Serge Brichet, président de la Mutualité fonction publique (MFP)

« Le risque dépendance n’est pas pris en compte dans la réforme de la PSC des agents publics »

Publié le 11 avril 2024 à 9h00

Louis Johen    Temps de lecture 4 minutes

Le dirigeant de la Mutualité fonction publique (MFP) revient sur la problématique de la prise en charge de la dépendance par les mutuelles de la fonction publique.

Pouvez-vous nous donner quelques chiffres concernant la prise en charge du risque dépendance par les mutuelles de la fonction publique ?

Cela fait plus de trente ans que les mutuelles de la fonction publique proposent la prise en charge du risque de perte d’autonomie dans leurs offres santé-prévoyance. Nous pouvons aujourd’hui estimer que près de 3,5 millions de personnes, actifs et retraités, sont couvertes en dépendance au niveau de la fonction publique. Pour les mutuelles, cela représente près de 170 M€ de cotisations encaissées en 2023. Et les prestations, qui représentent des rentes mensuelles comprises entre 120 et 520 € par mois, viennent compléter le régime obligatoire pour un coût très accessible d’environ 10 € par mois.

Vous pointez un risque de régression des droits des assurés en dépendance dans le contexte de la réforme de la PSC de la fonction publique, qu'en est-il ?

La réforme de la protection sociale complémentaire des agents du public s’est engagée de façon sectorisée avec les pouvoirs publics qui ont souhaité négocier d’abord le volet santé pour traiter ensuite le volet prévoyance. C’était une approche périlleuse selon les mutuelles de la fonction publique qui ont pour habitude de coupler la protection santé et prévoyance pour favoriser la mutualisation. Nous constatons aujourd’hui que le risque dépendance n’est pas pris en compte dans l’ordonnance qui pose la réforme PSC des agents publics. Pour la fonction publique d'État, des ajustements par ministère sont possibles mais uniquement à titre optionnel coupant court à la mutualisation des risques. Cela implique que tous les agents publics qui ont cotisé pour ce risque sont sous la menace d’avoir cotisé à perte puisque cette couverture ne se retrouvera pas dans le socle interministériel des nouveaux contrats.

Nous savons très bien que la mutualisation du risque en dépendance est la seule solution qui permet d’avoir des tarifs accessibles. Selon nos estimations, une prise en charge individuelle sans mutualisation du risque entre les populations majore de dix à treize fois le coût de la garantie.

Quelles sont vos actions pour faire une meilleure place à la dépendance dans la réforme de la PSC ?

Avec la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), nous faisons feu de tout bois pour sensibiliser le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques à la prise en charge d’un risque qui a été oublié dès les premières écritures de la réforme. Nous travaillons également avec les fédérations syndicales, qui négocient directement avec le ministre et la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Et nous continuerons tant que la réforme ne sera pas entièrement bouclée.

Mais n’est-ce pas le problème de ces garanties annuelles qui peuvent s’éteindre à tout moment si l’assuré sort du contrat pour une raison ou une autre ?

Il est évident que des garanties annuelles portent le risque de ne pas être reproduites. Mais l’histoire des contrats des mutuelles démontre qu’il n’y a jamais eu de rupture depuis trente ans. J’entends qu’il faut certainement renforcer ces garanties par un système de financement plus pérenne pour éviter tout aléa de rupture mais c’est un système qui fonctionne et qui satisfait les adhérents.

Que pensez-vous de la proposition de la Mutualité française et de France assureurs de généraliser une garantie dépendance en l’adossant, dans un cadre obligatoire, à la complémentaire santé ?

Je partage complètement les propositions de la Mutualité française et de France assureurs. La dépendance est une dégradation de l’état de santé. C’est donc assez logique d’accoler ce risque à un contrat complémentaire santé et de le rendre obligatoire pour en mutualiser le coût.

Vous plaidez pour un financement public et solidaire de la dépendance, les mutuelles intervenant en complément. La piste du financement par la CSG-CRDS de l’épuration de la Cades est retardé, si ce n'est abandonné. Quel schéma préconisez-vous ?

À risque collectif, financement collectif. Mais la prise en charge publique ne permettra pas de résoudre à elle seule l’équation de la perte d’autonomie et les problèmes de capacité à créer des structures ad hoc, soutenir les aidants, ou encore former les personnels concernés. Il y a ce que peut faire le collectif et ce que les acteurs complémentaires que nous représentons peuvent proposer à leurs adhérents. C’est l’articulation de tous ces mécanismes qui permettra d’apporter une réponse pertinente, à l’image de ce que nous faisons en santé avec le régime obligatoire.

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