Stanislas de Baynast, directeur du marché agricole chez Abeille assurances

« L’équilibre économique du pool de co-réassurance agricole est un prérequis non négociable »

Publié le 19 octobre 2023 à 9h00

Juliette Lerond-Dupuy    Temps de lecture 4 minutes

La réforme de l’assurance récolte en vigueur depuis la campagne 2023 fait ses premiers pas. Stanislas de Baynast, directeur du marché agricole chez Abeille assurances, revient sur cette mise en œuvre et les difficultés rencontrées en chemin.

Comment s'est déroulée la première campagne d'assurance agricole post réforme ?

C’est une campagne très réussie. Notre nouvelle assurance prairie a été très bien accueillie par nos réseaux et clients et ce malgré la courte campagne de commercialisation. Nous enregistrons une progression de notre activité récolte aussi bien en nombre de contrats que d’évolution de notre chiffre d’affaires. On ne peut pas parler de choc assurantiel mais plutôt d’une poursuite de la dynamique de souscription que nous constatons depuis plusieurs années.

En dépit de la réforme, le contrat grêle seul reste le contrat en nombre le plus présent dans notre portefeuille. Équiper tous les agriculteurs du contrat multirisque climatiques sur récoltes (MRC) n’est donc pas l'unique solution. Il faut laisser le choix aux exploitants de pouvoir choisir l’offre la plus adaptée en fonction de leur situation.

Comment se présentent ceux pour 2024 ?

Nous nous attendons à une poursuite de la dynamique de 2023. Cela passera par la refonte de notre offre récolte dans sa complétude dont le déploiement commencera en fin d’année auprès de nos réseaux, le renforcement de nos équipes sur le terrain avec l’arrivée de nouveaux inspecteurs, et la réorganisation du service pour mieux accompagner la réforme.

Quelles difficultés se présentent à vous depuis la réforme ?

Nous allons être confrontés à une difficulté de gestion des justificatifs de rendements historiques pour la prochaine campagne. Les exigences réglementaires sont toujours plus nombreuses et l’État se repose en partie sur les assureurs. Par exemple, pour 2024, les assureurs devront collecter et vérifier des justificatifs de rendement, ce qui représente un travail très conséquent et un défi en termes d’organisation et de gestion.

Autre difficulté, les applications réglementaires liées au cahier des charges que nous devons implémenter dans nos outils et partager à notre réseau arrivent trop tardivement alors que les campagnes de souscriptions sont commencées. À titre d’exemple, les semis 2024 ont déjà commencé alors que le cahier des charges 2024 et les barèmes de prix ne sont pas publiés.

Enfin, le défraiement évoqué lors des premières discussions est très loin de couvrir le coût que représente la gestion pour compte du fonds de solidarité nationale (FSN). Si le défraiement proposé par l’État ne permet pas de couvrir nos frais pour l’indemnité de solidarité nationale (ISN), il faudra bien trouver une solution pour faire porter la charge supplémentaire que cela engendrera.

Que va changer la création d’un pool de co-réassurance pour Abeille assurances ?

Il est difficile de se prononcer à date alors que les groupes de travail viennent de commencer. Le pool est une demande forte de la part des pouvoirs publics et de la profession agricole qui attend des résultats rapidement. Il faut néanmoins rester prudent sur la mise en place d’un tel outil qui nécessite des travaux de fond et une organisation entre assureurs sur quelque chose de nouveau. On ne peut pas sortir un tarif technique unifié, ni une gouvernance, en quelques mois sachant qu’il faudra un avis positif de l’autorité de la concurrence au préalable tout en démontrant les gains d’un tel système.

Et pour Abeille assurances ?

De notre côté, le pool doit nous aider à pouvoir continuer à proposer aux agriculteurs une protection contre les risques climatiques dans un contexte de forte sinistralité et de transformation de la production agricole. La mutualisation des risques au sein du pool permettra de continuer à proposer des contrats à des conditions raisonnables, mais il ne faut pas s’attendre à des baisses significatives de primes. L’équilibre économique du pool est un prérequis non négociable pour que le marché s’engage dans un tel dispositif.

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