il faut se demander s’il y une valuate risk climatique, s’il y a une sorte de température du portefeuille dans lequel vous investissez. Ce sont des notions assez nouvelles qui n’ont rien d’évident. Nous avons tout intérêt à travailler ensemble main dans la main entre entreprises, assureurs et gestionnaires d’actifs pour essayer de mettre au point justement ces méthodologies qui nous aideront dans la transition énergétique », complète Arnaud Chneiweiss. Dans ce sens-là, les assureurs travaillent également sur l’ouverture du dialogue entre émetteurs et investisseurs pour un cadre de reporting climat plus abouti.

Cependant, si les assureurs sont intéressés par le sujet, c’est d’abord parce que l’article 173-4 de la loi de transition énergétique les oblige à faire leurs propres reportings. Avec ces indicateurs, les assureurs indiquent espérer pouvoir diriger les sociétés vers des pratiques responsables. Mais aussi parce que le réchauffement climatique les impacte directement, notamment à travers la hausse des événements naturels majeurs. En tant qu’investisseurs institutionnels de premier plan, les entreprises d’assurance peuvent avoir un impact sur les politiques de développement et d’investissement des sociétés et donc sur la transition énergétique. « Nous assureurs sommes derrière le robinet parce que nous avons du cash-flow positif à investir et c’est une sécurité », expliquait Philippe Dutertre, directeur adjoint des investissements chez AG2R La Mondiale.

Un bon début

Si ces démarches sont louables, elles n’en sont qu’à leur début, admet Arnaud Chneiweiss : « Il est clair que tout le monde tâtonne, que tout le monde est en phase d’apprentissage. Les méthodologies ne sont pas encore clairement établies. » En effet, les assureurs se font régulièrement taper sur les doigts par des ONG environnementales qui les interpellent publiquement, comme l’association les Amis de la Terre qui, le 4 octobre dernier dans un communiqué de presse, pointait du doigt l’assureur Axa : « Axa a été un des premiers acteurs à exclure de ses investissements des entreprises en raison de leurs plans de construction de nouvelles centrales à charbon. Cependant, Axa n'exclut que celles prévoyant plus de 3 GW de nouvelle capacité charbon, un seuil 6 fois moins ambitieux que celui de 500 MW d'Allianz. Le seuil de 3 GW ne couvre que 41 des 120 développeurs. Mais ce qui manque surtout à Axa, c'est sa cohérence puisque Axa continue d'assurer les entreprises blacklistées de ses investissements. La même critique vaut pour le réassureur français Scor. » L’association met également en cause Groupama, Covéa et surtout les bancassureurs.

Pour sa part, Groupama affirme « son souhait de se désengager de façon progressive des entreprises prévoyant la construction de nouvelles capacités charbon ».

Jad Ariss, directeur des affaires publiques et de la responsabilité d’entreprise du groupe Axa, a accepté de réagir à ce communiqué et rappelle : « Nous avons été les premiers à lancer cette politique du désinvestissement du charbon en 2015, puis les premiers à étendre cette politique à la partie assurance en 2017. Nous nous réjouissons que d’autres acteurs nous suivent, voire nous dépassent, parce que notre objectif a toujours été de faire bouger les lignes dans le cadre d’une action collective. » Ainsi, le groupe a annoncé, en 2015, 500 M€ de désinvestissements du charbon et, en 2017, 3,7 Md€ du charbon et des sables bitumineux, et d’ajouter : « Nous continuerons à réviser notre politique régulièrement au fil des ans avec l'ambition de poursuivre la dynamique positive enclenchée dans le secteur. Nous avons désinvesti des compagnies qui continuent de construire de nouvelles centrales à charbon supérieures à 3 GW. Côté assurance, nous nous sommes engagés à n’assurer aucun projet de construction de nouvelle centrale à charbon quelle que soit sa capacité. » Le porte-parole reconnait néanmoins : « Il y a des entreprises blacklistées dont nous continuons bien évidemment à couvrir les salariés en assurance santé. Il y a certains risques d’entreprises dont nous ne nous désengageons pas, cela n’aurait pas de sens de se désengager. Pourquoi pénaliser les salariés des entreprises de charbon en refusant de leur apporter une couverture santé ? » Pour Axa, il ne s’agit pas d’avoir une logique punitive mais plutôt « d’avoir une politique dont on pense qu’elle a du sens et qu’elle est responsable en matière d’assurance ainsi qu'en matière de positionnement sur le changement climatique ». L’assureur rappelle également qu’il a pour objectif de multiplier par quatre ses investissements dans les fonds verts en passant de 3 Md€ d’actifs verts en 2017 à 12 Md€ d’ici 2020, soit 2 % des actifs du groupe investis dans des actifs verts.

Les gros assureurs se désengagent des secteurs du charbon, mais quid des secteurs comme le tabac, les armes et le secteur pétrolier ? D'autant qu’ils laissent la place à des acteurs plus petits et moins sourcilleux pour assurer des sociétés polluantes. Si c’est un bon début, le chemin est encore long pour arriver à une finance totalement responsable.

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